Pierre Vemaëre : un Cobra français

 

Galerie Guillaume,  Pierre Wemaëre, jusqu'au 1 février

 

« Je me souviens des Cobra ». Ce serait mon titre pour cette exposition.

Depuis quand suis-je devenu un « fondu » de Cobra ? Aucune idée et pourtant, c’est en peinture, mais aussi dans d’autres domaines artistiques la mode de pensée que j’ai toujours préféré. Cobra, un de ses défenseurs les plus connus a récemment disparu et avec lui une tradition d’exposition, d’accrochage et de recherche. C’était boulevard Haussmann. Ariel. C’était Jean Pollak.

 

Non loin. Sans intention artistique. Déplacement utilitaire. Coupant par la rue de Penthièvre pour rejoindre la rue du faubourg saint honoré, je pense être victime d’une hallucination. Ariel. La Galerie est là. Elle s’est réinventée à quelques encablures du boulevard Haussmann. Dans sa vitrine un magnifique tableau. Un pur Cobra !

Il faut revenir à soi. Constater que la Galerie ne se nomme pas Ariel mais Guillaume et entrer pour voir ce pur Cobra. Là, c’est sûr ! Je n’ai pas rêvé. C’est une peinture dans l’esprit de Karel Appel ou d’Asger Jorn ! Pile ! L’auteur de ce très beau tableau est Pierre Wemaëre. Il a travaillé avec Asger Jorn. Ils auraient fait « atelier commun ». D’où cet air de parenté entre la peinture de Wemaëre et celle du danois.

Il faut aller voir cette peinture. Les pièces exposées par la Galerie Guillaume sont d’une très belle et très grande qualité. Il y a là, tout ce que j’aime du Cobra. Violence des formes. Vigueur des coups de pinceaux, des ratures et des raclures. Peinture qui arrache et qui gicle à la figure de ceux qui la regardent. Et puis stridence des couleurs. Ce n’est pas une peinture du passage, qui vous appelle à vous quitter pour un ailleurs, dans un « beyond », à la fois vous-même et hors de vous-mêmes. Ici la peinture se fait animale, la bête, et s’approche menaçante. Elle est force et contrainte. Elle montre les dents et ses griffes. Elle vous mettrait en pièces si elle n’avait pas été contrainte à la surface plane. Elle vient directement des moments terribles d’une guerre atroce. Les peintres Cobra le sont restés toute leur vie même après que le mouvement fût dissous ou laissé à l’abandon. Les groupes Cobra ont disparu. Les individualités sont restées. Pierre Vemaëre a continué sur la lancée du mouvement jetant sur la toile des couleurs rageuses, des constructions menaçantes et une somptueuse harmonie de formes disloquées et de tonalités acides.

 

Il y a dans la galerie une gigantesque pièce qui est un monde à elle toute seule. Et d’autres qui ont des noms, des titres « la grande chamade » combinaison de jaunes, de verts et de rouges, en un être ou une construction improbable qui rappellent qu’ici-bas tout est dangereux. Et grand. Autre toile, un « sans-titre », composition impeccable où flottent et ondulent des bleus et des verts, surmontés d’un halo gris, où deux taches font deux yeux.

 

A voir absolument.

 

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