Juanan Requena, Petit traité de l'incertitude

 

Juanan Requena

Petit traité de l’incertitude

Galerie Vu jusqu’au 27 octobre

 

C’est un très beau traité, même s’il est vraiment petit.

Distinguo, le traité est sûrement très important et volumineux mais les pages ne le sont pas. « Quelques choses que je sais d’elle », « le presque rien et le je ne sais quoi », « traces » ou "chemins qui ne mènent nulle part" pourraient être des titres pour illustrer les choix de Juanan Requena. La photo comme la peinture n’a pas de limite, soit vers l’infiniment grand, soit vers l’infiniment petit. Si La Chappelle est gigantesque et la Sixtine infiniment belle, on ne compte pas les photographes qui ont voulu rendre l’image du monde sous la forme de signes, de poussières ou de miniatures.

 

Juanan Requena est de ceux-là. Montrer une plume, toute petite et faible, dont on ne sait si elle vient de se détacher de son oiseau ou si elle est là toute seule échappée de l’édredon dans lequel elle était confinée, la placer à l’état brut de photo qui viendrait d’être prise et qui serait à peine sortie des bains, des révélateurs et de toute la chimie de l’émergence photographique, voilà une entreprise risquée. Car, une toute petite photo d’une plume, ou une toute petite plume photographiée, épinglée dans un cadre de bois brut, comme on épingle un insecte sur un bouchon, c’est prendre le risque du presque rien…

 

Quel risque en fait ? Ne s’agit-il pas d’illustrer l’incertitude et d’interposer par plumes, cheveux étirés, arbres qu’un soleil efface,  des traces incertaines. Oiseau qui s’envole par-dessus des barres menaçantes et parapluie timide qui s’en tient à une stabilité fragile accroché à un fil. Dans le doute on se retire en soi-même et on y cherche des repères.

 

Quel risque, si ce n’est celui de dire les choses, les événements, les passions et les doutes en les montrant. S’agit-il vraiment de photos? Doit-on nécessairement penser que ce sont des images au motif que ce sont de petits morceaux de photos enfermés dans des cadres. Ne devrait-on pas imaginer que ce sont les pages arrachées de ce traité qu’on évoque et qu’on ne montre pas ? On verrait alors les photos, jusque-là exposées dans des cadres, se succéder pour former un exposé sur l’incertitude. Des photos pour dire le traité et non pour l’illustrer. On se dirait que dans ces cadres en bois brut sont épinglées des pensées et non des images.

 

Alors viennent des idées de parentés: pourquoi Jungjin LEE ? Ne font-ils pas tous deux partie de ces artistes qui donnent formes aux pensées et qui font venir au bord du regard les sentiments fugaces.   

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