Martin Chambi, chez Vu

Martin Chambi . 29 février 2012.


La galerie Vu propose, avec les photos de Martin Chambi, quelque chose d’intelligent. Commencer ainsi une critique résonne d’un son un peu étrange. Dire ouvertement de quelqu’un qu’il a fait, voulu , proposé quelque chose d’intelligent, en France, c’est tangenter l’ironie perfide et la dénonciation vengeresse. J’insiste, la Galerie Vu  a proposé quelque chose d’intelligent.


D’un coté, une exposition « classique » dont on a décrit toutes les finesses et qui met en valeur les Œuvres de  Juan Manuel Castro Prieto,  Exposition continuée. A raison. Les photos sont belles et fortes. L’intention est puissante.


De l’autre côté, une exposition « en petit »: les photos argentiques, noir et blanc de Martin Chambi. Exposition bien éloignée des formats que l’Amérique nous a imposés. Loin de cette obligation d’avoir à recouvrir d'une "toile", d'un "tirage" des pans de mur entiers. Pourquoi pas des murailles. L’exposition intelligente de la Galerie Vu, consiste à montrer des photos dans leur format « naturel ». Dans le format qu’avait conçu Martin Chambi, photographe Péruvien, œuvrant au Pérou, au moyen de sa seule formation d’artisan péruvien.


Avant de dire le bien qu’il faut penser de cette exposition dans l’exposition, quelques mots sur « format naturel ». Puisqu’il est dit que la photographie prend progressivement la place de la peinture, il est imposé de nos jours que les photographies soient grandes. Puisqu’il en est ainsi, les photographies qui étaient initialement conçues pour être de taille « normale » (« pas grande !  Quoi ! » Aurait dit Coluche) tendent de plus en plus à prendre la taille des rideaux et des dessus de lit des intérieurs américains. C'est la puissance des photos argentiques et aussi des "chambres traditionnelles" que de donner une finesse et une précision exceptionnelles. Alors, on n'hésite plus. Ce qui était conçu au format "carte postale" (et une partie considérable de l'oeuvre de Martin Chambi était destiné à être écoulée dans ce format, en tant que cartes postales) est alors "développé", dans tous les sens du terme. C'est ainsi que telle exposition de la MEP, montrera des oeuvres qui n'ont jamais existé, les formats proposés étant tout simplement en dehors même de la compréhension des artistes! 

 

A l’opposé, les photos accrochées par la Galerie Vu sont dans leur format « natif ».

 

Martin Chambi, péruvien doté de solides origines indiennes, a photographié avec un sens exceptionnel de la composition, de la lumière et du sujet. Deux photographies en opposition l’une avec l’autre l’illustrent parfaitement. Cette femme qui semble lire dans un cloître (hospital de los Betlemitas, Cuczo). Perfection des lignes de fuites, perspective magnifiée par la lumière renvoyant les colonnades et arceaux sur le pavement, image parfaitement rythmée et équilibrée, fuite vers l’obscurité scandée de lumière. La lectrice est-elle dans un écrin. Ou participe-t-elle d’une démonstration ? Le quattrocento s’était-il invité à Cuzco ? A l’opposé, l’autoportrait « en carabaya Pumo ». L'artiste s'est représenté dans une nature d'outre-terre, arborescences étranges, avec pour fond de photographie une mer moutonneuse d'où émergent quelques rochers, récifs que les embruns découvrent ou sommets d'une chaîne de montagne luttant contre les nuages . Défi lancé à Caspar David Friedrich? Si proche et si étranger. Pas de romantisme ici! Une fantaisie lunaire enluminé d’arbres impossibles. 


Martin Cambi a aussi voulu « fixer » les gens et leur misère. Les charmants mendiants de Murillo ou de Ribera ne sont pas loin des belles images du « mendiant » et « du géant » . Déguenillés, en perdition et farouches, ils ne font pas vraiment peur ces « damnés de la Terre ». Ils font « couleurs (grises) locales ».  Pour touristes, peut-être ? Peu importe! Ils sont là, superbement photographiés. Les compositions sont remarquables. Ce sont, avec toutes celles qui sont exposées, des démonstrations de rigueur. Rien n'est en trop. Tout est construit. Tout est montré.

 

Péruvien, qui a aimé le Pérou et y a vécu toute sa vie, il a aimé en donner tous les aspects. Martin Chambi a traité de tous les genres. La Galerie Vu, présente aussi quelques photos d'un " Pérou de toujours" : la Fiesta de la Cruz et ses masques. Et les photos de Machu Pichu.


Il m’a manqué une loupe pour pouvoir lire les images. La finesse des détails, la qualité des développements alliés aux mérites de l’ « argentique »… Il faut voir cette exposition. Tant pis, si les formats sont naturels et s’il faut se pencher, pour lire, voire et admirer les œuvres de Mario Cambi. Cet accrochage est vraiment intelligent.

 

PS: 20 juin 2012

Une amie m'a suggéré cette video. A raison. Trés belle. En musique de fond, la musique la plus célèbre du Pérou, mais, pour une fois, jouée à la guitare, sans emphase et sans tremolo.

 http://www.youtube.com/watch?v=NlJGFCooKkk&list=FLV-EN0w5cvVEx99Z6qb5TDA&feature=mh_lolz

 

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