Laurence Jenkell 1

 

 

 

Laurence Jenkell,


Candies,


VIIIéme arrondissement.

 

Le travail de Laurence Jenkell, m’intéresse, parce qu’il conduit, une fois de plus à s’interroger sur l’œuvre d’art. Sur l’ouvrage de l’artiste. Sur l’émergence du beau, du convenu, du laid …. Pensant aux « Candies », je rêverais : « Un parcours gourmand  dans le huitième arrondissement », puis je me lancerais : « Pop art, art figuratif, ne faites pas les sucrés… », pour enfin essayer de résoudre l’équation suivante : « L’Art entre guimauve et Chapelle Sixtine ».


Aujourd’hui, prudemment, j’avancerais vers les Candies.


1 Un parcours gourmand  dans le huitième arrondissement.


Pourquoi se limiter à « un parcours dans le huitième arrondissement » ?  Pourquoi ne pas attaquer directement l’ensemble de l’œuvre de Laurence Jenkell ?  Et parler de cette française qui fait penser à Murakami et à Jeff Koons ?


La raison : ma rencontre avec Laurence Jenkell  a été fortuite. Vivant depuis toujours aux confins du VIIIème et du XVIIème arrondissement, je me suis trouvé confronté pendant quelques semaines à un spectacle étonnant. Des bonbons gigantesques. Avenue de Messine, mais aussi face à l’Arc de Triomphe dans le jardin d’un immeuble des Maréchaux.


Me promenant, méditatif peut-être, sans regarder sûrement tant ces paysages, ces immeubles, portes cochères et grilles solides me sont familières,  je vis surgir une anomalie au beau milieu d’un champ mental que je pensais organisé. Une sorte de distorsion de l’espace ou du temps, ou de n’importe quoi. Quelque chose a émergé. Cette chose s’est plantée là, au beau milieu du champ méditatif, en dehors de toute logique de pensée. Comme on voit des personnages farfelus et dépenaillés, étrangers à la culture du blé ou de l’avoine ou de l’orge ou… plantés là, dans les champs, captant le regard des enfants et s’efforçant de détourner celui des oiseaux.


L’anomalie n’avait rien d’un épouvantail. Elle avait tout ce qu’il fallait pour attirer le regard des enfants. Mais quand même, c’était une anomalie !  En forme de bonbon dans son papier tordu au deux bouts. Bonbon classique mais gigantesque ! Très au-delà du benchmark pour « gros bonbon ».


Ainsi, dans mon champ mental, il y avait eu survenance de bonbons. Au pluriel, car ils étaient deux. Perchés sur une terrasse. Avenue de Messine. Je m’en souviens très bien. Bien en vue. En tout cas, on avait tout fait pour qu’ils fussent vus. On avait poussé le bonbon un peu loin car ils étaient l’un, chinois et son voisin, américain ! Je veux dire que les bonbons étaient enveloppés dans des drapeaux des deux pays…Enveloppés n’est pas le mot. Les bonbons n’étaient pas enveloppés de cellophane. Ils n’étaient pas gonflés comme des baudruches ou des ballons en  forme de bonbons chinois et américains. Ils étaient comme sculptés et peints. Ils paraissaient solides comme… « Venedig dog » de Jeff Koons , justement! Je ne pouvais pas dire quel matériau … je n’en savais rien. Mais pas gonflé, c’était sûr.  En métal, en plastique ou n’importe quoi.


Ils avaient la parfaite apparence de bonbons enveloppés dans des drapeaux au lieu et place du papier en cellophane. Rien de bien original là-dedans ! Sculptée dans du marbre, la Venus de Milo a toutes les apparences d’une femme. Peinte en bleue par un déprédateur quelconque, elle conserve toujours les apparences d’une femme grecque et même d’une sculpture par un artiste Grec.

Puis, j’en ai vu un peu partout. Devant la mairie du VIIIème arrondissement, devant l’Ambassade du Qatar. J’ai aussi vu un squelette de Bonbon, noir et blanc, qui n’était pas enveloppé : on voyait ses os.


Ils n’étaient plus érigés comme par effraction dans un champ mental.  Ils étaient installés, comme chez eux, dans des lieux qui les mettaient en valeur. En bus, remontant vers l’Etoile. A pied, au sortir du Parc Monceau. Descendant le boulevard Malesherbes en direction de l’Eglise Saint Augustin. A chaque fois, je retrouvais les bonbons. Je m’y habituais. Formes peu agressives. Symboles doux comme des souvenirs anciens. Tentants. Récompenses qui surgissaient du passé.  Achats en cachette avec de la monnaie en aluminium.


Au bout d’un moment, je me suis interrogé. D’où venaient-ils ? Qui les avait posés là, bien en vue, pour qu’on ne les rate pas. S’agissait-il d’un don ? De Pinault, de Bolloré ou d’un Japonais, d’un Chinois ou, peut-être, même d’un Indien ? Un camion se dirigeant vers Disneyworld aurait versé ? La cargaison aurait été entreposée ici ou là dans le VIIIème arrondissement  parce que le maire local ou le député ou les deux auraient été friands de friandises ?


Je pris alors conscience du travail qu’ils représentaient. Je me morigénais et lançais à la foule dubitative : « Pop art, art figuratif, ne font pas toujours dans le sucré… ».

 

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