Berenice Abbott au jeu de Paume

Berenice Abbott (1898-1991)

Photographies au Jeu de Paume du 21 Février au 29 avril 2012

Belle exposition. Jeu de Paume. Rétrospective impeccable.


La photo est bien prise. On aime ces photos de New-York à l’assaut du ciel. Prétextes d’architecture ? Découvertes d’une nouvelle nature. Forêts d’immeubles tout aussi photogéniques que des forêts d’arbres. Reconstruire le regard pour une vision citadine. Savoir, aller tout en haut d’un gratte-ciel dans le seul but de photographier la rue d’en-bas et les fourmis qui la dévalent.


Et aussi, l’absence du vide, sujet photogénique nouveau né avec la nouvelle ville toute en hauteur, oublieuse de l’étroitesse des rues.. Le vide pris en sandwich entre deux rangées d’immeubles immenses. Le vide qui n’est pas rempli, mais qui n’est pas non plus un néant. Il n’y a pas rien, au-dessus des rues car il n’y a pas d’en-dessous des immeubles. Le vide entre deux façades est plein d’un jeu d’ombres et de lumières .On ne pourra pas voir ni les façades, ni leur espacement. On verra une nouvelle idée du vide.


Ne pas chercher à saisir le tout. Le laisser se dévoiler par morceaux détachés et reconstruits. Eriger la poutrelle d’acier en objet d’art. Revoir le regard et plonger dans les fondations du Rockefeller Center. Le bâtiment de la Radio devient, tout autant que la Chapelle des Médicis, un objet de ferveur. Ne pas hésiter à se caler sur les dimensions des monuments, sur leurs excès. Ne pas hésiter à faire des photos comme des colonnes, quand c’est un gratte-ciel qu’on met en scène, ni à ériger un drapeau en architecture contrastant avec l’Immeuble du Trésor.


Berenice Abbott a beaucoup voyagé au cœur des Etats-Unis, pour beaucoup photographier. Inventant de nouveaux sujets et de nouvelles harmonies : empilement de carcasses de voitures, american shops banales dans des villes banales, gigantesque pistolet annonçant une armurerie pointé sur un immeuble de la police municipale.  

J’aime que, parlant de ses photos, elle ait dit « ces photos ne sont pas le fruit du hasard ». Et qu’elle le prouve sans cesse en photographiant des expériences de physique, toutes belles par la simplicité de langage et de forme qui ne doivent absolument rien au hasard.


Tout est donc bon et beau chez Berenice Abbott ?

Non. Ce n’est pas vrai.

Peu d’émotion, peu de choses ailleurs qu’à la surface des êtres quand il s’agit de photographier les hommes, les femmes, écrivains, artistes, peintres.  Portraits factuels, compassés, sans vivacité ni esprit. Même lorsque Cocteau fait le bandit. Même lorsque ses longues mains paraissent sortir du ciseau d’un sculpteur. James Joyce parait figé.


Une exposition belle, intéressante. Un moment de la photographie. Daniel Arasse disait de Masolino qu’il était un « passeur » de Masaccio. Berenice Abbott fait, je le pense, partie de ces artistes qui ont compris les messages forts et savent les faire passer. 

 

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