Joel Meyerowitz à la MEP

 

 

 

Joel Meyerowitz jusqu’au sept Avril à la Maison Européenne de la photographie.

 

 

 

 

Américain, né en 1938, on dit de lui, (présentation de la Maison européenne de la Photographie) qu’il « a révolutionné la photographie » en utilisant la couleur. Il faut toujours être un peu vigoureux dans ses propos si on veut réveiller les foules gâtées et gavées. Ça fait revenir l’esprit à la surface et ici, en particulier, à la surface lisse et brillante des photographies.

 

Pour moi, Joel Meyerowitz incarne surtout une photo « joie de vivre » et, dans ce genre-là, il n’a rien révolutionné. Il est allé directement là, où de nombreux photographes d’avant la Seconde Guerre Mondiale, étaient déjà allés. Photos de rue, photos de gens dans la rue, photos de scènes tendres mais surtout de scènes drôles et de drôles de scènes. Il est vrai qu’au bout d’un certain temps, il a opté pour la couleur sans pour autant abandonner le «noir et blanc ».

 

JM a fait de la représentation d’un monde qui bouge son métier et sa passion, dans un sens et un seul : le sens de la gaieté, de l’humour et du regard amical porté sur les choses et les êtres. C’est un photographe de la ville et de tous ses mouvements, absurdes, étranges, décalés, drolatiques. Il s’est passionné pour les gens ordinaires dans des rues ordinaires et en a fait bien plus que des modèles, des témoins de la vie.

 

Le talent de JM dans ses photos, laissent parfois à penser et à se dire : « non, là, ce n’est pas possible ! Il ne peut pas avoir vu ça. Il a tout monté. C’est une photo ‘mise en scène’ ». Je pense à cette photo d’une femme en maillot de bain, enfoncée à mi-cuisse dans l’eau d’un lac parmi quelques baigneurs qui lance en l’air ses béquilles, un grand sourire de libération aux lèvres.

 

Je pense aussi à cet enfantelet qui dort dans une caisse indéfinissable, posé par terre dans une baraque foraine, à deux pas de trois carabines de fête à neuneu. (Mexique 1963). La photographie de présentation de l’exposition est encore plus incroyable : C’est ainsi que d’abord en noir et blanc puis en couleur, JM, a poursuivi une rencontre avec des situations étranges et cocasses. C’est ainsi que, parfois, on se demande s’il ne s’est pas plu à les réinventer pour qu’elles soient encore plus vraies. New-York 1963, photo de la caisse d’un cinéma à New-York : à la tête de la caissière s’est substitué l’hygiaphone. Toujours NY 1963, une photo dans l’esprit « la réalité dépasse la fiction » : un couple s’embrasse sous l’affiche gigantesque et sur-illuminée d’un film dont le titre est « kiss me, stupid ». Blague de potache. Photo impeccable. Esprit amoureux de ses sujets. A la recherche de tout ce qui peut être gai et amical. La photographie de présentation de l’exposition est encore plus incroyable : Chaque ombre de deux passants vu de dos dans des imperméables couleur «mastic » se projette sur le dos de deux autres promeneurs en imperméables couleurs…. «mastic» !

 

L’anecdote prend sa véritable dimension quand il en vient à la « couleur ». L’étonnement se fait voleur de charme : jeune femme au volant d’un bus, où contrastent la finesse des cuisses et la lourdeur de la cabine. La taille des photos s’épanouit. Il est clair qu’on passe d’un univers presqu’intime vers un autre qui s’adresse à une foule de regardeurs, ou bien qui ne suggère plus et qui ne propose plus au regardeur de se comporter en un quasi-lecteur comme se comporte le vrai amateur de dessin et de gravure. Une très belle photo du cheval ligoté, entravé, qu’on emporte dans une benne, un camion ou une charrette, Malaga 1967. La masse fauve du cheval, sa posture anormale, renversé, pattes en l’air, entravé, sexe rouge, forment un sujet magnifiquement cadré d’une violence contenue, formant contraste avec l’indifférence des passants ou des observateurs qui constituent une sorte de toile de fond.

 

Son travail en noir et blanc n’est pas simplement plaisant ou amusant. Il est aussi puissant et lourd de sens : en Turquie 1967, magnifique photo de marché, faisant contraster le noir des vêtements d’une vendeuse vue de dos avec la blancheur des draps qu’elle vend. Un homme vêtu d’une chemise noire, fait pendant avec un autre portant une chemise noire. Photo d’un cadrage impeccable. Equilibre des ombres et des lumières, des plans sombres contrebalancés de plans clairs.

 

A cette photo remarquablement construite, il faut, pour la même année, mais en Espagne, évoquer l’homme au Béret, grande photo, elle aussi en noir et blanc, dans laquelle une double perspective est impeccablement posée. Triple si on considère et suit le regard de l’homme au béret.

 

Et puis, JM va progressivement s’orienter vers des photos où l’observation joue de l’humour ou se joue des cadres traditionnels. Mise en page de photos qui sont duales : la même scène est présentée sous deux photos, pas tout à fait identiques, l’une en noir et blanc, l’autre en couleur. Contraste entre la « mariée » en robe blanche debout dans un parc qui a pour pendant un homme curieusement couvert d’un chapeau et assis à moitié allongé sur un transat. Une photo en couleur donne la réplique à la même scène en noir et blanc comme s’il s’agissait d’affirmer que la drôlerie de la situation a été dûment contrôlée et vérifiée.

 

Aux photos de paysages, couleurs de la nuit, mises en scènes colorés de paysages aux deux lunes ou maisons dans la nuit contrastant avec la couleur rouge kitsch de l’intérieur d’une automobile à l’arrêt, se succèdent les cocasseries de Justine à la Panthère, où une ravissante jeune femme, très langoureuse est surmontée d’une tapisserie « à la panthère », modèle ou hasard, ou rêvé ou blague. A la même époque, 1981, Sarah la rousse, est plus rousse qu’une rousse.

 

Les photos de rue où le soleil joue avec les émanations de vapeurs venant des systèmes d’air conditionnés, permettent à JM, de donner à fond son goût pour les gens et les scènes ordinaires. S’y ajoute un souci de construction qui donne leur force à ces photos qui paraissent prises à la volée. New-York 1978 Lunchenette and sandwiches. Et si Paul Graham en avait été inspiré ?

Joel Meyerhowitz est aussi un des photographes les plus « forts », les plus « solides » du désastre du World Trade center.

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