Faut-il évoquer la magie, le charme, le parfum si particulier des lieux que le passé inspire…. Ou faut-il évoquer des « lieux ailleurs », des déformations subtiles dans l’espace et le temps qui décalent, et l’entendement, et le sens des quelques réalités qui ancrent trop solidement.
Des nœuds.
A l’opposé des espaces et des volumes circonscrits et définis, les « Lieux-Ailleurs » emmêlent et mélangent les temps, les choses qui leur appartenaient, les souvenirs et les projets. Ils font se télescoper les séquences du temps ou les empilent dans des ordres inhabituels. Changement de repères, dissolution des causes dans les effets, étirements des heures, contraction des distances. Ils sont tout à l’envers des musées dont , justement la fonction est de rendre les choses, les gens et les temps plus clairs, mieux délimités, pour qu’on s’y reconnaisse. Ils sont à l’opposé de ses maisons de souvenirs spécialisés. Lieux habités, autrefois, où se reconnaissent l’ombre d’un grand écrivain, la palette d’un peintre du passé et les cornues d’un savant réputé.
Ce sont des « Lieux-Ailleurs ». C’est cette expression qu’il faut retenir. Ils rassemblent des temps, des esprits et des objets qui ne s’étaient, jusque là, jamais rencontrés, des choses étrangères et des objets sans aucun rapport dans des lieux détachés des temps qui les ont vu se construire.
Le Musée de la Chasse à Paris, rue des Archives, est un de ces « Lieux-Ailleurs ».
L’ordonnancement des bâtiments autour d’une cour pavée, spacieuse, n’est pour rien dans son charme particulier. Le charme de ce faux musée ne se révèle qu’au cours d’une promenade dans ses salles, autour des vitrines et à l’intérieur de quelques petits réduits, bonbonnières pour œuvres d’exceptions.
S’il s’était agi simplement de chasse ou d’un vrai musée de la chasse, le bâtiment banal aurait tenu un langage banal et tout serait resté dans l’ordre des choses rassurantes. Banales. Si Le Musée de la Chasse, rue des Archives, a la délicatesse de faire semblant d’être un musée, il le doit à quelques gigantesques ours, si empaillés qu’on leur pardonne d’impressionner les visiteurs par des moyens un peu futiles, taille, posture, dents effrayantes et regard cruel et sans pitié. Le Musée de la Chasse se doit aussi d’exhiber des trophées. Et il le fait consciencieusement, comme il faut faire des gammes avant de prétendre attaquer les grands compositeurs. Il se trouve que, par les temps qui courent, quand on parle de trophées, de têtes d’animaux accrochés aux murs, aux plafonds, au-dessus des cimaises faire ses gammes n’est pas de tout repos. Un rhinocéros ne vient-il pas d’être dépouillé de ses cornes ? Un gardien du musée n’a-t-il pas été saucissonné pour que les voleurs puissent opérer en toute tranquillité ? Ce vol et cette violence ne sont-ils pas la marque d’un « lieu-ailleurs », qui sous couvert d’une vocation didactique, conserve, sans s’en douter, de quoi confectionner les aphrodisiaques les plus désirés de la terre et mettre en rut l’Afrique et l’Asie réunies.
Dans un Musée de la Chasse, il doit y avoir des armes. Des fusils de chasse. Les conservateurs du musée sont peut-être convaincus que c’est le cas. Allez-y, vous verrez bien. Il y a des fusils. Il y a des armes de chasse. Mais surtout, vous y verrez des objets inspirés. Le désir de bien tuer. La technique dont on voit combien elle s’améliore au fil des années pour le plus grand confort, l’efficacité aussi, du tireur, pour la moins grande souffrance par conséquent du « tiré », pour la beauté du geste, alliant rapidité, précision, économie de moyens et enchaînements des opérations. Exposition de fusils ? Surtout pas ! Ce sont des œuvres d’art qui sont montrées. Et quand l’ornementation des armes, les incrustations, la gravure sur les platines, les crosses habitées de figures grotesques ou réalistes s’effacent, pour laisser place à la guerre méthodique et à la chasse industrielle, ce sont les mécanismes d’horlogerie, les minuteries des barillets, la finesse des culasses qu’il faut admirer. Ce ne sont pas des armes définitivement. Des objets d’art. Des summun de technologie. Quelquefois on y lit aussi des histoires. Très courtes. Des textes en deux ou trois lignes. Peu de verbes ou de compléments. Un sujet suffit parfois pour porter ailleurs l’esprit et les rêves. Sur une étiquette, à coté d’une carabine bien banale, « a appartenu à Monsieur X, chasseur professionnel » ou bien, accompagnant la présentation d’une pétoire énorme, au calibre impossible « propriété de monsieur y, chasseur d’éléphant » et enfin aux cotés d’un fusil pas très décoratif cette mention qui fait trembler « ce fusil a appartenu à monsieur…surnommé le tueur de lion ». Autres lieux. Qui renvoient dans le cabinet d’études d’un médecin de province, dans l’autrefois d’un autre siècle. Quelques turqueries pour l’élégance et le décorum. Des meubles en ébène, car le noir est la couleur suprême de l’élégance. Sur un parquet ciré en miroir, une peau de tigre ou une peau de lion. La tête est si parfaitement expressive, la gueule ouverte sur des dents si effrayantes. Peurs d’enfants. Produits des chasses des chasseurs professionnels.
Au milieu de tous ces objets d’arts, le charme de quelques armes qui attirent comme des aimants et qui font revenir, pour retrouver le plaisir d’être dans un « lieu-ailleurs » : les fusils bricolés. Issus d’un artisanat d’art qui s’est auto-promu artisanat d’armes. Les fusils qui ont explosé lors du premier tir. Mort d’hommes ? On ne le dit pas. On dit avec beaucoup de franchise et de simplicité que le canon explosé fut remplacé par un prélèvement sur un cadre de vélo. Les vélos de chasse sont-ils maniables et précis ?
Et ainsi, de salles en salles, dans une lumière d’un autre temps, de tableaux en sculptures, de cimaises en vitrine. Dans un petit cabinet surmonté de têtes de hiboux aux yeux perçants, deux Rubens. Une errance dans ce « Lieu-Ailleurs ».
Son charme vient aussi du parti pris de mélanges des genres, des formes, des objets et des temps. Au milieu des œuvres qui se succèdent, des œuvres contemporaines qui disent qu’elles ont sûrement un rapport avec la chasse. Mais aussi des œuvres anciennes qui n’ont absolument rien à voir avec elle sauf le détail ou l’argument d’une arme.
Il y a cette exposition de photographies de Laurent Millet « je croyais voir un piège ». Chasser. Piéger. Sous-bois. Arbres. Forêts. Carrières. « Lieu-Ailleurs » de pièges réinventés et de la forêt au désordre enfin contraint. « Lieu-Ailleurs » des lignes d’enfermement et de capture pour enclore les arbres, les branchages, les broussailles et les troncs effondrés… Pour subvertir les chasseurs ?
S’il s’agissait d’un vrai musée de la chasse, devraient être montrés, le chasseur et son esprit, au travers des siècles. Le chasseur communiquant avec la nature, reste mental de pratiques chamaniques. En fait de communion, ce « lieu-ailleurs qu’est le Musée de la Chasse, offre aujourd’hui, outre les photos de Laurent Millet, l’improbable et l’inattendu en la forme de la série des « anges arquebusiers » issus de la collection Priet. Tableaux venus de l’Ancienne vice-royauté du Pérou qui représentent des anges vêtus à la mode espagnole, chargeant, portant, ou maniant des mousquets ou des tromblons. Formes hiératiques aux vêtements hyperboliques sur fonds de paysage merveilleux. Evocation à la fois de la puissance espagnole et du paradis des chasseurs.
Enfin, on doit après quelques temps, revenir rue des Archives, quitter le charme et retourner au lieu, d’ici et de maintenant. Avant d’y revenir. Pour rêver dans ce « lieu-ailleurs » qu’est le Musée de la Chasse.
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