Laurence Jenkell,
Candies,
VIIIéme arrondissement.
L’Art entre guimauve et Chapelle Sixtine
Je suis convaincu que l’art n’est pas le registre des formes et des sons dont on a pris l’habitude. Ce n’est pas parce que le bonbon joue un rôle psychique de premier plan dans l’esprit de l’enfant occidental que le bonbon érigé « en œuvre d’art » en acquiert les qualités ipso facto. En revanche, je suis très vivement intéressé par la démarche de l’auteur quand il fabrique ses bonbons (Candies ! excusez-moi !). Je suis intéressé par ce processus de plus en plus fréquent qui se manifeste par l’hyperbolisation de l’objet, du banal, du rien. Une fourmi qui a 18 mètres, ça existe ! Tant pis pour Juliette Greco et Jacques Prévert.
S’agit-il, non pas d’aligner les formes dont on a pris l’habitude mais, hypertrophiant le banal, de lui redonner un statut, un rôle concret, précis dans nos existences ? On dirait alors que notre univers visuel est sémantiquement, surabondamment, investi par ces « installations » de tous les jours que sont les têtes de gondoles et les rayonnages de Supermarchés et que celles-ci, volontairement, involontairement sont les parents visuels des grandes barres d’immeubles et des foules entassées dans les stades. On dirait que pour donner un sens à ce qui environne, ce qui accompagne, tout ce qui occupe le champ visuel, sonore, olfactif, il convient avant tout de lui conférer une survaleur. Tant qu’à être envahi par les objets candidats à l’utilité de longue haleine ou par des apparitions fugaces et éphémères, autant que cela le soit par quelque chose que j’ai choisi. A moi Gurski ! Conforte-moi de tes gondoles monstrueuses. A moi Jeff Koons ! Envahis-moi des doux souvenirs des baudruches enfantines. A moi Warhol ! Si la soupe est un réconfort, accumules-en les boîtes en rangées proprettes.
Est-il si nouveau cet art sucré ? Allons, allons, il faut de temps en temps retrouver les récurrences, les résurgences, les messages et les sons du passé. Laurence Jenkell, nous ferait des bonbons comme on aimait, il y a deux ou trois siècles, faire des grotesques. Et peupler les jardins et les allées de géants, de titans et de gorgones. Les bonbons de Laurence, les boîtes de soupe d’Andy…
Sont-ils les lointains surgeons d’un procédé baroquisant ? Des mises en scène élevées au statut de création artistique ? Des fêtes somptueuses et éphémères ? S’agit-il pour notre société de répéter les figures allégoriques, les grotesques et le rococo, comme on les aimait tant au XVIIIème siècle ? Les temps modernes n’ont pas imaginé les nains de jardin. Les Disney resorts font revivre de vieux contes de fées qu’ils n’ont pas inventés ! Où est donc l’œuvre ? Dans le récit ou dans son illustration ?
Vous n’avez rien vu, rien compris s’exclamera-t-on ? Les monstres, les titans, les gorgones sont justement à l’opposé des bonbons. Porteurs de ces peurs qui traversent la société quand les boîtes de soupe, rappellent le réconfort d’un breuvage nourrissant et chaud. Elle est ailleurs, Laurence, et ses bonbons appartiennent à l’univers nouveau de l’objet qui s’impose au regard, aux désirs et même aux pensées. Les repères ne sont plus les cathédrales et les piéta, les statues de rois glorieux et de condottiere redoutables, les scènes terrorisantes de l’enfer et celles épouvantables des épidémies, de la guerre et des disettes qui fauchent par milliers. Cet univers du bonbon, de la Cadillac vert menthe et des boîtes répétées par milliers est celui d’une vie quotidienne si aseptisée qu’il faut ici et là en rappeler la consistance. Il faut la répéter grandeur sur-naturelle. Et ainsi la reproduire, assurant sa survie par la répétition et la reproduction.
Pourtant, si l’œuvre de Laurence Jenkell ressort de l’art et non de l’artisanat, il faut admettre que les objets, les bonbons ne sont pas partie à l’univers quotidien. S’ils ne sont ni voulus ni vus tels, alors, ce sont des bonbons et s’ils ne sont que des bonbons, il n’y a aucune raison de les faire gigantesques, à moins de baroquiser et d’hyperboliser un moment de fête où les nains sont plus grands que nature et sont en chocolat, où les géants sont en guimauve et les sorcières à cheval sur des balais en bois de réglisse. Si ces bonbons ne font pas partie du quotidien tout en usant de ses apparences, tout en se cachant derrière lui, vers quels abîmes doivent-ils nous pousser ?
Le kitsch du bonbon qui s’offre à nous, gigantesque et encore doux n’est-il pas, le frère des horreurs, de la violence et de la révolte des objets quotidiens dont la peur hante depuis que le monde est survenu, trouble et mystérieux. Car s’il y a les bonbons dont on ne peut penser qu’ils sont animés de mauvaises intentions, il y a les poupées qui se révoltent. Et les maisons qui pensent à punir leurs habitants. Les Mickeys à la sexualité animale. Il y a les fleurs qui parlent, les arbres qui se vengent de la hache aveugle et de la pollution qui ronge.
Les grands bonbons ne sont-ils pas conçus pour rappeler au monde que les objets les plus insignifiants sont porteurs d’une vie ? Les grands bonbons ne sont-ils pas nécessaires à un monde qui a posé l’objet, pur et dur, de l’échange théorique et du prix parfait. Les récits d’un quotidien qui se révolte démontrent les forces à l’œuvre dans l’univers. La création artistique leur est-elle ici un moyen détourné pour en rappeler l’existence aux hommes. Les bonbons de Laurence Jenkell viennent-ils, habités par les esprits de la terre, s’en faire aussi les hérauts. Dans ce monde qui a voulu anéantir les sens cachés, les divinités et les immanences, les « Candies » nous diraient que le bonbons ne sont pas des objets et qu’il n’y a rien d’insignifiant. Le sens peut se nicher dans un objet anodin. Il fut un temps où la moindre pierre parlait au promeneur, où le pâtre grec connaissait que l’eau des sources était divine et ne s’offrait pas à un consommateur distant.
Y-a-t-il autant d’art dans un Candy ou dans la montagne tout au loin que dans les figures peintes sur les plafonds de la Chapelle Sixtine ? Ou bien, les candies sont-ils des témoins posés, comme il y a bien longtemps ces signes sur les chemins, prés des fontaines, à l’orée des forêts ? Un signe qui annonce un monde. On ne passe pas de la guimauve violette qui s’étale en rubans gigantesque à la Chapelle Sixtine. Les panneaux qui indiquent les changements du monde et des routes qu’il emprunte demeurent à la périphérie du monde que l’art invente, explore et reconnait.
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