Fondation Cartier Bresson,
Jeff Wall, Smaller pictures, jusqu’au 20 décembre
J’ai trouvé passionnant, tant vis-à-vis de la réflexion sur l’art que vis-à-vis du travail de Jeff Wall, de reprendre in extenso cette déclaration qui fait préambule à l’exposition de son travail :
« Certaines de ces images ne se sont pas laissées intégrer dans les projets plus grands que j’avais pour elles. Certaines se sont détachées d’autres grands projets et ont affirmé leur indépendance ; certaines ont surgi par accident. Elles forment ici tout à coup un groupe de « petites images ». Cela est surprenant pour moi ».
Preuve de modestie ou surprise vraie d’un artiste qui découvre que l’art dont il est producteur peut venir à lui, peut émerger ou germer sans qu’il y ait pensé. On pense, à lire, ces quelques mots, au travail de détail, aux exercices, aux audaces que sont, de la part de peintres ou de sculpteurs, les mille dessins qui leur viennent à chaque instant, qui soient des sortes de disciplines qu’ils s’imposent en vue d’un projet, ou les fragments d’une pensée qui s’élabore.
On aime à s’extasier devant les mains sur lesquelles à peu près tous les grands artistes se sont acharnés, les dos nus, les drapés, les croquis de posture. N’est-ce pas cependant le B,A, BA de tout artiste, ne sont-ils pas là, ces fragments, ces morceaux, ces bouts de papier, pour dire que l’art est une recherche permanente et un tâtonnement et une expérience de chaque instant.
Alors, tout ce que produirait un artiste, un coup de crayon, un tracé de couleur, un nuage d’aquarelle serait de l’art ? Au fond, oui, instinct en éveil, volonté de faire apparaître ce qui n’a pas encore été vu, oui, parce que derrière tout artiste, il y a une bagarre avec la matière, avec les choses, les apparences et les gens. Le résultat de cette bagarre ne se résume pas à l’œuvre produite, il comporte tout ce qui pourrait être qualifié de « chutes », de « repentirs », de renoncements, mais aussi tout ce qui annonce l’œuvre. Une très belle exposition de Per Kirkeby à la maison du Danemark, donne une idée de ce travail, de son intensité.
L’exposition des « petites images » de Jeff Wall contient tout cela. Jeff Wall est connu pour ce qu’on pourrait qualifier « à la Française » de « machines ». Metteur en scène, scénographe, constructeur d’images, Jeff Wall aime à raconter des histoires. Ses photos, de grande taille en général, sont composées de photos, de photos de photos etc. Il combine dans de grandes constructions des images, qui seront autant de briques, de pièces détachées, au sens où elles sont captées pour de s’intégrer à une mise en scène de grande taille.
Les petites images sont donc les briques et le mortier d’une construction plus ample et complexe. Les photos exposées ont été installées dans des caissons lumineux et sont la plupart du temps des compositions abstraites ou parfaitement anonymes. En couleur, sans jamais, éclabousser, elles sont toutes très bien conçues, cadrées et ont toutes une forte dimension esthétique. « Pipe Opening », qui n’est qu’un orifice de tuyau qui s’ouvre dans un mur, devient une ouverture sur un monde souterrain. « Diagonal composition » à base de balai et de seau à ordure, est confine l’abstraction, image forte, à dominante verte. Le rien, le peu, le banal deviennent les supports, les sujets et les thèmes d’une production artistique construite, solide et « parlante ».
« Just Washed » : un torchon redevenu vaguement blanc fait nuage ou donne un ectoplasme crémeux sortant d’une machine à laver.
Pas de paysages, pas d’univers humain bien délimité, pas de ciel qui donnerait une dimension « terrestre » au travail de Jeff Wall, rien que des objets mis en rapport les uns avec les autres et dont la composition-coordination donne une « œuvre ». Ainsi « a safline supported by a post », composition à la fois parfaitement réaliste et parfaitement abstraite. On la pourrait penser en lisière du surréalisme et pourtant, c’est une émotion humaine, presque sentimentale que fait jaillir cet assemblage d’un bout de tissu informe et d’une jeune pousse sans intérêt. On est bien loin des magnifiques photos de fleurs de Mapplethorpe, on est des années-lumière de son esthétique lumineuse, mais cette image, source d’émotion est aussi source de doute, de questionnement.
C’est aussi ce qui émane de « Blind window » où dans une belle composition, une fenêtre aveugle noire, en deux vitres séparées, laisse voir deux yeux morts…
Ces « petites images » sont, comme les mains dessinées, les visages esquissés des peintres grands ou petits, de l’art. Toutes ces images sont construites, pensées, voulues. Elles ne viennent pas à nous par hasard. Elles étaient conçues à dessein. La différence avec une œuvre « officielle » réside dans le fait que l’artiste ne les voyait pas comme objet de représentation, mais, initialement comme un travail pour lui-même, un carnet de notes.
C’est aussi comme cela qu’il faut les regarder.
Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,
Babelio, Amazon, Fnac, books.google, BOD librairie et l'éditeur: Arnaud Franel Editions
Panthéon au Carré est disponible aux éditions de la Route de la Soie.
Promotion est disponible chez Numeriklivre et dans toutes les librairies "digitales"
Au Pays de l'Eau et des Dieux est disponible chez Jacques Flament Editeur ainsi que
La Désillusion, le retour de l'Empire allemand, le Bunker et "Survivre dans un monde de Cons".
"La bataille mondiale des matières premières", "le crédit à moyen et long terme" et "Les multinationales contre les Etats" sont épuisés.
S'inscrire
chaque semaine "La" newsletter (tous les lundis)
et "Humeur" (tous les jeudis)
Il vous suffit de transmettre vos coordonnées "Mel" à l'adresse suivante
pordonneau@gmail.com