Voir aussi : le Louisiana, l'anti-Bilbao
Ce jour-là, le Louisiana, présentait une exposition sur le thème de l’autoportrait autour d’une quantité impressionnante d’œuvres provenant de l’univers « Mittel Europa », « Centre-Europe » pour leur grande majorité. Un ou deux autoportraits de peintres français, le reste étant composé d’œuvres hollandaises, danoises, allemandes, tchèques, autrichiennes etc...
Beaucoup d’autoportraits, c’est beaucoup ! Pour tout dire, c’est un peu lassant. C’est sûrement dommage que de le penser. Sur le plan de la théorie de l’art, l’autoportrait est un support très intéressant de réflexions. Certains artistes se sont pris comme modèles permanents, compulsivement. Ils se sont représentés sans cesse comme d’autre répliquaient sans cesse la montagne Sainte Victoire, enchainaient des vues du Rialto, ou des vaches dans la campagne. Peut-on vraiment être son sujet ? Ils ont posé ce problème avec une intensité particulière et une insistance étrange, tout à fait opposée à l’auto-représentation épisodique de bon nombre d’artistes, qui n’ont commis d’eux-mêmes qu’un ou deux ou trois portraits et ne se sont pas plus attachés que cela à ce qu’ils considéraient comme un exercice de style ou peut-être à une sorte d’obligation morale. Le peintre est-il vraiment peintre s’il ne se peint pas lui-même ? est-il vu peintre si les regardeurs n’ont pas vu le peintre qui s’est peint ? le peintre n’est-il pas plus fait peintre par le regard des autres sur son auto-portrait que sur son œuvre de peintres des autres et de la nature qui environne tout le monde ? Je passe sur les montagnes de livres qui ont été écrits sur le sujet !
En ce sens l’exposition, et c’était un de ses défauts (l’autre consistant à ne pas retenir davantage d’artistes français !) passait à côté d’une véritable théorie et pratique de l’auto-représentation et des multiples façons de l’approcher. Soit pour considérer que la répétition signe la folie, soit pour assurer, que quand les autoportraits sont de Rembrandt, il s’agit là d’une quête philosophique, soit enfin, pour rappeler que si certains peintres ont sacrifié au genre, ils n’y ont pas mis de conviction, ni consacré un talent particulier. On relève que parfois, l’auto-portrait comporte un moment de trahison, une fracture dans la pose artistique, quand il n’organise pas purement et simplement le mensonge. Les peintres abstraits souvent, sont revenus au réalisme le plus prosaïque, le temps d’un auto-portrait pour que les regardeurs ne se trompent pas d’adresse ! Quelques artistes se sont faits plus beaux que nature !
Je n’ai retenu de cette accumulation que deux artistes et leurs essais d’auto-réprésentation: Miro et Chirico.
Le premier, pour son ironie, sa gaité et son côté un peu farceur : Miro. L’autoportrait de Miro par Miro, c’est un Miro ! C’est-à-dire un tableau abstrait où se retrouvent tous les modes de représentation des mondes inexistants qu’affectionnait Miro, avec des lignes, des bulles, des traits, des couleurs dans tous les sens, un espace déstructuré où semblent voler des rêves informulés. J’ai trouvé que c’était l’autoportrait le plus drôle de tous ceux qui étaient exposés, en général plutôt austères. Les artistes en effet ne plaisantent pas avec leur image. Et ils ne rient pas. Rien à voir avec le célèbre « ouistiti » ou « cheese ». Pourtant l’autoportrait de Miro est drôle par ce qu’il donne à ne pas voir : le portrait de l’auteur ! Et par ce qu’il donne à voir, une œuvre de Miro ! Imaginez Malevitch peignant un carré blanchâtre sur un fond blanc et intitulant le tout : « moi » ! Or, si on voit bien qu’il s’agit d’un œuvre de Miro, ne voit-on pas ce qu’on nomme communément « un Miro » comme on dit d’un tableau de Picasso, « c’est un Picasso ». Avec même quelques curiosités : c’est Emile-Blanche qui s’écrie que "Cocteau peint par Picasso", c’est un Picasso ! Alors quand Miro, peint un tableau, c’est nécessairement « lui » : un Miro ! et davantage encore, lorsqu’il l’intitule « auto-portrait ! ». L’artiste et l’œuvre et ne font qu’un, c’est connu depuis la plus haute antiquité !
Le second est exactement à l’inverse de ce qui vient d’être dit : c’est l’autoportrait (en fait ce sont les autoportraits car il y en avait plusieurs dans cette même exposition) de Chirico. On sait que, pour des raisons respectables et honnêtes, Chirico décida un jour que la peinture où se mêlent des perspectives inquiétantes, des colonnades en enfilades et des vedutte noires comme des fours, peuplées de poupées en bois, mécaniques ou pas, comme on en voit aussi dans les ateliers d’enseignement de la peinture, n’était pas de la peinture. Il arrêta sur le champ toute œuvre « surréaliste » et s’astreignit au retour à la peinture classique, maniériste, la grande peinture des grands siècles de la peinture occidentale : le XVIIème siècle. A cette occasion, il multiplia les auto-portraits à la façon d’autrefois quand les peintres étaient des gens sérieux et peignaient avec l’application et l’amour de la belle ouvrage. Les autoportraits de Chirico sont donc des hymnes à Van Dick, Rubens, Velasquez et autres auteurs d’il y a bien longtemps. Pour donner un air plus authentique encore, c’est-à-dire plus près de ces grands de la grande peinture, Chirico se costumait dans l’esprit du temps jadis : armure à l’ancienne, robe d’artiste, pourpoint…. Ainsi déguisé, se considérait-il dans un miroir pour reproduire fidèlement ses traits et sa posture, je n’en sais trop rien. Il est simplement fascinant de voir le résultat ! Il frappe d’autant plus fort qu’on a dans la tête les œuvres qui ont fait son nom et son succès.
Contrairement à l’autoportrait de Miro qu’on regarde attentivement en se disant, « il n’est pas mal du tout ce Miro », le regard porté sur les autoportraits de Chirico, s’accompagne d’un « qui donc a commis cette croûte singulière censée représenter Chirico ». On ne conclut pas du tout que le type qui est représenté est l’auteur de cet univers onirique et inquiétant, dont le style, les thèmes, les contrastes et les perspectives, sont reconnaissables du premier coup d’œil, à ce point qu’on ne manque pas de s’exclamer « de toute évidence c’est un Chirico ! ». En somme, lorsqu’on regarde un autoportrait de Chirico, on a du mal à réaliser que c’est lui et à penser que c’est de lui ! Alors qu’à tout prendre, le Miro, qui ne ressemble pas à Miro est un vrai Miro !
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