Artemisia Gentileschi au Musée Maillol jusqu’au 15 juillet
Ou la fabrique de l’art.
Artemisia Gentileschi ne fait pas partie des grands peintres (peintresses ?). Pourtant l’exposition présente quelques points d’intérêts. D’une part en considérant la proposition d’exposition, l’offre contemporaine d’art. De l’autre, en s’interrogeant sur la pratique artistique d’Artemisia Gentileschi et surtout sur sa production d’art.
Quant à la première : il est clair qu’il y a une forte demande d’art. Les longues queues devant les expositions de Beaubourg du musée d’Orsay ou du Louvre pour ne parler que de celles-là en disent beaucoup. La demande d’art existe et elle est intense. Les musées se sont-ils remplis parce que les églises et les cathédrales se sont vidées? La demande d’art correspond à une demande de valeur. Ou, dit inversement, le manque de valeur dans notre société contemporaine serait comblé par une fourniture massive d’art en tous genres. (et de sport…). La demande d’art étant là, des entreprises, des individus, des collectivités, des agents économiques comme on dit, se mobilisent pour la satisfaire. Soit pour y trouver une source de revenus, soit pour y trouver prestige, soit, parfois, pour le simple plaisir de l’art. Donc une offre d’art a surgi puissante et forte à ce point qu’il y a aussi une pression de l’offre. En économie, c’est le « supply side », en français, le « dynamisme de l’offre ». On peut le résumer de la sorte : les demandeurs sont insuffisamment conscients de leurs propres besoins. Il faut donc mettre en branle les mécanismes de la production et, dans le même temps, communiquer intensément pour ébranler la demande : la faire accéder à la pure conscience de ses besoins et reconnaître dans l’offre telle qu’elle s’exprime, telle qu’elle évolue et telle qu’elle s’intensifie, la réponse qu’elle attendait.
L’exposition proposée par le musée Maillol répond exactement à ce souci, comme actuellement bon nombre d’entre elles dont l’intérêt artistique est modeste pour ne pas dire pire.
Pourtant, ce serait injuste que d’expédier cette exposition, comme on le fit de l’exposition Pompéi. L’exposition sur les œuvres et, secondairement la vie, d’Artemisia Gentileschi, présente un certain intérêt.
L’Artiste est très clairement très douée. Elle a su « attraper » les styles des plus grands. Le fait pour un artiste de se déclarer dans la ligne d’un autre, de se comporter en suiveur n’est aucunement un défaut. Dans le cas d’Artemisia Gentileschi, on est plongé, ne serait-ce que par son père, dans l’univers de l’art qui se fait, qui est en train de se faire. Quand on dit qu’elle est dans la ligne de Caravage, elle l’est vraiment au sens de l’élève vis-à-vis du maître : elle a vingt ans de moins que lui. L’homme qu’elle admire et dont elle reprendra techniques et visions, est, à peu de choses prés , son contemporain. De même, son admiration pour Simon Vouet, sera à l’origine de certains choix picturaux et des certaines façons de mettre en scène quelques grandes machines à base de sujets de dévotion et de grandes histoires morales. Elle a fréquenté et suivi les plus grands artistes parce qu’elle était elle-même une artiste de talent.
Pourtant, elle paraît plus intéressante pour ce qu’elle montre de la production de l’art que pour son génie artistique.
Artemisia Gentileschi a conçu des œuvres fortes et originales. L’exposition ouvre sur une Cléopâtre, très beau tableau où les talents de mise en scène, la maitrise de la composition et des couleurs sont portés à un point exceptionnel : la gorge et les épaules de Cléopâtre assise, occupent un grand tiers du tableau et l’illuminent. Un gros plan audacieux. Bien loin des sages représentations à distance des grands classiques de la renaissance. Les corps paraissent sculptés. Ce qui est vrai de Cléopâtre l’est tout autant d’une Madeleine Pénitente. A la splendeur et à la lumière de la chair de ces dernières se pose en contrepoint la pâleur cadavériques des corps morts ou condamnés à mourir, le suicide de Lucrèce, celui de Cléopâtre donnent lieu à ces représentations sinistres où la composition, la mise « en tableau », la mise en lumières sont remarquables.
Deux ou trois tableaux, dont le célèbre « Judith découpant la tête d’Holopherne » sont à mettre au crédit non seulement de cette expertise dans la mise en scène mais aussi d’un sens artistique remarquable. Les personnages sont des masses, de couleurs opposées, animées de mouvements dont la combinaison est dramatique comme le requiert la scène.
Science de la mise en scène et des compositions, intelligence théâtrale sont la marque de fabrique d’Artemisia Gentileschi, les Bethsabée, les Suzanne au bain, les grandes machines caravagesques, Judith et sa servante découpant la tête d’Holopherne ou la transportant, sont des modèles de théâtralité pure. Elle en fait trop parfois. Trop de théâtre, trop de regards qui vont ce perdre à l’infini. Les yeux révulsés, les attitudes de refus sont joués comme par des acteurs avec mises en scène à balustre et « côté cour, côté jardin ».
Il manque quelque chose dont on voit dans les « vierges à l’enfant » qu’il s’agit d’une passion pour l’art. Ces vierges donnant le sein sont des exercices banals et classiques. A cette époque, la demande d’objets et de représentations de dévotion est soutenue. Un bon artiste sait qu’il sera aussi reconnu dans ces œuvres là, difficiles, où la fantaisie et l’imagination sont sous des contraintes très étroites. Or, les travaux de commande, les vierges, comme les médaillons, comme les personnages princiers ou officiels sont d’un conformisme et d’un manque de vie surprenants. Les "nature morte" sont vraiment mortes et la viande est rouge comme il faut pour un morceau de viande. Même dans le tableau, Judith et Holopherne, qu’on a présenté plus haut, les meurtrières paraissent aussi passionnées par l’acte qu’elles commettent que des bouchères venues donner un coup de main pour saigner le cochon! Certaines morts, Lucrèce ou Cléopâtre, paraissent même jouées.
Les œuvres sont un peu trop inspirées par des maîtres mais sans véritable inspiration… On en vient à conclure que l’artiste était un fabriquant doué. On nous le dit, on nous le raconte : elle avait un atelier fort bien pourvu en artistes en tous genres, spécialistes des architectures, des fleurs, des visages, spécialistes des fonds, des figures de saints. Aucune originalité à cela. pas de raisons de critiquer ou de dénoncer. De nombreux artistes, à commencer par les plus grands, étaient à la tête d’usines à tableau. La coopération entre artistes (artisans pour l’époque) était courante. Elle sera systématique chez les hollandais du XVIIéme siècle.
On en vient, dit-on, à ne pas pouvoir reconnaître son style dans beaucoup de ses œuvres, à la fin de sa vie tout particulièrement.
C’est sur ce point-là que l’artiste est intéressante. Il est simplement dommage que l’aventure de ce chef d’entreprise hors du commun ne soit pas mieux dite ou montrée.
Artemisia Gentileschi avait peut-être poussé loin « l’industrie de l’art ». Elle avait compris qu’il y avait une forte demande et qu’il fallait bien s’organiser pour la satisfaire. Chef d’entreprise plutôt qu’Artiste ?
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