Soliloques sur le Vaste Monde: Juin 2016

- Le Brexit: une révolution "dégage"?

- Le Brexit: quand les hommes ordinaires ne font plus que des choses ordinaires. Paru dans le Courrier Financier et dans le Huffington Post.

- L'argent ne vaut plus son pesant d'or, paru dans le Huffington Postle Courrier Financier et le Huffington Post Québec

- L'Europe des déambulateurs, repris par le Courrier Financier et le Huffington Post

- Hidalgo prend des risques

- Le paradoxe pervers de la Poule Mouillée

- Martinez, défense et illustration des Losers

 

Le Brexit : Quand les hommes ordinaires, ne font plus que des choses ordinaires

 

A quelque chose malheur est bon dit-on dans notre beau pays. Les Anglais, poètes à leurs heures, disent, « every cloud has a silver lining » : espérons que ce referendum burlesque et mortifère va sonner le glas de l’Anglophilie des « petits Français surdiplômés » et mettre un point final à la naïve admiration que nos concitoyens portent à l’Angleterre.

 

Cessera peut-être aussi cette contemplation abêtissante qui pousse les Français à baver devant les merveilleuses fabriques (Oxbrigde, Eton) où se domestiquent les futures élites.  Et aussi ces rêves «potteriens » d'une surabondance de jeunes gens en uniformes amusants avec petites casquettes rondes et chaussettes blanches. Et aussi tous ces merveilleux rameurs habillés de blanc dans des bateaux en bois.

 

Cessera sûrement ce sentiment enivrant d’aller vivre une aventure exceptionnelle en s’installant dans un pays merveilleusement accueillant. Des milliers de Français, à qui David Cameron faisait la danse de l’entreprise, vont se trouver piéger dans un pays à tendance confetti. Ils voyaient grands, le pays qui les accueille vient de montrer qu’on ne peut pas se voir plus grand qu’on est. Les branches du vieil arbre dépérissaient faute de sève : elles vont aller en chercher ailleurs. L’Ecosse bien sûr et même le minuscule Gibraltar.

 

Faut-il regretter d’avoir perdu des gens qui ne cessaient de regarder la sortie, sauf quand ils tendaient leur sébile ? Au fond, qu’est-ce que cela changera, pour les continentaux, les Anglais, même quand ils étaient « IN » n’étaient-ils pas « OUT » ? Eh bien oui ! Curieusement, alors que les Anglais n’ont pas cessé de proclamer leur prétention à n’être que britanniques, alors que leurs journaux ne cessaient de manier le French Bashing, alors qu’ils faisaient tout ce qu’il fallait pour diluer l’Europe dans un brouet insipide comme ils l'affectionnent, il faut regretter leur décision imbécile.

 

Il faut le regretter au nom de l’Europe vue comme une forme avancée de la civilisation, c’est-à-dire au nom d’une idée de l’Homme. Après tout, c’est en Europe que l’Homme moderne est né et le projet européen en était une illustration. Peut-être y avait-il quelques misères mais il y avait aussi de la grandeur. L’Union Européenne est (était ?), que cela plaise ou non à tous ceux qui en veulent à son génie et qui jalousent son invention du bonheur, la plus grande puissance économique du Monde, la plus riche, une des plus peuplées dotée d’un niveau de vie exceptionnelle.

 

Les tentations du repli, les cris « Catalogne aux Catalans », « Angleterre aux Anglais », « restons Polonais et rejetons l’impérialisme bruxellois », « le cantou c’est chez nous », « le local avant le global », « premier dans mon village et pas anonyme dans la foule mondiale » sont des menaces pour l’Europe et l’annonce de régressions qui seraient vite dramatiques.

 

 

Il y a des idées qui méritent qu’on se batte pour elles. Les Européens n’ont pas compris que pour les Anglais, la belle idée c’est de devenir une Islande en un peu plus grand.

Martinez, défense et illustration des Losers

Je me souviens des grèves ! Les vraies, les dures avec des vrais gars et de durs grévistes. Dans les houillères : grèves de 1947, la révolution qui pointe. Grèves insurrectionnelles de 1957 et 1958 ; grèves générales de 1968. Et les grèves de la Poste...

Ah! Les grèves de la Poste! Souvenez-vous de ces grèves terrorisantes. Des vraies grèves qui bloquaient la vie économique du pays. Les factures qui ne partaient plus ou, pire, qui étaient perdues dans les amoncellements de courriers non distribués. Les chèques (Eh oui ! à l’époque pas de banque électronique ni bitcoin) coincés dans les centres de tri. Même les déclarations d’amour (internet où étais-tu ?) toutes bloquées par des gars qui ne s’en laissaient pas compter. « On veut notre dû » proclamaient-ils. Ils l’ont eu. La poste ne transporte plus rien d’important.

Dans 10 ans, une grève de la SNCF ? Épiphénomène ! On utilisera les trains Allemands ou Italiens qui auront le droit de circuler sur les voies ferrées françaises. Et les bus ! Et Uber ! Qui aura envie de se déplacer en train ? Les grèves dans les raffineries ? Dans 20 ans, plus de raffineries. L’essence, ce sera pour les bagnoles d’occasion ! Air-France ? KLM en aura pris le contrôle ! Grèves des déchets : dans 30 ans, ils seront recyclés sur le lieu de production.

Alors, M’sieur Martinez ne serait-il pas le dernier des mohicans syndicaux ? Un défenseur des causes économiques en voie de disparition.

L’Europe des déambulateurs

Les économies occidentales sont poussives. Certes, la crise est finie, on s’est arrêté de descendre mais on peine à remonter. Les chiffres des plus performants sont à un niveau médiocre et l’OCDE, ni le FMI, ne parviennent à se dérider. La reprise est poussive. On ne parvient pas même à faire avancer les gros engins que sont devenus les pays développés.

 

Les peuples des pays développés ne consomment plus : ils économisent. Ils n’investissent plus : ils viennent sur les bourses avec leurs porte monnaies faire le plein de dividendes. Ils se congèlent progressivement et, en conséquence, bougent de moins en moins. Pour bouger ces agents économiques abouliques et atones demandent qu’on les soutienne! Ils demandent de l’aide, qu’on leur donne envie d’avoir envie et surtout, qu’on les protège en renforçant le principe de précaution d’un côté et en élargissant le principe de responsabilité de l’autre.

 

Ils veulent, comme les gens âgés le demandent quand leur motricité est perturbée, qu’on leur fournisse des déambulateurs économiques et moraux. « Soutenez-nous » s’écrient ces agents économiques. Subventionnez-nous, ne nous livrez pas aux prix et à la sauvagerie des marchés. Fermez la porte ! Empêchez les enfants de s’éloigner. Interdisez que des inconnus se répandent chez nous : ils viennent nous piquer nos sous.

 

« Déambulateurs » ? N’est-ce pas la réalité qui débarque sans qu’on l’ait formellement invitée ? Mais la réalité ne s’invite pas. Au contraire, elle nous convoque ! Non pas à des festins mais plutôt à partager les mauvaises nouvelles : à partager les moins et à distribuer le peu.

 

Gens âgés ? Déambulateurs ? En effet ! La réalité du Japon se nomme démographie ! Stagnante depuis 10 ans et maintenant régressive. D’ici à 2050, la population devrait diminuer d’une vingtaine de millions d’habitants. Elle a ce même nom en Allemagne qui devrait perdre environ 11 millions d’habitants dans le même laps de temps.  Dans toute l’Europe, la démographie s’en vient faire la chasse aux vieilles histoires de croissance et de dynamisme.

 

La part des seniors dans la population ne cessera de monter, en Allemagne et au Japon, c’est pourquoi l’épargnant sera le roi dans ces deux pays, au premier rang des pays développés. Les seniors ne courent plus, ils ne grimpent plus aux arbres, ils ne s’amusent plus à celui qui sautera le plus loin ou le plus haut. Ils se contentent de tenir ferme le déambulateur et de déambuler.

 

A condition qu’on les soutienne. Déambuler sans risque, cela demande des taux d’intérêts décents, pas des taux à la Draghi qui étranglent les vieux Allemands. Cela demandera des équipements adaptés. Les Allemands qui n’ont pas de crèches vont déborder de maisons de retraite médicalisées. Les seniors de ces pays, mais aussi ceux de toute l’Europe etc. pèseront plus lourds dans l’affectation des ressources publiques et de moins en moins dans la collecte des ressources nécessaires à leur soutien et à leurs instruments de déplacements.

 

 

Est-ce contagieux? France, Angleterre, Irlande pourront-ils faire face à l’Europe des déambulateurs?

 

Le Brexit: une révolution "dégage"?

Dans les univers sociaux troublés où une partie de la population est furieuse de sa pauvreté quand l’autre roule sur l’or et ignore cordialement la première, les frustrations évoluent en conflits extérieurs ou en guerres civiles.

Bonne vieille technique du Bouc Emissaire d’autrefois : on commençait en interne, les juifs servaient d’exutoire. Puis en externe si cela ne suffisait pas : une bonne petite guerre.

Avec la technique du Brexit, les Anglais ont réussi une sorte de performance : ils ont exporté leurs conflits internes. Ils ont commencé par faire des Européens des ennemis de l’intérieur. Donc, ils sont partis. Et, en quittant l’Europe, les Anglais, les Britanniques, les Royaumes-uniens (je ne sais plus ce qu’on doit dire) ont transformé les Européens en ennemis de l’extérieur ! Two birds with one stone.

C’est un peu dans l’esprit des révolutions «dégage» qu’on a vues à l’œuvre en Tunisie, en Egypte et en Syrie. Les Grands-Bretons ont dit «dégage l’Europe» comme d’autres avant eux avaient crié (de joie) «dégage Assad». C’est même une révolution «dégage» démocratique!

Dans ces conditions, à tout prendre, le Brexit est un événement rassurant.

Pour autant que la vraie leçon soit tirée: les partisans du Brexit n’ont pas voulu virer les Européens pour le seul plaisir de les voir à la porte. S’il ne se passe rien d’autre que des lamentations de londoniens interlopes ou des pleurs de banquiers ploutocrates, cela pourrait virer violent. Syrien par exemple.  

L'argent ne vaut plus son pesant d'or

 

L'époque est révolutionnaire: aventures attendues dans le bionique, l'IA, l'imprimerie 3D, la fusion froide sans compter les robots qui arrivent et nous inquiètent. Tout ce qui paraissait à l'endroit passe à l'envers. Les prix eux-mêmes dont la progression non maitrisée était la caractéristique première ne parviennent plus à monter. Le prix du pétrole dégringole à des niveaux que la morale d'autrefois aurait réprouvé. La BCE devait empêcher le taux d'inflation de dépasser le seuil diabolique de 2%. C'est pire: il s'est installé bien en dessous et n'en bouge plus.

 

La révolution suit son chemin et s'installe triomphalement dans les endroits les moins attendus: la banque, la finance, l'Argent en d'autres termes. La révolution? L'argent qui ne vaut plus rien. Les flots de monnaie qui dévalent et ne s'arrêtent pas même dans les poches. La foule des prêteurs qui erre, have et déguenillée, pareille à un migrant de base et qui tend sa sébile suppliant les emprunteurs de prendre l'argent qui dégouline de ses poches.

 

La révolution de l'argent? Le marché qui assure la rencontre de l'offre et de la demande ne connaît pas les territoires négatifs pour les services, les biens et les marchandises, c'est-à-dire tout ce qui a un coût de production. Or, justement, la monnaie ne coûte rien à fabriquer. Regardez comme font les banques centrales. Elles disent "je vais vous en passer pour 60 milliards par mois" et "en avant, vous avez vos 60 milliards!". Pas de souci pour le rythme de production, pas de tensions sur les capacités productives.

 

La révolution de la monnaie renvoie au grenier dans les vieilles malles napthalinisées toutes les théories monétaires. L'argent islamique qui a "pompé" les vieux préceptes de la sagesse grecque et vous regarde de haut en baragouinant "l'argent ne fait pas de petits" est ringardisé. Le débiteur n'est pas la victime d'une injustice sociale. On n'a plus besoin de convoquer les dieux de l'Olympe et de l'Islam pour condamner ceux qui prétendent lui faire suer de l'or.

 

Révolutionner, c'est mettre à l'envers. De nos jours ceux qui souffrent de l'argent sont ceux qui le produisent. Qu'en faire, une fois fabriqué? Le poser sur des étals devant leurs boutiques, saignant et bien à point. Comment faire boire tous ces ânes qui n'ont pas soif et déambulent sans emprunter. Le seul moyen: le taux négatif. L'équivalent capitaliste du "pain et des jeux" de l'Empire Romain. Le cadeau publicitaire institutionnalisé. La démarque qui se perpétue. Le temps ne fait plus rien à l'affaire: il s'est arrêté, il a suspendu son vol.

 

 

Autrefois, l'argent de demain ne valait pas celui d'aujourd'hui. Il fallait payer pour convaincre son propriétaire de ne le retrouver qu'après "quelques temps". Avec les taux d'intérêts négatifs, l'argent de demain ne vaut plus rien du tout. Plus personne ne veut payer pour en avoir, c'est tout l'inverse: il faut payer le débiteur pour qu'il en prenne. Révolution...

Le terrorisme et le « Paradoxe Pervers de la Poule Mouillée »

 

Un paradoxe de la théorie des jeux : « Le jeu de la poule mouillée » permet de comprendre bien des comportements économiques et sociaux, jusqu’à ceux qu’on qualifie d’extrémistes ou de terroristes.

Le principe est le suivant : deux automobilistes sont sur une route à une seule voie roulant l’un vers l’autre. S’ils ne cessent pas de rouler, ils vont se rentrer dedans. Dans ce cas, ils ont tous les deux tout perdu. Mais ils peuvent aussi chercher à s’éviter. Il suffit d’ailleurs qu’un seul d’entre eux décide de se mettre dans le fossé pour que les deux s’évitent un accident très grave. Mais on voit bien que dans ce cas celui qui aura eu l’attitude la plus désinvolte sera aussi bénéficiaire que celui qui a pris l’initiative et assumé les coûts et les risques d’une sortie de route.

Ce type qui sort de la route, c’est la « Poule Mouillée ». Il a eu la trouille et a cherché à s’esquiver. Celui qui est resté obstinément sur sa trajectoire, c’est celui « qui en a… ».

Les exemples de ces situations, où celui qu’on qualifie « indélicat dominant » joue sa partie sur le dos des autres, abondent dans la vie politique, sociale et dans la vie économique. Pensez simplement aux Assemblées de copropriétaires. Une version pervertie de ce paradoxe prévoit que « l’indélicat dominant » a « voulu » la chute dans le fossé de son « opposant ».

Un mouvement « terroriste » se comporte très exactement selon la version « pervertie » du paradoxe en s’appuyant sur les théories marginalistes. Le terroriste fonce devant lui en faisant le maximum de dégâts avec l’idée que son opposant n’osera pas faire de même et préférera verser dans l’ornière, c’est-à-dire renoncer.

Son ressort repose sur la théorie marginaliste : il suffit de manœuvrer une quantité marginale d’agents sachant que, selon cette théorie, ce sont les dernières quantités échangées qui sont déterminantes et non leur masse d’ensemble. Un terroriste n’a donc besoin que de troupes limitées (et déterminées) pour modifier le comportement des autres citoyens.

On voit la richesse de la version « pervertie » du paradoxe de la « Poule Mouillée » dans la vie de tous les jours. Prenons un exemple au hasard : l’action de groupes ultra-minoritaires risque de mettre en danger une grande manifestation internationale (pourquoi pas sportive ?). L’objectif, très clairement, est de provoquer une réaction de type « Poule Mouillée Pervertie ». Le partenaire qui tient beaucoup à cette manifestation (il l’a peut-être organisée) préférera tout céder (aller dans le fossé) pour la sauver, croyant sincèrement que cela va la sauver.

 

Or, dans la version terroriste du Paradoxe de la Poule Mouillée, c’est-à-dire la version « pervertie », l’idée n’est pas de se contenter de cet effet amusant mais mineur de l’opposant qui va dans le fossé mais, en vérité, de mettre pas terre la manifestation. C’est pourquoi nomme la version terroriste du paradoxe : « Le Paradoxe Pervers de la Poule Mouillée ». 

Hidalgo prend des risques

Pendant l’Euro 2016, la Mairesse de Paris a décidé d’offrir des enclos (les Fans Zone) à des milliers de gens pour regarder les footballeurs. Des enclos, avec des milliers de gens dedans. Même avec de grands écrans, cela fait toujours penser à des « camps ». Difficile, mais le sujet n’est pas là.

 

Donc, on remplira les enclos avec plein de gens insouciants. On aura aussi le risque que des gens moins insouciants viennent se faire exploser au milieu de cette foule en fête. Le temps que la foule s’aperçoivent que ce ne sont pas des pétards et ce sera terminé. C’est un risque.

 

Le risque ? Voilà bien la France ! On parle de risque et aussitôt on sort son principe de précaution. Le risque ? On fait tout pour qu’il soit évacué et malgré ce « travail de risque », il en est qui en appellent encore au devoir de ne rien faire.

 

C’est là qu’on voit les chefs. Pour gagner les batailles, il faut savoir prendre des décisions et des risques. Le général, le chef d’entreprise ne sont pas des fonctionnaires à 35 heures : ils prennent des risques.

 

La mairesse de Paris est de cette trempe-là. Si elle se rêve plus haute, plus grande, plus cheffe ou cheffesse, elle doit prendre des risques. Si ça pète, elle aura perdu. Si ça ne pète pas, elle aura gagné ses épaulettes de générale victorieuse. Et de Présidente pour bientôt ?

 

 

La tortilla, on l’a fait avec quoi ?


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