Les tribulations de Martenchon et de Mélinez, décembre 2023

Les morts qui comptent ou les mots qui tuent

 

La télévision, les journaux, les média donc, avait livré leurs lots d’informations et aussi, gravement, des commentaires. Et, plus grave encore, des commentaires contradictoires.

Ce n’étaient pas tant les morts qui avaient frappé nos deux amis. C’était le fait qu’à entendre les plateaux-télé, ce n’étaient pas les mêmes morts.


Mélinez réfléchissait tout haut : « Considère Martenchon, ce cas récent d’un irano-français qui tue un touriste banal, pris manifestement au hasard, probablement parce que dans le noir d’une soirée d’automne, ce dernier, germano-philippin, avait plus la tête d’un germano que d’un philippin. Evénement grave et troublant, par lui-même mais aggravé parce que le tueur s’est revendiqué de l’Islam ».

Martenchon écoutait l’air grave et, après un moment de réflexion, : « Mélinez, je considère ce cas où l’intention confère une gravité particulière à l’acte. Mais, je m’interroge : n’est-il pas pire cet acte, lorsqu’aucune intention un peu solide n’y préside ? »

Mélinez, l’interrompit : « Tu évoques l’acte gratuit ? »

Martenchon poursuivit : « J’évoque le cas de ce nantais, supporter de son équipe de foot, qui a été tué lors d’une confrontation avec des niçois, en marge, comme disent les journalistes, d’une compétition opposant les équipes de football de Nice et de Nantes. De quoi se revendiquait l’assassin ? de son club ? de l’amour du foot ? ».

Mélinez, sursauta : « Tu ne veux quand même pas comparer, l’assassinat terroriste qui se réclame de grandes idées à cet assassinat… sportif ».

Martanchon, très calmement, mais fermement : « Et quand, une bande de jeunes, massacre un adolescent sur le thème de la vengeance ? ou, lorsqu’un lycéen blesse mortellement d’un coup de couteau un de ses condisciples devant son école ? Sans raison ? ou celle d’un « mauvais regard »?

Mélinez se fit fortement critique : « Quel rapport avec le cas de ce malheureux gamin rugbyman tué pendant une fête à Crépol. Les motifs sont pourtant clairs »?

Martenchon, obstinément : « Ne voit-on pas, surtout, que dans notre société, l’irresponsabilité est devenue un mode de comportement banal ».

Mélinez, devint tout rouge : « Les irresponsables comme tu les décris n’hésitent pas à organiser des défilés de protestations, des marches blanches, pour dénoncer les crimes … »

Martenchon froidement et calmement : « Je n’ai pas entendu parler d’une marche blanche pour condamner la mort du germano-philippin (peut-être en Allemagne...) ni d’émeutes comme lors de la mort du jeune conducteur de voiture, Nahel. Je ne connais pas de manifestations pacifiques et blanches pour la mort d’un policier tué par un narco-trafiquant. Y en aura-t-il une pour dénoncer les meurtres de parents par leurs enfants? Et, si je voulais enfoncer le clou, je citerais le nombre de femmes massacrées par leurs maris, compagnons, amants dans le cours de cette année en France. D’après mes renseignements, pas un meurtrier ne s’est revendiqué « combattant islamique ».

Mélinez voulut avoir le dernier mot : « La vie, dans nos sociétés, a-t-elle perdu toute valeur ? »

Martenchon compléta : « Dans les jeux vidéo, ont fait « reset ».

Scooters à la dérive

 

 

Mélinez et Martenchon avaient décidé d’une promenade le long de la rue de Rivoli, dont tout le monde sait qu’elle a été livrée aux « deux roues ». Ils voulaient se rendre compte par eux-mêmes de la teneur des informations livrées dans l’Humeur 497 de Pascal Ordonneau.
Toussant, se mouchant et protégeant leurs oreilles au moyen de bouchons spéciaux, ils avançaient tout de même, conscients de l’importance de leur témoignage à venir. Et pourtant, il pleuvait vraiment fort.
Tout à coup, ils firent un geste vif et inconscient de recul, un scooter chevauché par deux « djeunes » les avait frôlés, fonçant à toute vitesse, bien au-delà des limitations imposées par la mairie de Paris. A quelques dizaines de mètres, deux motards de la police suivaient tous sifflets et sirènes enclenchés, clignotant bleus et blancs. Le drame se noua très vite. L’engin des deux « djeunes » dérapa envoyant promener conducteur et passager sur la chaussée.


Mélinez choqué s'exclama: « Quand même, peut-être ne devrait-on pas les poursuivre comme ça, ces jeunes ! C’est devenu fréquent ces accidents. Ils sont parfois mortels… ».

Martenchon nota : « Reconnaissons qu’ils ne savent pas trop bien conduire leurs engins. Peut-être que s’ils conduisaient des scooters leur appartenant, qu'ils connaitraient bien.…Plutôt que de prendre des scooters au hasard… »

Mélinez, un peu rude : « ça, c’est un raisonnement de bourgeois. La vérité c’est que ces enfants n’ont pas pu recevoir de leçons de conduite de scooter en terrain humide »

Martenchon « Ils n’ont pas pu ou pas voulu ? »

Mélinez plus rude encore « Encore un raisonnement bourgeois, tu m’attristes mon cher Martenchon ! Bien sur qu’ils n’ont pas pu : c’est trop cher. »

Martenchon, perplexe « Mais alors, c’est la fracture sociale ? »

Mélinez séchement « Ces gamins, on ne leur a jamais dit, qu’il ne faut pas prendre les scooters des autres, en plus on ne leur a jamais donné de leçon de conduite, en plus on ne leur a jamais recommandé de s’arrêter aux contrôles de police… c’est ça la fracture sociale »

Martenchon, clairement « Tu veux dire que si on leur donnait des leçons de conduite, ils auraient moins d’accidents ? »

Mélinez, triomphant : « C’est exactement ce que je veux dire. En plus, ils pourraient plus facilement échapper aux poursuites en se faufilant parmi les enfants qui jouent et les automobiles qui circulent. »


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