les tribulations de Mélinez et de Martenchon, août 2022


La pêche au gros

Par une erreur de distribution du courrier, nos amis avaient reçu une livraison d’un magazine féminin orienté « mode jeune ».
Martenchon qui ne manquait jamais un regard admiratif vis-à-vis d’une jeune élégante se tourna vers son ami, l’air perplexe.

« As-tu remarqué mon cher Mélinez ces publicités qui habillent mais aussi souvent déshabillent, des femmes de poids et de volumes »


Mélinez se fit malicieux, « Quand on aime, on ne pèserait donc plus ? »

Martenchon, se voulut austère : « Je ne voulais pas engager une discussion salace, je voulais attirer ton attention sur cette étonnante révolution du tour de taille et de son corollaire l’ampleur des fessiers » .

Mélinez, fut très net : « Martenchon, la question de la survie de l’industrie de la lingerie, qui doit rester française qu’on en soit convaincu, passe par l’augmentation des ventes. Or on sait qu’une française ne consomme pas des masses d’articles de lingerie. On sait aussi, qu’elle n’a pas l’intention d’en acheter davantage. Donc le salut pour notre industrie nationale réside dans l’augmentation des prix des unités vendues. Le seul moyen d’y parvenir : augmenter la taille de ces unités et donc la matière nécessaire pour les fabriquer. Plus de matière veut dire, des prix plus élevés. Voilà notre problème national résolu. »

Martenchon, méditatif fit remarquer qu’à l’inverse, lorsque l’économie britannique s’était effondrée, il y a un bon demi-siècle, l’industrie textile locale avait inventé la mini-jupe. En réduisant le besoin de tissus, les prix avaient été réduits et les ventes maintenues (en volume ).

Mélinez réagit cependant : "En revanche, il me parait que la lutte contre l’obésité pourrait en souffrir. Je me demande s’il ne faudrait pas imposer un malus pour les ventes de vêtements d’une taille excédent une norme définie par le gouvernement. Le produit de la taxe serait versé à la sécurité sociale dans le contexte de la lutte contre l’extension des tours de taille et l’amplification des fessiers."

Martenchon mit un bémol à cette brillante invention fiscale : « Tt si, taille épaisse et grosses fesses étaient inscrits dans certains gènes depuis des millénaires sinon plus ».

Mélinez n’écoutait plus, il s’était approché de la fenêtre et, pensé sur le garde-corps, regardait la foule tout en bas.
 

 

 

 

 

La valse des prix et ses danseurs

 

 

 

Le visage de Martenchon s’était rembruni. Ce n’était pas un nuage qui venait de passer. C’était une armée de cumulo-nimbus menaçant d’éclater en tonnes liquides et qu’on ne pourrait repousser. Mélinez comprit très vite que ça n’allait pas bien et que Martenchon allait se disperser en bourrasques torrentielles.

« Quid ? » fit-il simplement.

« On est, maintenant c’est sûr, prisonnier d’Apple ! » rétorqua sombrement 
Martenchon. Les cumulo-nimbus, incontestablement, s’approchaient de leur fin.

« La guerre ? » questionna prudemment
 Mélinez.
« La guerre des prix ! » éclata Martenchon pareil au cumulo-nimbus en phase finale.

« Apple a décidé de pousser ses prix à des sommets impensables. Tous les utilisateurs d’iphone vont être rançonnés, incapables qu’ils seront de changer de marque d’appareil » … 
Martenchon poursuivit sur le rythme d’une mélopée sinistre accompagnant l’errance de foules équipées d’iphones ringardisés.

« Tu sais Mélinez, c’est la preuve que les prix ne sont pas autre chose que des mécanismes à précipiter les gens dans les bas-fonds de l’économie. Apple veut réserver ses machines à une élite fortunée. Les autres, les pauvres, les méritants sont exclus… »


Martenchon l’interrompit. « C’est comme Tyffanys! ».
Mélinez marqua un peu d’étonnement, Martenchon continua « Ou Van Cleff, les gens qui sont habitués à l’élégance de ces créateurs de bijoux, souffrent eux aussi quand on augmente les prix. S’ils ne peuvent « suivre », comme on dit au poker, sur leurs visages se gravent les marques d’une honte sociale ».

Martenchon sembla courroucé et essaya un « distinguo » … mais Mélinez continua sans s’interrompre. « Et les passionnés de caviar et de vodka russes ? Tu dois bien t’imaginer qu’ils ne paient pas en ce moment le même prix qu’avant les « évènements » ? Les vois-tu prêts à se contenter de produits du Sud-ouest, pour la raison saugrenue qu’ils n’ont plus les moyens de s’offrir les rêves sans lesquels leur vie n’aurait pas eu ni sens, ni charme ».

Martenchon enfin réussit à placer quelques mots « Tu légitimes une espèce de droit absolu qu’auraient les producteurs sur leurs produits et leurs prix de vente! Et tout ça au détriment du consommateur qu’ils devraient pourtant remercier : ne leurs a-t-il pas fait confiance ce consommateur ? ».

Mélinez se fit patelin « Mon cher Martenchon, tu voies les choses à l’envers : je crois volontiers que c’est Apple qui a hissé tous ces consommateurs à pareil niveau de confiance. Ils lui doivent reconnaissance pour avoir mis sur le marché des merveilles technologiques et mieux encore pour les leurs avoir rendues accessibles. Bon nombre ne les méritaient peut-être pas. Il est temps aujourd’hui que les prix dissuadent de rêveries insensées !»

« Allons Martenchon, regarde plutôt devant toi : plus le prix d’un produit s’élève plus désirable il devient ! Que reprocher à son producteur ? ».
 


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