les tribulations de Mélinez et Martenchon, 1er trimestre 2023

 

La chute de la maison virtuelle

 

5ème livraison

 

Dans les humeurs précédentes, on a suivi quelques péripéties virtuelles au cours desquelles les deux amis, Mélinez et Martenchon s’étaient eux-mêmes plongés. On a vu qu’ils avaient su prendre des risques hors du commun : tout n’était-il pas nouveau dans le métavers ? Tout n’allait-il pas à une vitesse incroyable ? N’avait-on pas observé l’irruption de visées politiques venues bousculer ce qui avait pu, un temps, paraitre pure technologie au service d’idées pures. On avait voulu croire que les hommes ( et les femmes, bien sûr) seraient conviés à se rencontrer, à échanger, à partager, et même à croître et embellir pareil à un bitcoin lâché dans la jungle des cryptos et batifolant dans une nature toute faite de 0 et de 1.

 

Pourtant dans ces univers dits méta, tout n’était pas rose. Nos deux amis le découvrirent à leurs dépens.

 

On se souvient que Mélinez avait décidé de quitter « le jeu ». Entendre par là, que plongé dans un métavers jusqu’au cou, le Métavers « Paris » en la circonstance, il avait rompu avec la virtualité pour retrouver la réalité, quitte à perdre en « expérience ». En vérité, en matière d’expérience il avait eu le sentiment d’avoir été servi : Paris avait été dédensifié par sa mairesse, une part non négligeable de sa population ayant été assignée à résidence et obligé d’aller se faire voir dans le métavers « Paris ». Là sous l’autorité de l’avatar de la mairesse, (en costume de danseuse de fandang,o, le visage plâtreux rehaussé de quelques couches de Rimmel ) rodaient de curieux avatars équipés de NFT « baguettes de pain » et « bérets », pavés littéraires signés SdB° à la main et ainsi de suite. Mais le pire n’était pas là. A deux pas de lui, dans le Paris réel, ses yeux fixèrent des manchettes de journaux réels. Les mots étaient crus : Mélinez comprit que quelque chose de grave se passait et que Martenchon était menacé.

 

Il réagit instantanément : Il fallait se porter au secours de Martenchon, qu’il avait laissé plongé dans les délices de la vie virtuelle. Surgissant comme un fou dans le salon commun, il fut accueilli par la dure réalité d’un Martenchon, lunettes spéciales sur le nez, enfoncé dans une sorte de vie aérienne, ouvertement plongé dans une totale absence au monde réelle et vibrant de toutes les fibres de sa peau, de son expérience dans: « le métaver Paris ».

 

Au contraire de Mélinez dont les traits étaient déformés par la de frayeur et l’inquiétude, le visage de Martenchon était extatique. Ses lèvres se contorsionnaient comme à la recherche de quelque chose de savoureux. On ne pouvait pas voir ses yeux évidemment puisqu’ils étaient cachés sous les lunettes spéciales fournies par Méta ; en revanche, ses mains plongées dans des gants haptiques, s’agitaient fébrilement comme s’ils caressaient quelque chose qu’on ne pouvait pas voir mais qu’il saisissait avec une délicatesse de sentiment qui ne pouvait pas tromper. Malgré les difficultés techniques que le casque, les gants, et la machinerie électronique environnant Martenchon, il ne fallut pas longtemps pour que Mélinez comprit dans quelle application du métaver Paris se complaisait son ami, il comprit aussi qu’il serait difficile d’en extraire Martenchon.

 

Or, la menace pesant sur ce dernier imposait de le secourir au plus vite.

 

Mélinez revit en quelques millisecondes les manchettes des journaux. Martenchon courait le risque de ne plus pouvoir revenir et d’être perdu à jamais dans un monde qui n’existait pas.

 

 

° simone de beauvoir et non pas salle de bain

Rencontres dans le métavers

 

troisième livraison

 

Ils étaient donc partis à l’aventure virtuelle, quittant non sans une certaine satisfaction la tristesse de la vie réelle.

Dans un premier temps, s’étant perdus, ils avaient fini par se retrouver. Ils avaient tout simplement demandé leur chemin au premier avatar venu lequel, doté d’un skin de Frères des Hommes, n’avait pu être que complaisant. Les coordonnées spatiaux-temporelles qu’il avait proposées avaient été parfaitement ajustées. Les avatars de nos deux amis s’accordèrent facilement pour se retrouver à deux pas du jumeau numérique du « circus maximus ». leurs skins ne pouvaient les induire en erreur, tant ils faisaient délicieusement « latin ancien », Martenchon ayant choisi de ressembler à Pollux et Mélinez à Castor.

 

Frère des hommes leur avait cependant fortement suggéré de laisser un petit quelque chose en échange de sa complaisance. Heureusement, Martenchon était équipé. Dans sa wallet, il avait installé parmi quelques cryptos-actifs, un ou deux bitcoins pour les gros achats. Des ethers et des gas pour les achats d’équipements sophistiqués. Il avait aussi un peu de crypto-quincaillerie, des dodge-coins, la crypto préférée d’Elon Musk dans la vie réelle ; dans le monde réel on aurait dit de la menue monnaie, un peu en vrac. L’échange ne dura pas plus d’un millième de seconde, ne retardant pas nos deux amis dans leur exploration.

 

Martenchon vivement impressionné par le monde virtuel qu’ils avaient choisi (ce métaver était nommé : « les chouettes copains » lança cette remarque : « ils sont vraiment nombreux les chouettes copains ».

 

Mélinez qui jusque là s’était contenté de lever le nez vers les gratte-ciels environnants, baissa la tête et confirma. « On est presque à touche-touche ».

 

Martenchon commenta : peut-être a-t-on choisi un métavers très populaire ?

 

Mélinez qui n’aimait pas conjecturer dans le vide, avisa un avatar et l’interpella avec toute la simplicité dont il aimait faire preuve vis-à-vis d’inconnus rencontrés par hasard.

« Dites-moi, jeune homme, où sommes-nous donc qu’il y ait tant d’animation ?»

 

L’avatar, était revêtu d’un skin très à la mode : béret basque sur la tête, baguette de pain sous le bras droit et un ouvrage de S.de.Beauvoir dans la main gauche… pour compléter le tout, son regard était affligé d’un strabisme divergent»

 

On vous dira la suite des tribulations de Martenchon et de son ami Mélinez, lors de notre prochaine livraison. (4ème)

 

Le métavers des Royals fonctionne à plein régime

1ère livraison

 

Bouleversé, serait le mot le plus juste, pour qualifier l’humeur de Mélinez quand il était revenu d’une garden party à laquelle il avait été convié par un membre des célèbres « Royals ».

 

Pour information préalable, les « Royals » regroupent une théorie un peu complexe sur le plan social, de fans de la Monarchie britannique, nobliaux, cavaliers renommés au Polo, cadets désargentés. Mentalement, ils descendent en droite ligne des fameux « Six cents cavaliers de la Brigade Légère britannique, célèbre pour le fait d’armes le plus stupide et le plus raté de l’histoire de l’armée britannique, perpétré lors de La bataille de Balaklav.

 

Martenchon qui, apparemment, n’avait jamais entendu parler de cette bataille, lança un : « Pourquoi donc es-tu aller frayer avec ces poissons pas très frais ? »

Mélinez rétorqua doctement : « Cette invitation visait à présenter et accréditer le métavers des « Six cents Cavaliers ».

 

« Dans ce métavers, les invités devaient recevoir les uns et les autres des dolmans et des casquettes de l’époque. Des sabres aussi. Tous objets en la forme de NFT, dont une app. :« the Mouth of Hell  » avaient été mises en place avec 600 chanteurs, le coût d’entrée, modique, étant payable en LB coins (light brigade coins). Un Wallet (LB wallet) devait permettre de stocker NFT et LB coins et même des e-livres sterlings expérimentales).

 

Une boutique du souvenir proposait des objets et des chansons payables comme on a dit. Installé à deux pas d’un temple dans le pur style Tudor, un libraire qui avait acquis fort cher de splendides locaux, présentait les œuvres de Tennyson, plus précisément, sa célèbre ode:  "La charge des Six Cents de la Brigade Légère". Sa version musicale était disponible en version web.3 pouvait aussi être entendue dans le web.2. Une originalité.

 

Martenchon interrompit ce qui lui sembla se transformer en une présentation didactique du métavers : « Pourquoi diable, en reviens-tu bouleversé ? ».

Mélinez séchement « A cause de Harry ! »

Martenchon s’exclama « Le Harry qui a dessoudé 25 talibans, malgré des graves difficultés avec ses organes essentiels! »

Mélinez, tristement : « Lui-même »

Martenchon « Ton allure bouleversée ? »

Mélinez : « Vient de là : il s’est fait désigner comme colonel de la Brigade, et maintenant, parle de lancer ses hommes contre Poutine. Or, on le sait, cette charge contre les troupes russes fut un désastre ».

Martenchon se renfrogna : « Encore un ! » lâcha-t-il sombrement.

 

 

A sa sortie du Métavers, Martenchon panique

 

4ème livraison

 

Mélinez avait interrompu la liaison. Il se sentait un peu abruti. Le casque pesait. Jusqu’ici, il ne s’en était pas rendu compte. Maintenant, privé des stimuli du Métavers, il le ressentait et aussi les fils. Il ne se sentait pas bien en réalité. Pas une gueule de bois mais pas loin et aussi l’impression qu’il se trouvait sur un canot dans une mer démontée. Il se débarrassa de la quincaillerie qui l’avait conduit dans l’espace virtuel du métavers. Il se frotta vigoureusement les yeux, anxieux de réintégrer le monde réel, le vrai monde, celui dans lequel le temps a un sens.

Martenchon assis dans son fauteuil habituel n’était pas encore revenu. Il vivait intensément et virtuellement. Il bougeait beaucoup comme s’il se déplaçait. Il faisait aussi des signes de la main. Sa bouche s’ouvrait et se refermait régulièrement.  Dans le monde virtuel prenait-il un repas virtuel ? Heureusement, bien assis et protégé, il ne risquait pas de se déplacer dans le salon commun. Mélinez se rassura: il aurait pu, en bougeant de façon désordonnée, en se levant, en se dirigeant d’un point à un autre, casser des vases et faire des dégâts.

 

Consultant le cartel du salon, il s’aperçut que ses tribulations virtuelles avaient consommé deux bonnes heures réelles. Il avait les jambes raides. Un peu d’exercice serait bon, décréta-t-il, en se levant prudemment. Une fois son équilibre rétablit, il se prépara pour sortir laissant derrière lui un mot pour leur gouvernante, l’invitant à ne pas interférer avec Martenchon.

 

Une fois dehors, il entama un trajet qu’il aimait bien dans le Paris des alentours, le Paris du IXéme arrondissement. Le soleil illuminait les façades. C’était reposant et charmant. Pourtant, une fois goûté ce retour à la vie réelle, il se fit une étrange observation : il n’y avait personne. Les rues étaient presque désertes. Pas de foules qui se déplacent. Pas de vélos, ni de trottinettes qui obligent les piétons à s’écarter vivement. Quelques passants, lents, désœuvrés, plus tout jeunes, marchaient sans trop de vivacité. Mélinez, se rapprocha de l’un d’entre eux : étonné de cette disparition des Parisiens, il lui fallait interroger quelqu’un, le premier venu, peu importait, quelqu’un qui pourrait donner une indication.

« Comment vous n’êtes pas au courant ? » lui répondit un homme à la mise élégante « On a dédensifié Paris. C’est une décision de la maire de Paris ».

 

Mélinez sursauta : « On a déporté des Parisiens ? ».

 

Son interlocuteur éclata de rire. « On a dédensifié Paris, c’est tout !». Les Parisiens en trop ont été priés de rester chez eux et de se rendre dans un Métavers « Paris » ! Pratiquement, si vous êtes résident dans les IXème arrondissement, il faut vous installer dans le métavers Paris9 ; si vous vivez dans le XVIIème, Paris 17 etc…

Mélinez faillit s’évanouir. Une bonne partie des habitants du IXème étaient donc confinés dans leurs salons, chez eux, assis dans des fauteuils, canapés, chaises ou allongés sur leurs lits. Ils avaient migré vers le Paris 9 virtuel et étaient en train de s'y promener. Martenchon, en faisait-il parti? N’avaient-ils pas rencontré un avatar en béret basque, une baguette de pain sous un bras et dans l’autre un ouvrage de S de B.

 

Pris de panique, il planta là son interlocuteur et fonça vers le salon où se tenait Martenchon, espérant que ce dernier n’avait pas bougé de sa place.

 

A suivre 5ème épisode

 

Etre ailleurs ne signifie pas qu'on n'est pas chez soi

 

deuxième livraison

 

Nous avions laissé nos deux amis dans le métavers. D’emblée quelques spécialistes nous ont fait remarquer que notre propos était empli d’incongruités et d’anomalies.

 

Il faut répondre pour que les aventures des deux héros ne soient pas dénaturées.

 

Nous avons fait remarquer que la gouvernante de Mélinez et de Martenchon, rentrant de vacances, avait eu la surprise, pénétrant dans le salon commun de ne pas les voir. Nous avions indiqué qu’ils étaient ailleurs. Bien sûr, il s’agissait là d’une métaphore. Tout le monde sait que les utilisateurs d’un métavers ne disparaissent pas du monde réel. Bien qu’ils s’en soient mentalement absentés, ils demeurent toujours dans le lieu où ils ont décidé de démarrer leur expérience. Ils peuvent être debout, assis, en position du lotus, ils sont là physiquement là.

 

Dans l’état actuel de la technologie, il est même préférable, qu’étant là, ils n’en bougent pas : de fait le monde virtuel qui va s’ouvrir à eux est tout ce qu’on veut sauf réel. Si, dans ce monde, par exemple, une vaste étendue d’eau, bleue lagon, transparente et vide de tout animal dangereux, leur apparait, il leur faudra beaucoup de maîtrise de soi pour ne pas courir s’y jeter. Il leur faudra savoir rester en place, assis dans un fauteuil ou debout appuyé sur le manteau de la cheminée du salon. A défaut, leur plongeon qui aurait dû rester virtuel, se transformera en miroirs brisés, table démolie et fauteuils en mille morceaux.

 

Donc, nos deux amis sont bien dans leur salon. Leur gouvernante les voit en chair et en os. Peut-être sont-ils moins réceptifs à ses propositions de thé au lait. En tout cas, ils n’ont pas disparu.

Sont-ils ensemble dans le métavers ? Rappelez-vous, l’un est parti avant l’autre, donc on pourrait imaginer que, premier arrivé, il est parti à la bonne aventure sans attendre son alter ego. On pourrait imaginer cela pour autant qu’ils aient choisi le même métavers ! or contrairement, à ce que quelques bonnes âmes laissent à penser, il n’y a pas un seul métavers mais des métavers. Le risque pour l’un de nos héros est que, quittant le monde réel après son ami, il se trompe de direction et se retrouve dans un métavers différent. Cela signifie qu’il ne pourra pas le rencontrer. Pire encore, s’ils ont choisi le même métavers sans avoir prévu d’y accéder au même endroit et si le métavers en question a une superficie d'un million de km2 …

 

Une dernière remarque : certains ont laissé entendre que la gouvernante entrant dans le salon aurait poussé un cri dénonçant une pudeur blessée : elle aurait trouvé les deux amis dans le plus simple appareil, les vêtements ne pouvant passer dans le métavers. Evidemment, elle a eu des hallucinations : Mélinez et Martenchon sont vêtus comme à l’accoutumée, avec cette différence qu’ils portent des casques qu’un soldat du monde réel ne renierait pas. Ces casques, ou lunettes sont les véritables vecteurs du monde virtuel. C’est leur fonction de faire émerger le monde virtuel choisi par l’un ou l’autre à leurs yeux et à leurs oreilles (en attendant l’ouïe et le toucher »). Ils sont branchés sur l’électricité et ont des fils dans tous les sens. De quoi effrayer l’aimable gouvernante et comprendre le cri qu’on a évoqué plus haut.

 

Ces quelques remarques préalables étant faites, nous allons pouvoir vagabonder dans le métavers avec nos deux amis, en toute simplicité, dans une prochaine expédition de notre humeur.

 


 Comprendre le Métavers en 20 questions

 

 

 

 

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