le Bitcoin: une cryptomonnaie

 

 

 Articles disponibles sous d'autres rubriques

 

- Les monnaies cryptées à l'épreuve des utilisateurs: voir dans Monnaies sans banque (paru dans le Huffington Post France et dans le Huffington Québec)

 

- Les monnaies virtuelles au pays du fisc (cinq parties)parues dans le Huffington post. (il faut se reporter sur la rubrique: Bitcoin, l'arrêt de la CJE commenté)

 

On trouvera ci-dessous les articles suivants:

 

 - Pourquoi l’inventeur du Bitcoin est-il sorti de sa cachette ? paru dans le Huffington Post

- Le Bitcoin est-il une monnaie ou une question sur la monnaie?

- Le Bitcoin est-il de l'or numérique (en 2 parties)

- Le Bitcoin entre péché de jeunesse et péché originel (en 2 parties)

- Par ailleurs, les questions sur la monnaie peuvent être consultées à "M comme monnaie"

 

Les Echos Vidéo: interview sur le Bitcoin

 

1ère partie:  les Echos. TV Le Bitcoin: un truc curieux dont personne ne connait trop bien l'origine.

2ème partie: les Echos. TV le Bitcoin: Comment en acheter? Comment les utiliser?

3ème partie: les Echos. TV Le Bitcoin: les Etats et les Banques centrales vont devoir réglementer le bitcoin?

Le Bitcoin est-il une monnaie ou une question sur la monnaie?

 

Comparer le bitcoin à l’or, le qualifier d’or numérique sont des prises de position qui ne relèvent pas de la provocation mais de l’observation. On ne reviendra pas sur les termes de cette observation. En revanche, il est intéressant de revenir sur les enjeux qu’indirectement le Bitcoin met en lumière. Cette soi-disant monnaie «numérique» interpelle le statut de la monnaie et par conséquent celui des acteurs qui gravitent autour de sa nature, de sa création et de son utilisation.

La monnaie est-elle unique ou diverse ?

 

«Monnaie unique », expression qui rend compte de la nature et du champ d’application de l’Euro, met sous les feux des projecteurs la question du statut de la monnaie.

L’évolution historique de la monnaie a été marquée par un mouvement vers l’uniformisation des moyens de paiement. L’or garantissait que les monnaies étaient issues d’un terreau commun. Toutes les monnaies étant référées à cette « réalité chimique » quelques divers aient été les lieux techniques ou politiques de monnayage. Il ne justifiait pas les différences, il les dépassait. Les moyens de paiement étaient « naturellement » uniformes.  L’invention du billet de banque, puis l’extension de cette invention à l’occasion de sa dématérialisation en monnaie de banque a été un moment clef de l’uniformisation : le contexte de l’invention, soit la disparition progressive des centres d’émission de petite taille et de champ d’action limité et ses conséquences, la mise en place d’unions bancaires sur le plan national, puis sur un plan plurinational,  qu’elles aient été plus ou moins durables ou efficaces, ont été des moments forts et incontestés.

 

L’obsession de l’unicité de la monnaie a trouvé récemment un défenseur inattendu et officiel dans le FMI qui proposa, il y a quelques mois, de mener une enquête sur la mise en place d’une monnaie internationale émise par un organisme indépendant plutôt que de se reposer sur une monnaie nationale internationalement acceptée émise par les Etats-Unis suivant leurs propres intérêts. Le FMI avait même pensé à un nom : le BANCOR « in honor of Keynes ».

Commentant les conclusions de ce rapport, je faisais remarquer qu’en Europe l’opinion publique, bien loin de réclamer une grande monnaie mondiale valable pour tout le monde, s’élevaient contre la tyrannie de l’Euro. « Pour les petits (pays), l’Euro est trop fort. …Les obligations qu’il comporte, la rigueur budgétaire et salariale qu’il impose, la sagesse économique qu’il exige… Nos bonnes monnaies locales n’étaient pas bien vaillantes sur le plan international mais elles rendaient notre fardeau plus facile à porter ». J’ajoutai : «…on entend cette imprécation… Monnaie unique, monnaie inique !». De même, la crise aidant, mais aussi l’accroissement radical des inégalités économiques dans les pays développés, le mouvement pour les monnaies alternatives a pris de l’ampleur.

Dans un univers complétement opposé, le concept de « monnaie uniforme et universelle » est mis à mal par l’évolution de l’économie mondiale et l’impact des technologies de communication et de calcul. Les échanges de monnaie empruntent des modes de transmission de plus en plus automatisés, de plus en plus internationalisés, qui tranchent radicalement avec les visions solidaires ou alternatives de monnaies « réappropriées par le peuple » ou de moralisation de la monnaie par un « retour à la proximité des émetteurs et des utilisateurs ». Le Bitcoin débarque enfin, sur fond de technologies, sans que personne ne l’ait demandé, en tout cas pas le FMI, comme fruit de l’initiative de quelqu’un que personne (pour le moment) ne connait selon des modes de production partiellement occultes, sachant qu’il est censé fonctionner en dehors des circuits traditionnels et en tout anonymat.

Faut-il en conclure qu’au temps de la « monnaie unique », au temps des idées de mondialisation monétaire, est devenu douteux et contestable le fondement même de l’uniformisation monétaire. L’uniformisation des marchés financiers et bancaires et sa conséquence officielle, l’uniformité des monnaies, sont-elles des entreprises erronées, éloignées de la vie économique et ne satisfaisant que quelques dizaines de macro-banques ?

 

A qui appartient le droit de créer de la monnaie ?

A la critique de l’Euro « monnaie unique » répond en écho la proposition du Bitcoin comme de toutes les monnaies alternatives : détacher la monnaie de ces institutions qui la dévoient, faire revenir la monnaie et sa production au plus près des agents économiques et des réalités de la production de valeur, et en fait, provoquer un télescopage des idées et des concepts. Dans tous les cas la monnaie parait avoir une « possibilité de vie » en elle-même indépendamment des grands courants de la vie économique. Cette conception de la monnaie est calquée sur celle qui sous-tend celle de l’or. L’or a de la valeur en soi. Le Bitcoin a lui aussi de la valeur en soi. Et la plupart des monnaies alternatives s’efforcent de s’ancrer dans ce geste qui insuffle de la valeur en soi à toute monnaie y compris les plus locales, les plus confinées dans une circulation de proximité.

In fine, se passer des banques pour « fabriquer la monnaie » revient à accréditer l’idée que la production de monnaie, comme la production d’or est accaparable, comme l’est tout bien matériel, comme on peut accaparer le blé, le charbon et les denrées essentielles. Plusieurs interprétations de ce propos se télescopent qui touchent à la nature de la monnaie. La monnaie électronique est un exemple de ces hésitations. Que font les émetteurs de cartes de paiement ? Que font les sociétés qui s’intermédient dans le paiement ? Que font les grandes banques qui utilisent des systèmes spéciaux pour transférer les gigantesques sommes qui naissent du commerce international ou des échanges financiers ? Les monnaies qui transitent par leurs caisses sont-elles différentes les unes des autres ou bien peut-on soutenir que les 10 euros inscrits sur le porte-monnaie informatique de la ménagère sont les frères de 10 milliards d’euros qui entreront et sortiront sur un des nœuds, une des plateformes «target» entre banques européennes. Ce devrait être simple. Ça ne l’est pas ! La Banque Centrale Européenne a donné son opinion : la monnaie électronique n'est qu'un type de monnaie scripturale. Quand la BCE donne une opinion, on aurait tendance à penser que le « ban est fermé ». Or, le test dit «de la perte» est contradictoire. Quand on perd une carte «porte-monnaie» électronique, que perd-on ? La même question pourrait être posée avec les cartes dites de prépaiement. La réponse est simple : on perd de l’argent ! Comme on en perdrait si on perdait des pièces de monnaie et des billets de banque. C’est pour cette raison que quelques auteurs estiment que la monnaie électronique est une nouvelle forme de monnaie divisionnaire (monnaie métallique) et de monnaie fiduciaire (billet de banque) en même temps.

Ce n’est donc pas simple ? Si la monnaie électronique est une forme de monnaie scripturale, alors, elle est produite par les banques. Si elle une forme de monnaie divisionnaire, alors ???? Son producteur ne peut être qu’une autorité ou une entreprise qui la met sur le marché en fonction des coûts de production et des gains de seigneuriage à en attendre. On l’a dit plus haut : l’or en tant que monnaie ne tient de vertu et de valeurs qu’à la condition qu’une entité procède au monnayage. Si on voulait brouiller les pistes un peu plus complétement on dirait que le monnayage est un processus de fiduciarisation de l’or. Ni plus ni moins. Et voilà qu’on retrouve le Bitcoin et son point commun apparent avec l’or : ils ne naissent pas à l’occasion des échanges économiques où des dettes naissent et s’apurent, s’entrecroisent, se transmettent, se dénoncent, s’endossent etc… Ils sont donnés purement et simplement, à la société, comme on l’a indiqué plus haut et indépendamment du monde économique, de ses flux et du temps qui les rythme. Si on admettait que le bitcoin, débarrassé de ses imperfections, absence de transparence, caractère incompréhensible de sa production, était une monnaie aussi pertinente que peut l’être l’or, si on admettait que le processus crypté de sa production est une façon de procéder au monnayage donc à sa fiduciarisation, alors il faudrait admettre qu’il existe effectivement deux modes de production monétaires, quand, de nos jours, un seul paraissait avoir emporté tous les suffrages : Le crédit.

 

Dans ces conditions, peut-on imaginer que le bitcoin soit un banc d’essai plus ou moins accompli qui annonce l’arrivée de nouvelles monnaies, fondées sur les mêmes principes : une création électronique insensible aux menaces d’accaparement, puisque ne reposant que sur des mécanismes « algorithmiques » auto-limités ? Quand il y avait l’or, en tant que monnaie, il y avait aussi l’argent et le bronze et l’étain. Quand il n’y avait pas d’or, ni argent, ni bronze … d’autres marchandises ont été utilisées. La production de monnaie, l’or, l’argent et les autres types de monnaie l’ont montré, ne passe pas nécessairement par les banques. De même que ce n’est pas parce qu’on mobilise les ordinateurs qu’on uniformise les monnaies : l’algorithme  « bitcoin » n’est qu’un parmi les centaines qui ont toutes de bonnes raisons d’émerger, comme dans le passé, en cas de besoin , on savait utiliser l’or ou n’importe quelle marchandise…

Pourquoi l’inventeur du Bitcoin est-il sorti de sa cachette ?

 

 

Ça y est, le voile est tombé sur celui qui a levé le voile sur la véritable nature de la monnaie. On pensait à un japonais, on rêvait d’un savant un peu fou, humain trop humain qui voulait rendre la monnaie au peuple, on pensait à un groupe de technocrates déments dont le but était de prendre le contrôle de la planète en se saisissant de l’arme absolu dans ce monde cynique, brutal et cupide : la monnaie.

 

Eh bien non ! Ni savant fou, ni technocrates totalitaires, ni Japonais : un Australien. Le Huffington post est formel « Après des années de spéculations et de mystères, le véritable créateur de la monnaie numérique bitcoin a révélé lundi 2 mai son identité à la BBC, The Economist et le magazine GQ: il s'agit de l'entrepreneur australien Craig Wright ».

 

On lit dans l’article susnommé que la pression devenait trop forte. Depuis que la fameuse monnaie avait été lancée dans le secret le plus total, les chiens de chasse de la presse, des Etats et des inventeurs de monnaie avaient été lâchés. L’inventeur en vint à craindre pour ses enfants, pour sa famille, pour ses amis et peut-être pour les détenteurs de bitcoin.

 

Peut-on vivre caché dans une société qui se pique de transparence ? La preuve vient d’être fournie : même quand on promeut le cryptique, (cf Wikipédia : Du latin crypta, du grec ancien κρυπτός kruptos (« caché »), de κρύπτω kríptô (« cacher »). Apparenté au sanskrit gopayati dérivé de gup- (cacher) on ne peut pas rester cacher très longtemps.

 

Que faut-il croire dans ces explications ?

 

Oublions les tourments affectifs et tournons-nous vers le bitcoin lui-même. Craig Wright aurait-il du souci à se faire pour son invention ? Serait-elle sur le point de s’échapper ? Les partenaires qui entourent cette belle invention : les mineurs ont-ils perdu la foi ou la croyance dans un système de valeur libertaire sans être anarchisant ?

 

En fait, le bitcoin est à la croisée des chemins.

Demeurera-t-elle cette monnaie sympathique, qui permet à tout le monde d’échanger avec tout le monde sur toute la surface de la planète, à la vitesse de l’éclair, en toute sécurité et en toute confidentialité ? Produite en un nombre limité d’unité, elle pouvait s’avancer le front pur de toute tentation inflationniste et de toute manipulation douteuse. Echappant au monopole des banques voilà une monnaie qui ne pouvait être produite pour de fallacieuses raisons de relance économiques et de quantitative easing.

 

Elle était accusée régulièrement de faciliter les échanges illicites, la drogue, les armes et le sexe. Le trop fameux Daesh aurait des comptes en bitcoin … et aussi les cartels colombiens.

 

Et puis la production de bitcoin n’était plus si sûre : combien de failles ont entraîné des disparitions de « portefeuilles ». Combien de bitcoin se sont évaporés sous le coup de hackers. Sans parler des histoires fameuses où un détenteur de bitcoin perdait une petite fortune pour avoir jeté son ordinateur à la poubelle.

 

Le pire, a-t-on dit à plusieurs reprises, était à venir. Les autres monnaies cryptées ? Il est vrai que celles-ci étaient plus discrètes et se voulaient moins révolutionnaires. Moins exigeantes peut-être quant aux modalités de cryptage et, de ce fait, plus agiles car il y a toujours un trade-off à faire entre le poids de l’armure et la recherche de la vélocité. Malgré cela, force est de reconnaître qu’elles ne faisaient pas trop d’ombre au bitcoin.

 

A-t-il craint des tentatives de Bitcoinjacking ? Des propriétaires de « ledgers » auraient-ils été menacés de tout perdre, via un virus incontrôlable, s’ils ne parlaient pas ? Des dérives sur l’usage du bitcoin lui faisaient-elles redouter une responsabilité pénale d’autant plus grave qu’il se serait caché. Quand on se cache c’est qu’on a quelque chose à se reprocher. La monnaie cryptée, donc « cachée » ne le désignait-elle pas à une vindicte fiscale et monétaire, celle des Etats, des Régulateurs et des Grandes banques ?

 

 

Doit-on prendre pour Bitcoin comptant que Craig Wright craignait quelque chose pour ses amis et sa famille ou faut-il en venir à des évènements qui touchent le Bitcoin de près ?

 

D’autres interrogations sur le bitcoin et ses process étaient porteurs de doutes grandissants sur la pertinence de l’invention. Le coût de fabrication du bitcoin s’est enchéri dramatiquement au fur et à mesure des progrès du minage. A l’ordinateur personnel du mineur des débuts se sont substitués les ordinateurs en réseau. Des centres de calcul massif installé dans les régions froides de la planète. On parlait de consommation électrique équivalent à de petites villes puis des villes plus grandes…

 

On sait ce qu’il advient des produits dont les coûts de fabrication augmentent. Ou bien leurs prix s’élèvent ce qui élimine une partie des agents économiques, ou bien des industriels s’imposent. Devenant un produit industriel, le Bitcoin n’était-il pas en risque de trahir sa vocation première : une monnaie rendue au peuple. (un industriel de la monnaie, disons-le simplement, c’est une sorte de banque…).

 

Pygmalion était tombé amoureux de sa création, on ne fera pas l’injure à Craig Wright de sortir de l’ombre par pure jalousie. Il ne serait cependant pas impossible que, sans être mu par un sentiment peu noble, il en soit venu à penser que son absence laissait la porte ouverte à l’expression d’intérêts cupides. On peut imaginer aussi, que le succès aidant, il ait découvert que le bitcoin risquait d’être tiré à hue et à dia .

 

L’avenir troublé du Bitcoin

 

Expliquons-nous : premier temps, le bitcoin produit par une collectivité d’égaux a perdu cette qualité. On dit que la production de Bitcoin serait maintenant entre les mains des Chinois pour une part de plus en plus importante. Clairement cela va exactement à l’encontre des valeurs de référence initiale de la monnaie cryptée.

 

Plus grave : deuxième temps, le bitcoin ayant rencontré le succès est de plus en plus utilisé, preuve que c’était une bonne idée mais voilà le point noir : les transactions en bitcoin sont de plus en plus lentes. Pour aller vite, c’est-à-dire « by-passer » les queues, certains sites proposent de « payer ». Adieu égalité ! Les cours de change finissent par déraper. Le produit finit par être moins attrayant sur le plan du process et sur le plan du prix.

 

Or : troisième temps, un débat fait rage au sein de la communauté « bitcoin » sur les moyens et les investissements utiles à la remise à niveau des avantages technologiques initiaux. Les uns disent, à la manière de gestionnaires de chemins de fer : « faites des wagons plus gros », à quoi les autres répondent : « faites des trains plus fréquents ». La vraie question est qu’il n’y a pas d’autorité dans l’univers du Bitcoin comme il en existe une dans l’univers d’internet ou des chemins de fer.

 

Enfin, quatrième temps, on peut s’interroger sur l’émergence de mouvements hétérodoxes voire hérétiques. Le débat qui agite l’univers des monnaies cryptées devient de plus en plus un débat sur la sécurité des informations. La fameuse « blockchain » devient donc un enjeu qui laisserait le bitcoin de côté. Pire, les banques, dont tous les commentateurs ont montré la grande passivité pour ne pas dire l’innocente inconscience devant l’innovation majeure qu’est la monnaie cryptée, sont en train d’investir massivement dans tout ce qui a trait à la blockchain. On dit même que le contrôle de cette dernière deviendrait l’objet d’une vraie querelle entre acteurs « technologiques » et « acteur financiers » sous l’œil de plus en plus vigilants des régulateurs économiques et monétaires.

 

Les méchantes langues disent qu’au fond, la vraie invention dans cette affaire c’est la technologie « blockchain, ce qui reviendrait à dire que dans les billets de banque, c’est la technologie attachée au papier fiduciaire qui présente un réel intérêt économique et social.  

De tout ceci, on pourrait déduire qu’il était vraiment temps que Craig Wright sorte de sa cachette.

 

 

 

 


Le Bitcoin entre péchés de jeunesse et péché originel 1ère partie 

Le Bitcoin fait encore parler de lui… en mal. Dépôt de bilan du plus gros intervenant créé et opérant au Japon par un … Français. A la fin, le Bitcoin n’est-il qu’une version « Geek » des « Madofferies » qui émaillent la vie quotidienne mondiale de l’épargne et donnent. Ou bien, le Bitcoin patauge-t-il parce qu’il s’est trompé de combat ?

Est-ce le début de la fin ? Mt.Gox vient de fermer le rideau (pardon, son site). Le plus important négociant, stockeur, arbitragiste de Bitcoin est en de très graves difficultés. Il ne faut pas s’attendre à des queues d’épargnants désespérant de recouvrer leurs fonds. Tout au plus assistera-t-on à quelques manifestations clairsemées  et à des harangues contre les malfrats qui sabotent les projets idéalistes. On y dénoncera le rôle occulte des banques, furieuses de voir une monnaie nouvelle menacer un business fort lucratif : la création de monnaie.

Beaucoup de malheurs pour le Bitcoin : peu d’heurs

Peu de chances pour qu’il y ait des défilés de centaines de protestataires, les utilisateurs de Bitcoin sont encore peu nombreux. Peu de chances de rassembler des protestataires pour manifester sur le thème « sauvegardons nos libertés monétaires numériques »…Le Bitcoin en tant qu’instrument d’émancipation bancaire et monétaire des masses n’a pas encore atteint la reconnaissance démocratique qui pousse les gens à faire masse, même quand il pleut, pour le défendre.

En revanche, les mésaventures de Mt.Gox dont un commentateur indique qu’il était « jadis la plus importante bourse de Bictoins » ne sont pas les premières dans l’univers du Bitcoin. On notera que le doute commence à venir sur les conditions de fonctionnement de cette monnaie (enfin) libérée des banques, des Etats, des règles et des contraintes. On relèvera que ce n’est pas la première escroquerie qui vient d’être mise à jour sur le Bitcoin ce qui ne peut que laisser très dubitatif à l’égard des enthousiasmes « technologiques » des Geeks partisans de ce petit bijou informatique.

Puisqu’il s’agit d’une « monnaie du net », il s’agit aussi d’une cible idéale pour hackers, pirates, voleurs (modernes) et spéculateurs cybernétiques marron. Mt.Gox, quelques jours avant d’arrêter toute activité, aurait été victime d’une cyber-attaque et se serait fait voler des milliers de Bitcoin. Quand, un peu plus tard, MtGox ferma, l'équivalent de 278 millions d'euros, soit 744.408 Bitcoin furent effacés.

Indépendamment de cette dernière affaire, un des dirigeants de Mt.Gox est en prison, accusé d’avoir tolérer des pratiques de blanchiment via le Bitcoin et des transactions sur la drogue.

Un observateur, Lionel Dricot, faisait drôlement remarquer : « Quant aux services de portefeuille Bitcoin en ligne, ils sont la proie des pirates ou des arnaqueurs. J’avais ainsi décidé de ne pas mettre mes œufs dans le même panier en mettant des Bitcoins sur TradeHill, qui a fait faillite en emportant tous les Bitcoins, sur Bitcoin7, qui a disparu du jour au lendemain et sur Bitmarket, dont le propriétaire s’est fait voler les Bitcoins. Une belle leçon… » et il concluait « Garder ses Bitcoins en sécurité nécessite donc une attention et une expertise assez pointue ». Conclusion, si vous avez chéri pendant une longue vie d’épargne un livret « A », ne vous laissez pas aller à suivre le vent de l’innovation numérique… sans mesurer avec lucidité votre capacité de maîtrise de ce nouvel animal monétaire.

En finance, l’enthousiasme est aussi dangereux qu’une drogue désirable

Vous n’êtes pas contraint de laisser votre argent en dépôt chez un tiers numérique ! Comme vous auriez pu conserver vos louis d’or ou des billets de banque chez vous, vous pouvez garder vos Bitcoins dans votre ordinateur sur son disque dur en prenant soin de bien sauvegarder. .. Rappelez-vous l’histoire triste du monsieur qui jette aux ordures un ordinateur…avec l’équivalent d’un million d’euros dans le disque dur ou de celui qui l’oublie dans un train, avec le code…etc.

Rien n’est pire dans cette affaire du Bitcoin que l’enthousiasme des connaisseurs, des Geeks, de tous ceux aussi qui pensent que le monde des banques, avec à leurs têtes, les banques centrales, détournent la création monétaire à leur profit. Rien n’est pire que cet enthousiasme à la Thoreau où, l’Homme est enfin libéré du Moloch social et peut se livrer à ses activités financières et monétaires avec le naturel du chasseur de grizzli dans les Montagnes Rocheuses, sans que des instances, des institutions, des règles, des marchés uniques, des bourses etc. viennent tout perturber et peser de tous leurs coûts sur des transactions honnêtes.

Il est là cet univers libéré et informatisé où, enfin, l’homme peut communiquer, travailler, rêver, révolutionner en ligne sans demander la clé pour ouvrir la porte car les portes du web sont ouvertes 24/24, c’est inscrit dans leurs gènes. Il est tellement là, que les pirates et les corsaires du Web sont à l’affût comme les frères Dalton étaient en embuscade au détour du chemin de la diligence. Rien de nouveau sous le soleil. Les détrousseurs et les vendeurs d’illusions fleurissent là où il y  a de l’argent. Il n’est pas besoin d’être Geek pour les rencontrer. La dernière « Madofferie » mise à jour usait des systèmes informatiques et des ressources de la banque à distance sur plusieurs pays et continents pour, d’un côté, vendre des produits dits de Ponzi à des épargnants alléchés par rendements élevés et défiscalisation et, de l’autre, organiser un vaste réseau de blanchiment d’argent tiré du commerce de la drogue.  Ce système, qui vient d’être révélé avec l’arrestation de Joaquin « Chapo » Guzman » un des plus importants « baron de la drogue » mexicain a touché plus de 80.000 Français. Bien sûr, l’idée n’est pas de comparer l’un à l’autre, si ce n’est qu’à chaque fois les victimes sont du même type : enthousiasme vis-à-vis de tous les moyens qui permettent de contourner les autorités « spoliatrices » et « castratrices », enthousiasme redoublé si on peut « doubler les banques » et éviter qu’elles empochent des commissions insupportables etc…

L’idéal de liberté qui sous-tend l’aventure du Bitcoin n’est pas un viatique contre escrocs et malversations. Ce n’est pas parce que les opérations en Bitcoin ne salissent pas les mains des « Mineurs » et des fabricants d’algorithmes qu’elles sont toutes propres et légitimes. Ce n’est pas parce que l’intention des promoteurs du Bitcoin est de faire régner le bonheur monétaire sur terre qu’il n’y a pas de voyous embusqués et de pirates pour s’en prendre aux « Wallets » isolés sans défense !

Le Bitcoin est-il de l'or numérique? 1ère Partie

Le Bitcoin est-il la relique barbare de demain ?

Que n’entend-on pas ces derniers temps au sujet du bitcoin, la nouvelle monnaie, la monnaie des geeks, celle de demain, monnaie électronique, virtuelle, numérique, quantique ! Elle arrive, elle est là, elle va ringardiser le compte en banque, la carte visa et tous les systèmes paypal de la terre. Faut-il donner un indice de son taux de pénétration dans les esprits, à peine créée ? La pègre, le jeu, les transferts illicites, le commerce de la drogue ! Tout ceci paierait ou serait payé en bitcoins. Ce serait parfaitement anonyme  et crypté. Les échanges de bitcoins ? des algorithmes qui se causent ! Mieux que les gros billets. Récemment, on annonçait que la douane française a réussi à piéger des trafiquants avec des bitcoins. Il y a peu le Sénat américain inquiet devant l’émergence des monnaies « électroniques et alternatives » (en clair, les monnaies qui ne passent pas par les banques) a procédé à une série d’audition et a « écouté » un des représentants de l’univers bitcoin. Ce dernier a essayé de rassurer tout le monde en affirmant que la nouvelle monnaie n’avait pas pour vocation d’être la monnaie du crime et de l’argent douteux. Il a quand même insisté sur les dangers qu’il y aurait pour les Etats-Unis à ne pas se montrer compréhensifs. Les compétences en bitcoin sont facilement délocalisables. En Angleterre par exemple qui a l’esprit si large dans les domaines monétaires et financiers….Il fallait, en effet, faire un effort de communication après la fermeture d’un site clandestin « Silk Road » qui proposait des drogues en tout genre payables en bitcoins. Les autorités américaines ont des raisons d’être sourcilleuses sur ces monnaies qui viennent de nulle part. Devant le Sénat américain, une autre monnaie numérique, le Liberty Reserve (LR) créée en 2006, était présentée comme le support d’un blanchiment de l’ordre de 6 milliards de dollars !

Les monnaies alternatives sont-elles des monnaies futuristes ?

Commencer une chronique sur le bitcoin avec pareil palmarès c’est à coup sûr une façon de le renvoyer au rang des Madofferies en tous genres qui émaillent la vie économique et financière depuis quelques années. L’ignorer en revanche serait une erreur. Le bitcoin présente de nombreuses originalités par rapport aux monnaies alternatives habituelles. En particulier, depuis qu’il est apparu, il fonctionne comme une curiosité monétaire en elle-même. Anticipons sur les développements qui vont suivre : si on considère de près cette « monnaie quantique » elle ne parait pas si éloignée d’un autre support monétaire : l’or.

La caractéristique de la plupart des monnaies alternatives réside dans le fait qu’elles sont émises, à l’encontre de pratiques bien ancrées depuis quelques siècles, par d’autres émetteurs que les banques. Ces monnaies dont les plus célèbres sont le SEL et le Schiemgauer (mais il en existe de nombreux autres exemples) sont émises par des collectivités locales ou des associations sur la base ou d’un travail valorisé ou d’un pur échange de marchandise. Essentiellement, ces monnaies ne correspondent pas à de la création de richesse ex nihilo hormis les cas où ces collectivités décident de se lancer dans une politique dite « du revenu de base universel » qui n’a rien à voir avec les questions purement monétaires.

Pour des raisons idéologiques les monnaies alternatives sont des monnaies « anti-banques » : on a indiqué que le principe même qui sous-tend ce type de création monétaire est de court-circuiter les banques et de leur contester leur pouvoir monétaire. La monnaie n’est-elle pas un bien public par excellence ? Son émission, les quantités qui sont injectées dans l’économie, ont des effets macro-économiques et touchent chacun, pauvres et moins-pauvres. « Le peuple se réapproprie la monnaie ! » est le mot d’ordre des monnaies alternatives. Pourquoi les banques tireraient-elles profit de l’émission de monnaie que les banques centrales leur ont laissé dans leur grande naïveté ou par collusion avec le « grand capital ». Une fois l’idéologie passée, la création monétaire « alternative » suit exactement les mêmes principes que l’émission de monnaie par les banques : la monnaie est créée à l’occasion de la « naissance d’une dette », c’est-à-dire à l’occasion d’une opération selon laquelle une personne se reconnaît débitrice à l’égard d’une autre. Elle n’est donc pas différente de n’importe quelle monnaie … de banque. Elle en caricature même une forme matérielle : le billet. Mais elle peut aussi s’adonner à la dématérialisation via l’inscription en compte des créances acquises à l’occasion des échanges.

En ce sens, la monnaie suit toujours l’activité économique : elle ne se crée qu’à raison d’échanges. Elle devrait ! On a bien vu que la monnaie de banque peut être créée à l’occasion d’échanges financiers. Ce qui se nomme en langage courant « spéculation » ou prend le nom plus sobre et moins chargé de vibrations négatives de « services bancaires et financiers »! Tout ceci est bien connu quoique pas toujours bien compris. Il est encore beaucoup de gens et pas uniquement parmi les moins bien formées qui pensent que la monnaie est « fabriquée », qui pensent « planche à billet » et fleuve ainsi du « Nil », monétaire comme les révolutionnaires français aimaient à dépeindre les assignats. Il est encore beaucoup de gens qui pensent que la monnaie est une marchandise et que son prix est fonction de l’offre et de la demande. Son prix ? Quel est le prix d’une monnaie ? Ou dit autrement quelle est sa valeur ? Elle vient de sa capacité à libérer des dettes…  par le moyen d’une dette. Chaque fois qu’on remet des billets de banque ou de la monnaie de compte pour solder une dette, c’est très précisément des créances sur les banques et le système bancaire qui sont remises. Les dettes des banques servent à payer les dettes des agents non bancaires.

Quand arrive le Bitcoin…

C’est ici que revient le bitcoin en tant que soi-disant monnaie virtuelle, informatique, quantique et tout ce qu’on voudra avec des bits, des pixels et autres choses du même genre parfaitement intangibles. On a indiqué plus haut que la plupart des monnaies alternatives sont créées comme les banques créent de la monnaie de banque, sous forme de billets ou sous forme de comptes et à l’occasion de transactions qui font naître, ne serait-ce que pour un court instant de temps, un débiteur et un créancier. Le bitcoin se démarque complètement de ce mode de création. Il vient à l’économie comme la grâce aux croyants, sans qu’on s’en aperçoive. Il est incréé au sens le plus religieux du terme, naissant au hasard des calculs algorithmiques d’un logiciel conçu par un esprit inconnu, selon des modes de calcul difficiles à comprendre (quand on pense les avoirs reconnus) et se déroulant dans le temps selon des modalités dont le secret est bien gardé. On sait qu’il se crée un bitcoin toutes les 25 minutes (pourquoi 25 qui n’est pas un chiffre religieux ? Pourquoi se référer à des minutes qui renvoient au calcul sur base 60 des chaldéens ?). Une fois que le total de bitcoin aura atteint un plafond de 21 millions (mêmes questions) … alors la production s’arrêtera. Le logiciel de création s’autodétruira dans le silence des espaces quantiques dont la solitude est de temps en temps interrompue par la visite d’un boson de Higgs.

On caricaturerait ? Que nenni ! C’est exactement comme ça que ça fonctionne. Comment faire pour mettre des bitcoins dans sa poche ? Un préalable : on ne peut pas attraper un bitcoin comme un vulgaire jeton, il est absolument virtuel, le bitcoin est un objet informatique composé de 0 et de 1 qui ne peut être conservé que sur une mémoire informatique. Cette précision étant martelée, venons-en à la « fabrication des bitcoins ». Pour y parvenir, il faut télécharger des logiciels qui permettent de télécharger d’autres logiciels. Puis, il faut offrir sa puissance de calcul informatique à la communauté bitcoin car, pour produire du bitcoin, il faut « miner » : c’est à dire calculer, calculer, calculer et plus on a produit de bitcoin, plus il faut calculer. En ce sens, on peut dire que le dernier bitcoin produit aura consommé des quantités d’énergie incroyable. De même que pour utiliser les bitcoin qu’on a acquis. Il faut détenir la mémoire de toutes les transactions en bitcoin et calculer, calculer…et « miner ». En minant, on se crée un portefeuille de bitcoins. Mais aussi on peut acheter des bitcoins « minés » par d’autres. On se les procure sur le marché du bitcoin où on trouve ce qu’il faut de « plateformes », de nœuds, de réseaux et de connexion en tous genres. Qu’on s’en souvienne, pour acquérir des bitcoins, pas d’échoppes dans les rues commerçantes. Enfin, quand on se rend sur ce marché, il est préférable de disposer d’un compte en banque bien rempli car le bitcoin, en raison de sa rareté a vu sa valeur (en Euros ou en dollar ou en renminbi) multiplier par… un million en quelques mois : il est passé de 0,001 dollars à 1000 dollars et on dit qu’il n’y a pas des raison que cela s’arrête.

Le Bitcoin entre péchés de jeunesse et péché originel 2ème partie           

Le Bitcoin entre péchés de jeunesse et péché originelle. Deuxième partie.

Les promoteurs du Bitcoin n’ont-ils pas eu envie d’en découdre. Porter le flambeau de la révolution monétaire. Casser les ententes et les monopoles. Libérer la monnaie de toutes les bastilles bancaires. Résultat, le message est trouble, les aventures douteuses et les faits divers dissimulent les vraies questions. Qui parfois peuvent être de bonnes questions.

 

Erreurs de jeunesse ou erreur de direction ?

Les ratés du Bitcoin sont à mettre au rang non pas d’erreurs de jeunesse, de ratage dans la mise au point de logiciels qui demandent à être perfectionnés. L’erreur qui est commise consiste à penser qu’une nouvelle monnaie est en train de germer alors que tel qu’il est conçu, le Bitcoin donne le sentiment d’avoir été décalqué sur l’or jusque dans le processus d’extraction lui-même ! En fait de nouvelle monnaie, on a mis en circulation un avatâr de la vieille invention lydienne ! Il me paraît que c’est à ce niveau que l’erreur « originelle » des inventeurs du Bictoin se situe. La monnaie disent les champions du numérique est une chose trop sérieuse pour être laissée entre les mains des banquiers centraux ou non. La proposition est belle et simple comme l’or ! Souvenons-nous que c’est le raisonnement cardinal des partisans de l’or « monétaire » : il est par sa nature même non-manipulable. De ce fait même leur démarche est brouillée.

S’appuyer sur le « corpus » idéologique des partisans de l’or n’est pas « populaire »! Aussi, pour donner une densité « conceptuelle » à ce qu’ils pensent être une nouvelle monnaie, les initiateurs du Bitcoin ont emprunté aux monnaies alternatives les outils « idéologiques » pour « penser » la « nouvelle monnaie » qu’on peut résumer à deux « pôles » : liberté, c’ est à dire rompre les contraintes sur la création et la circulation monétaire, réappropriation, c’est-à-dire rendre aux agents économiques les bénéfices de l’activité monétaire trustés par les banques avec la complicité des institutions officielles.

Défaut de jeunesse ou défaut conceptuel ?  Plutôt que de chercher ce qui a changé dans les comportements de paiements des agents économiques, par le fait même d’internet, par les fantastiques capacités de calcul qui sont maintenant « banalement » déployées, par la transformation latente ou existante de la « réalité » des échanges, les promoteurs du Bitcoin ont privilégié un biais de la pensée économique : ils posent les agents économiques comme les libéraux, classiques et marginalistes confondus le faisaient, c’est-à-dire comme des décisionnaires, libres, indépendants, sans influence les uns sur les autres, ni sur le marché, ni sur les prix et encore moins sur la monnaie.

Quelles monnaies pour quelles transactions ?

Soutenir la création d’une monnaie « contre les monnaies institutionnelles», contre les institutions qui produisent, maintiennent et légitiment des monnaies est un moyen très «médiatique» d’attirer l’attention. Sauf que pour le moment, l’attention des médias est surtout attirée par les épisodes sulfureux qui ont été évoqués plus haut.

Le débat risque d’être accaparé par les escroqueries pendant que des questions « basiques » demeurent non posées : pourquoi 21 millions de Bitcoins et pas un de plus ? Pourquoi produire un Bitcoin toutes les 25 minutes ? Puisque chaque Bitcoin emporte dans sa transcription numérique toutes les transactions auquel il a contribué, puisque le processus « algorithmique » de la création de Bitcoin suppose qu’on ait intégré l’histoire « numérique et algorithmique » de tous les Bitcoins déjà créés, a-t-on imaginé les coûts attachés ? Une idée est fournie par ces commentaires tirés du blog « computricks » spécialisé dans l’univers « Bitcoin » : « Lorsqu'on débute avec le Bitcoin mining, il est important de comprendre qu'un ordinateur a très peu de chance de résoudre un problème mathématique diffusé par Bitcoin. C'est une question de hasard. Plus le matériel utilisé est puissant, plus il peut faire de tentatives par secondes, augmentant les chances de réussir. Toutefois sans acheter plusieurs milliers de dollars d'équipement, faire du Bitcoin mining seul peut nécessiter des semaines, des mois ou des années avant de toucher le moindre gain. » etc etc….

En somme, on aurait remplacé les conditions glaciales du Klondike de Charlot, et celles atrocement dures et meurtrières des orpailleurs de Guyane et d’autres lieux, par la glaçante complexité des calculs, par la lenteur du déploiement des algorithmes et par la prévisible nécessité de mobilisation de ressources considérables en matériels informatiques (quand va-t-on entendre parler de super-ordinateurs ?)

Ceci recouvre une incapacité à définir le niveau économique au sein duquel le système bitcoin est appelé à fonctionner. Quels types de transactions doivent être concernés ? De quelles opérations de compensation parle-t-on ? S’agit-il de micro-opérations, d’opérations de particuliers à particuliers. Certains auteurs parlent d’opérations de «garanties » (ce qui n’a absolument plus rien à voir avec des échanges monétaires) etc… Le Bitcoin vaut-il pour payer un timbre-poste comme un appartement. Comme la monnaie de banque finalement ! Pas mieux ! Pas plus vite ! Le Bitcoin serait un moyen idéal pour opérer des achats sur internet ? Est-il indispensable qu’une monnaie émerge pour régler ce qui constitue une part non négligeable des activités marchandes sur internet : les achats de musique ? Si le Bitcoin est une monnaie pour petites transactions de petits montants en très grand nombre, la complexité de la formule se justifie-t-elle ?

Monnaie universelle ou monnaie particulière ?

Ou bien, sans quitter le domaine des petites transactions, Le Bitcoin est-il émergence d’une monnaie pour les particuliers ? Les échanges dits commerciaux disposeraient d’un autre système de compensation des dettes et des créances (comme il en a existé en France et ailleurs : effets de commerce, échanges documentaires, lettres de crédit). Les échanges financiers purs et simples, ceux qui mettent en compétition les institutions monétaires et financières sur des marchés financiers pour leurs opérations dites « investissements », justifieraient l’emploi de monnaies particulières. D’autres monnaies apparaîtraient, financières, pour les grandes transactions financière internationales, pour le high speed trading…

Ainsi au lieu et place de la pluralité de monnaies dites de zones : livre, euro, dollar, yen et viendrait se substituer des monnaies de transactions : entre particuliers, entre entreprises, entre établissements financiers.

Le Bitcoin et ses propagateurs ont décidé de ne pas spécialiser leur « monnaie », de lui donner un lustre « patiné et ancien » celui de l’or, et de foncer dans le tas en brandissant l’étendard de la liberté monétaire, contre les banques avides de profits! C’est dommage! Ce faisant, le Bitcoin n’occupe pas un terrain essentiel, celui qui est relatif aux mécanismes effectifs et essentiels de la compensation des dettes et des créances de l’ensemble des agents économiques et le paradoxe de cet enthousiasme technologique vient de ce qu’il ne dit rien de ce qui aurait pu changer dans le processus d’achat et de vente entre les différents agents économiques en raison des mutations technologiques des 15 dernières années. En raison même des mutations prévisibles.

Rassurons-nous ! Si le Bitcoin rate cette marche-là, d’autres ne la rateront pas et sauront se souvenir qu’on peut trouver quelques idées intéressantes dans les processus et les protocoles liés au Bitcoin!

Le Bitcoin est-il de l'or numérique? 2ème partie

De l’or numérique ? Dans la première partie on a montré l’apparition de cette nouvelle monnaie alternative, originale dans un univers qui compte déjà beaucoup de monnaies originales. Cette dernière, malgré l’enthousiasme des geeks ne serait pas l’avatar d’une idée antique ?

De l’or numérique ?

Sa valeur peut monter et descendre de 20% un jour, 50% le lendemain etc … Ses thuriféraires disent avec ravissement « comme toute monnaie ! » ou, « c’est un des charmes de la jeunesse que d’être agile comme un cabri ». On nous raconte cette monnaie fantasque et rare avec des larmes de joie dans la voix. Comme chacun sait « ce qui est rare est cher », d’où on déduit sans peine, que cette monnaie étant rare, il n’est pas anormal qu’elle soit chère. Comme l’or.

Or et Bitcoin : les filous en commun ?

En fait, le bitcoin n’est pas autre chose que de l’or numérique. C’est pourrait-on dire aussi bête que l’or. On dit cela en pesant les mots parce que l’or n’est pas bête ! Ou plutôt ce qui est intelligent dans l’or c’est le monnayage : le processus selon lequel l’or devient un support de valeur accepté et reconnu. Un moyen par lequel un débiteur peut se défaire de sa dette et qui tient sa force de sa « tranquillité » : on ne peut pas le produire n’importe comment. Une fois produit il est stable chimiquement. On peut garantir sa qualité. Etc etc. Tout ceci est bien connu. Donc revenons sur les caractéristiques du bitcoin : il est rare. On ne peut le produire n’importe comment. Il est chimiquement pur et calibrable puisque sous-produit de logiciels qui le fabriquent petit à petit à coups de calculs que personne ne comprend. Il en est du bitcoin comme de l’or pour ce qui concerne sa « naissance ». L’or était vu par les anciens comme un produit qui avait maturé ainsi que le blé. La Terre le faisait venir lentement. L’or qu’on découvrait en éponge ou en paillettes était dit  « natif », venu au terme d’une longue gestation. Comme le bitcoin est natif : il aura fallu attendre que des milliers de calculs aient finalement conduit à son émission. Il vient des algorithmes comme l’or venait de la terre-mère des grecs.

Ainsi, se passionne-t-on aujourd’hui pour une monnaie qui n’est que la réplique cryptée de la vieille et bonne monnaie métallique ! On pouvait saboter la qualité de la monnaie « or » en truquant sur son poids, en jouant sur son titre, en usant de métaux qui brillaient pour rouler les sauvages, en rognant les pièces, comme aimaient le faire les rois de France. On pouvait aussi jouer sur son cours, contre l’argent par exemple… On pouvait voler les cassettes, détourner les pièces, tendre des pièges dans les bois. L’or n’était pas une monnaie facile, elle était rare, et bien souvent le numéraire manquait pour financer les échanges.

Comme le bitcoin. Rôdant dans les dédales du marché numérique, les voyous sont dans les bois. Ils ont déjà dévalisé plusieurs plateformes où s’échangeaient des bitcoins. Des fabricants faussaires ont créé des algorithmes tricheurs pour imiter les vrais bitcoins. Des filous ont proposé de faire tourner des ordinateurs tiers ou, mieux encore, d’autres escrocs ont réussi à détourner des puissances de calculs pour fabriquer les précieux bitcoins aux frais énergétiques des naïfs. Le klondike vous connaissez ? Cette région dans un désert glacé nord-américain qui vit la dernière ruée vers l’or, celle de Charlot. Des milliers de gens qui s’en furent miner, tamiser, fouiller, creuser pour trouver de la poudre et des paillettes d’or. Et quelques fois du mica qui y ressemblait fichtrement. Le Klondike numérique est arrivé. Un passionné de bitcoin aurait installé des ordinateurs superpuissants en Islande (pour refroidir plus facilement les machines peut-on supposer). Il s’agirait de « miner » du bitcoin à grande vitesse informatique. Comme on « minait » l’or du Klondike sauf que c’était moins rigolo et plus sale pour les mineurs et leur environnement.

Le bitcoin : une fausse révolution

Le bitcoin finalement, c’est comme l’or : pas plus que pour ce qui concerne l’or, la quantité de bitcoin n’est infinie ni sa production aisée et peu coûteuse. De fait, Le volume d’or disponible n’est pas considérable et les capacités de production de la terre entière « garantissent » que le volume monnayé restera honorablement stable. Plus intéressant, il possède avec l’or un principe commun : l’un et l’autre ne se créent pas à l’occasion d’échanges comme la vraie monnaie moderne. L’or « monétaire » a été une invention fort ancienne et géniale. Ses limites, la célèbre insuffisance de numéraire stimula de nouvelles inventions pour que la monnaie ne soit plus un frein dû à son insuffisante quantité.  « Inventer » une monnaie moulinée à partir de 0 et de 1 stockés dans une mémoire centrale ordinateur n’est pas très révolutionnaire comparée à celle qu’il fallait « orpailler » le long des ruisseaux ou arracher au fond des boyaux de mines. Sur le plan conceptuel : revenir au concept de la monnaie-or, c’est une régression de la pensée économique. On réinvente la roue en quelque sorte. Enfin, s’il y a quelque chose à inventer dans l’univers de la monnaie, ce n’est sûrement pas sur la base de mécanismes obscurs et inaccessibles à n’importe quel citoyen un peu curieux.

Ou bien ne s’agit-il que d’un vaste canular ! Ou un jeu qui appartiendrait à la même catégorie que l’usage « monétaire » des billes ou des cartes « pokémon » dans les préaux d’école. Vaste plaisanterie  ou madofferie d’un genre nouveau ? La Banque de France aurait tendance à craindre la deuxième branche de l’alternative. Ne soyons pas excessivement pessimiste et rêvons : pour relancer l’activité économique des pays dépressifs de l’entre-deux guerres, Keynes, qui n’aimait pas l’or pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus et d’autres encore, recommandait aux gouvernants de clamer que des gisements d’or demeuraient inexploités dans quelques montagnes de la planète. Ce serait faux bien entendu, mais, il importait peu que cela fût un mensonge : il s’ensuivrait des mouvements de foules (les mineurs), de capitaux (pour financer le matériel de mine) de commerce (pour approvisionner les mineurs et leurs pareils), de services (assurer l’acheminement aller et retour des mineurs et de leurs famille). Ainsi stimulées les économies retrouveraient le chemin de la croissance et pour une fois l’or aurait été utile.

Dans cette période difficile où les économies occidentales souffrent, pourquoi ne pas annoncer que des bitcoins demeurent tapies au fond des ordinateurs et de toutes les machines communicantes….

Ou bien, laissons à l’idée et à son mode opératoire original et technologique un mérite, celui de nous obliger, parmi toutes les innovations monétaires qui déferlent, à repenser la monnaie, son rôle et sa fabrication. Le bitcoin est-il une monnaie ou finalement une question opposée aux idées traditionnelles sur la monnaie ?


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