Pierre Mac Orlan, écrits sur la photographie

Pierre Mac Orlan

Ecrits sur la photographie

Editions Textuel

 

10. « La photographie est un art d’expression littéraire»(1929).C’est l’art le plus près de la littérature »


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 14. « Le fantastique des romantiques, nous parait très puéril. Leurs personnages ne sont pas assez humains [ … ]. Le diable n’est pas terrifiant sur la lande de Siboro, au milieu des sorcières, mais il peut l’être en apparaissant dans un petit cabaret de la zone dont le patron, par exemple, fait des réparations de bicyclettes ».


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15. C’est sans doute dans ce que Louis Aragon, en 1924, dans son livre « Paysan de Paris », appelle le « merveilleux quotidien » que le fantastique social de Mac Orlan trouve le plus d’échos. La même année dans son Manifeste du surréalisme, André Breton déclare, lui aussi, vouloir « faire Justice de la haine du merveilleux qui sévit chez certains hommes. De ce ridicule sous lequel ils veulent le faire tomber. « Tranchons-en, écrit-il, le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau. Il n’v a même que le merveilleux qui soit beau ».


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19. «Le pouvoir créateur de la photographie, écrit-il en 1932, est beaucoup plus puissant que la vision directe de I’ œil par la nature »


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19-20. « Ma présence, à cinq heures du soir dans cette rue large et courte, semblait avoir immobilisé la vie. Le spectacle de ces figures de cire perdues dans la brume pouvait faire naitre quelques idées. Je me hâtai de prendre plusieurs clichés, rapidement, à tout hasard. Puis je les fis développer. Ils étaient mauvais et me donnèrent des épreuves merveilleuses.


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20. à propos d’Atget : « La vision photographique s’associe très adroitement aux mœurs secrètes des choses. Elle en exagère souvent l’aspect tragique et fantastique »


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22. « La photographie …. est souvent un  départ pour l’aventure … C’est en ce sens qu’elle est une intarissable source de fantastique »


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23. « Des hommes et des femmes apparaissent dans le silence photographique qui rappelle celui de la mort humaine, mais sans  putréfaction »


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24. « Or le « surréalisme » de mes images ne fut autre que le réel rendu fantastique par la vision ».


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24. Dans ses romans, Mac Orlan a souvent raconté l’histoire de deux hommes, un français et un allemand, découvrant un « amas livide » sous une porte cochère au fond d’une rue sombre et mélancolique. «L’allemand, écrit-il, s’arrête et dit « Miséricorde, c’est un cadavre de femme coupée en morceaux ». Le Français, qui a horreur de ce genre de complications regarde dans la direction de l’amas et dit : « Non, je sais ce que c’est. C’est le tablier du jardinier posé sur un arrosoir »


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51. Nous allons tous, avec plus ou moins de goût, chez le photographe de notre choix. Il nous pare de ce que nous ne confions même pas à notre miroir. Mais sur la toile de fond, il faut distinguer le coin prédestiné où une petite tache rouge s’étale sur le sol. Une silhouette attend, une silhouette sans tête mais qui tient à la main le couteau du meurtre. Celui-là qui prêtera sa tête à cette gaminerie, ne sait pas si on la lui rendra.


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55. Il faut quelquefois chercher pendant dix heures la seconde unique où la vie, en quelque sorte, « est prise sur le fait ».


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55. La photographie est, à cette heure, l’art le plus accompli, propre à réaliser le fantastique et tout ce qu’il y a de curieusement inhumain dans l’atmosphère qui nous entoure et dans la personnalité même de l’Homme.


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56. Le goût pour les hypothèses catastrophiques fait partie, est un des éléments les plus caractéristiques de l’élément passif de l’humanité contre des forces actives dont il est difficile de prévoir le mode d’expression. Certaines photographies terrifiantes qui montrent l’humanité, après quelques siècles de lectures, d’inventions et de boniments sacrés, telle qu’elle est.


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56. Il faut contempler ces témoignages de l’activité sociale de ce temps et prolonger ses propres pensées jusqu’ à leur extrême limite. Afin de rechercher sur les mille visages qui composent une foule prise par un objectif sensible, les traces de sa propre fin, c’est-à-dire de sa propre inquiétude.


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59. On ne rencontre des apparences, pour la plupart dangereuses, que dans les endroits où l’homme a pour habitude de se débarrasser des éléments indésirables qui peuvent nuire à son existence. Les filles, par exemple, attirent les fantômes comme l’aimant attire l’acier. Dans les lieux prédestinés où elles exercent leur profession, les éléments fantastiques qui naissent de l’activité humaine se donnent rendez-vous.

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63. La plus grande force de la photographie, pour l’interprétation littéraire de la vie, consiste, à mon avis, dans le pouvoir qu’elle détient de créer la mort pour une petite seconde. Elle fait mourir tout ce qu’elle veut pour une durée si minime que les gens reviennent de l’au–delà sans avoir pris connaissance de leur aventure.


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66. C’est grâce à ce pouvoir incomparable de créer la mort pendant une seconde que la photographie va devenir un grand art qu’on ne peut comparer aux arts plastiques mais qui s’allie avec une singulière puissance à tout ce qui constitue l’aspect cérébral des choses. Le seul qui puisse compter puisqu’il commande à notre sympathie ou notre antipathie.


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66. Cette force révélatrice que la photographie porte en elle-même commence à être utilisée. L’objectif essaie de s’associer étroitement à la personnalité d’une intelligence humaine. La photographie est un art d ‘instinct. Un geste décisif ne peut guère se soumettre à des lois de composition et de rythmes comparables à celles qui régissent la plupart des arts plastiques.


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67. Être un témoin parfaitement organisé tel est l‘idéal de la plupart des hommes de ce temps.


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67. Le phonographe est un appareil à témoignages et l’objectif photographique, également. Ce dernier pénètre seulement depuis peu de temps dans le domaine fantastique de l’ombre. La lumière n’est pour lui qu’un moyen de fouiller l’ombre, d’en révéler les apparences cérébrales, les dangers, les larves qui la peuplent et qui sont les résidus et les poisons de notre combustion intellectuelle.


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69. La photographie n’offre pas seulement des reproductions d’images que l’on peut tenir pour des documents précis : elle révèle l‘aspect sentimental des hommes et des choses. En ce sens, l’image photographique est un témoignage infiniment plus psychologique que plastique.


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69. La photographie n’est pas un art de luxe. Ce n’est pas non plus un art populaire. C’est une apparition assez récente de la poésie dans un monde qui aime encore les poètes à la condition qu’ils ne soient pas absolument ceux qu’il a connus.


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 77. La création de notre outillage sentimental a été plus vite que l’adaptation de notre système nerveux à ses effets. La plupart d’entre nous montent en avion, il est vrai, mais avec des nerfs d’un vieux système qui ne sont pas encore associés, non seulement à l’avion lui-même, mais aux effets de la présence des avions sur notre manière de vivre.


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78. Il reste encore à créer une poésie de la publicité et une poésie du haut commerce.


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78. Car il est tout aussi agréable de faire entrer dans sa vie une belle voiture qu’un roman, fût-il un chef-d’œuvre.


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79. Car les formes à venir ne seront pas tracées par l’imagination des artistes mais par le progrès fatal de la vitesse et des sciences qui lui sont nécessaires.


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81. L’image vulgarisée par la photographie et la cinématographie est une grande pourvoyeuse de connaissances sentimentales. Elle se présente avec des garanties, souvent spécieuses de témoin indépendant.


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82. L’aventure, qui mène l’humanité vers sa fin à peu près imprévisible, ne se révèle aux hommes que dans l’immobilité. C’est ainsi qu’une vision photographique de certains détails du monde ne tarde pas à montrer la présence  de l’aventure dans un paysage qui la gardait soigneusement cachée pour des yeux humains La photographie d’une rue, celle d’un carrefour, d’une route ou d’un bord sont autant d’apparences pleines de secrets que l’observateur est libre d’interpréter à sa guise.


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84. La photographie me paraît être l’art expressionniste de notre temps. Je ne parle pas de la photographie quand elle s’associe au dessin dans des compositions montées d’un effet saisissant.


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86. Il n’en est pas moins vrai que l’art photographie est un art de soumission.  La vie lui impose ses projets, ses hypothèses parfois. L’objectif se venge en révélant, en découvrant ce que l’observateur le plus habile et le plus sensible ne voit pas toujours, à cause de ses deux yeux.

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86. Chaque époque connait le fantastique social qui lui est propre. L’étude de l’ombre s’enrichit de tous les déchets du jour. Le fantastique social habite la nuit des villes. Il s’émerveille de lumières relatives et donne à des vieux principes religieux un caractère populaire dont les séductions sont innombrables et légendaires.


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86. Ce n’est pas par l’architecture officielle que les villes opposent leurs personnalités, mais par cette indéfinissable apparence des rues populaires qui sont autant de petites chansons d’un patriotisme très délicat.


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87. Paris, si l’on veut bien le comprendre, est toujours le Paris de François Villon, c’’est aussi celui d’Atget.


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87. Un bon souvenir de la Madeleine ou de la Bourse, ou de la gare de l’Est est fait d’un tout petit détail quelquefois vulgaire mais toujours vivant. C’est à ce moment que la photographie se classe avec honneur dans l’échelle des valeurs littéraires et sentimentales.


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88. Si les lumières de ce Paris dont nous sommes les contemporains sont plus nombreuses et plus éclatantes, l’ombre qui est l’intelligence secrète de la lumière est encore peuplée.


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89. Les limites de la connaissance sont toujours aussi hypothétiques. La photographie se sert de la lumière pour étudier l’ombre. Elle révèle les peuples de l’ombre. C’est un art solaire au service de la nuit.


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94. Le phonographe est appareil de contrôle poétique. C’est un miroir poétique. Il ne peut être mis dans toutes les mains.


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100. La photographie est un témoin cruel. Son œil de cyclope possède l’ingénuité féroce des enfants qui voient tout et particulièrement les ridicules que l’on cache ou ne cache pas.


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103. Un mélange de candeur héréditaire et de saloperie acquise patiemment au contact des hommes donne à ce témoin gênant, qu’est l’objectif photographique, un tel choix d’expériences et de conclusions, qu’un album de photographies de famille devient quelque chose de plus émouvant que la nature elle-même, car il devient le complice de l’homme.


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107. Une orchidée, si on la compare à certaines images anatomiques d’une précision japonaise, peut être interdite par la censure : ce n’est alors qu’un enseignement de perdu.


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107. Le pouvoir créateur de la photographie dans une imagination un peu éduquée est beaucoup plus puissant que la vision directe de l’œil.


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111. La photographie est le grand art expressionniste de notre temps. A chaque époque son moyen d’expression. Les forces romantiques d’un cliché photographique sont de celles qui ne se mesurent point avec des mots. Elles appartiennent à un art divin et glacé conférant une sorte de mort violente à des visages et à des paysages normalement animés, et dévoilent d’insoupçonnables inquiétudes que le mouvement pouvait dissimuler.


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155. Car la photographie appartient plus à l’art Littéraire qu’elle n’appartient à l’art de peindre.


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