Gisèle Freund, citations dans "Photographie et société"

Dictionnaire des citations

Gisèle Freud: Photographie et société


6. Dans la vie contemporaine, la photographie joue un rôle capital. Il n’est guère d’activité humaine qui ne remploie d’une manière ou d’une autre. Elle est devenue indispensable à science comme à l‘industrie. Elle est à l’origine des mass media comme le cinéma, la télévision et les vidéocassettes. Elle s’étale journellement dans les milliers de journaux et de revues.


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6. Son pouvoir de reproduire exactement la réalité extérieure - pouvoir inhérent à sa technique - lui prête un caractère documentaire et la fait apparaître comme le procédé de reproduction le plus fidèle, le plus impartial de la vie sociale.


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11. Le portrait photographique correspond à un stade particulier de l’évolution sociale : l’ascension de larges couches de la société vers une plus grande signification politique et sociale. Les précurseurs du portrait photographique surgirent en relation étroite avec cette évolution.


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13. II y avait à Marseille, vers 1850, tout au plus quatre à cinq peintres en miniature. Au nombre desquels deux à peine jouissaient d’une certaine réputation en exécutant une cinquantaine de portraits environ par an. Ces artistes gagnaient tout juste de quoi subvenir à leur existence et à celle des leurs. Quelques années plus tard, il y avait dans cette ville de quarante à cinquante photographes dont la plupart se livraient à l’industrie du portrait photographique et en retiraient des bénéfices plus rémunérateurs que ne l’étaient ceux des peintres miniaturistes en renom.


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21. Le 15 juin 1839, un groupe de députés proposa à la Chambre que l’État se rendit acquéreur de l’invention de la photographie et la rendit publique. Ainsi, la photographie se trouvait transportée dans la vie publique.


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24. Arago… il fut donc le premier à reconnaître l’extraordinaire importance que la photographie était appelée à prendre dans les sciences, dans les arts, et dans d’autres domaines encore. C’est ce qui lui fit proposer, à la Chambre des Députés l’acquisition par l’Etat de la photographie. Il faut souligner que, si Arago encourageait la photographie, c’était surtout en considération de son utilité scientifique.


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27. A trois heures, une véritable émeute encombrait les portes de l’institut, tout Paris se pressait sur les bancs réservés au public. La présence de savants étrangers prouva quel intérêt considérable l’invention avait soulevé en si peu de temps, bien au-delà des frontières françaises. Arago lui-même exposa en détail la technique du procédé.


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30. En 1846. La vente annuelle à Paris était d’environ 2 000 appareils et de 500 000 plaques. Le nombre des intéressés était encore restreint à cause du prix.


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31. On a estimé qu’il y avait en 1850 déjà deux mille daguerréotypistes. En 1853, on évalue à trois millions les photos prises par an. La production totale entre 1840 et 1 860 était de plus de trente millions de photos.


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35.  Au moment de l’invention de la photographie, commença une évolution au cours de laquelle l’art du portrait, sous les formes de la peinture à l’huile, de la miniature, de la gravure, tel enfin qu’il était exercé pour répondre à la demande de la bourgeoisie moyenne, fut presque complètement évincé. Cette évolution se fit avec une si extraordinaire rapidité, que les artistes qui travaillaient dans ces derniers genres perdirent presque tous leurs moyens d’existence. Ce fut parmi eux que se recrutèrent les premiers de ceux qui s’adonnèrent à la nouvelle profession. Et les artistes qui, la veille encore, attaquant la photographie comme l’instrument d’un métier « sans âme et sans esprit » et n’ayant rien de commun avec l’art, ceux-là mêmes, quand la nécessité économique eut brisé leur opposition, se virent contraints d’adopter la nouvelle profession.


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35. Les expériences des métiers qu’ils avaient abandonnés les servirent. C’est en effet non seulement, à leurs qualités d’artistes, mais aussi à leurs capacités d’artisans, qu’on doit la haute qualité de leur production photographique.


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42.  Nadar fut le premier à découvrir le visage humain  par l’appareil photographique. Ce que poursuit Nadar ce n’est pas la beauté extérieure du visage ; il cherche surtout â faire ressortir l’expression caractéristique d’un homme.


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59. Le métier de photographe attirait surtout, par le peu de connaissances qu’il réclamait toutes sortes d’individus privés de bases sûres d’existence, issus de la masse indéfinie des ratés, et incapables, faute de culture, d’atteindre des carrières plus élevées.


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59. (vers 1852-1853) Au centre de Paris, Boulevard des Italiens, un nouvel atelier photographique ouvre ses portes un homme du nom de Disderi s’y établit. Il eut une idée géniale, réduisant le format, il créa le portrait carte de visite. Par ce changement radical des formats et des prix, il rendit la photographie définitivement populaire.


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67. La retouche fut un fait décisif dans le développement ultérieur de la photographie. C’est le commencement de sa déchéance, car son emploi inconsidéré et abusif éliminant toutes les qualités caractéristiques d’une reproduction fidèle, elle dépouilla la photographie de sa valeur essentielle.


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69. … l’exigence primordiale du client vis-à-vis du photographe, c’est d’être flatté. Voilà pourquoi Disderi propose qu’il faille trouver la plus grande beauté dont le modèle soit susceptible qu’il s’agisse d’art et que l’art cherche la beauté. C’est la satisfaction de cette exigence qui fait du photographe un homme populaire et garnit les albums familiaux.


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71. L’Église prit également position : très hostile à l‘origine. Elle inspirait à un journal allemand de 1839 le passage suivant : « Vouloir fixer de fugitifs reflets, est non seulement une impossibilité en Allemagne, mais le vouloir confine au sacrilège, Dieu a créé l’homme à son image et aucune machine humaine ne peut fixer l’image de Dieu : il lui faudrait trahir tout à coup ses propres principes éternels pour permettre qu’un Français, à Paris, lançât dans le monde une invention aussi diabolique»


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77. Lamartine : «  La photographie, contre laquelle j’ai lancé un anathème, inspiré par le charlatanisme qui la déshonore en multipliant les copies, la photographie, c’est le photographe. Depuis que nous avons admiré les merveilleux portraits saisis à un éclat de soleil par Adam Salomon, nous ne disons plus que c’est un métier : c’est un art ; c’est mieux qu’un art. C’est le phénomène solaire où l’artiste collabore avec le soleil. »


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77. pour Ingres, la photographie était haïssable, au même titre que ces artistes modernes, profanateurs du «temple sacré de l‘art»… « Maintenant on veut mêler l’industrie à l’art, L’industrie ! Nous n’en voulons pas ! Qu’elle reste à sa place et  ne vienne pas s’établir sur les marches de notre école d’Apollon, consacrée aux arts seuls de la Grèce et de Rome ».


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78. Pour Baudelaire, la photographie devenait prétexte à un défi mordant à l’adresse de «cette classe des esprits non instruits et obtus qui jugent les choses seulement d’après leurs contours »… « La société immonde se rua comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. L’amour de l’obscénité qui est aussi vivace dans le cœur naturel de l‘homme que l’amour de soi-même ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire »


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78.  La photographie ne représentait aux yeux de Baudelaire qu’une « invention due à la médiocrité des artistes modernes et le refuge de tous les peintres manqués »


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78. Baudelaire : «  Je crois à la nature et je ne crois qu’à la nature … Je crois que l’art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature. Ainsi l’industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l’art absolu. Un dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude, Daguerre fut son messie. Et alors, elle se dit : puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d’exactitude (ils croient cela les insensés !) l’art, c’est la photographie».


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79.  Delacroix rejetait la photographie en tant qu’œuvre d’art, l’essentiel, à son point de vue, n’était pas la ressemblance extérieure, mais l’esprit. Le portraitiste doit nous montrer plus que nous n’avons coutume de voir. « Examinez les portraits faits au daguerréotype : sur cent, il n’y en a pas un de supportable, car, bien plus que la régularité des traits, concluait-il, nous surprend et nous enchante la physionomie que nous percevons du premier coup d’œil et que jamais ne percevra un appareil mécanique.


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80.  Cependant que la plupart des artistes refusaient à la photographie la valeur de l ‘art, cette nouvelle technique enchantait les peintres du juste milieu. Considérant leur façon de peindre, on comprend pourquoi, justement pour eux, la photographie est un art nouveau, ou tout au moins un inestimable auxiliaire. Delaroche s’écriait, en voyant les premières photographies : «à partir d’aujourd’hui la peinture est morte ».


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83. Presque tous les artistes ont refusé à la photographie la dignité d’œuvre d’art. Diverses considérations esthétiques ainsi qu’une certaine appréhension de la concurrence ont beaucoup contribué à ce jugement…. Les photographes, à l’encontre des artistes, étaient unanimes : la photographie se rattachait à l’art et non à l’industrie : cette façon de voir les choses leur donnait en effet beaucoup plus de crédit auprès du public…. Ces différentes attitudes devinrent prétexte à de nombreux procès où la question art ou industrie camoufle en réalité une concurrence acharnée.


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84. Les décisions des tribunaux étaient mitigées. Dans un de ces procès devenu célèbre, celui des photographes Mayer et Pierson contre les photographes Bethéder et Schwabbe. qui passait par plusieurs instances, il fut finalement décidé que la photographie devait être reconnue comme une œuvre d’art.


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85. Le métier du portraitiste photographe prit un très grand essor dans les dernières décennies du XIXème siècle. En 1891, existent en France plus de mille ateliers et la photographie qui occupent plus d’un un demi-million de personnes. La valeur globale de la production s’élève à environ trente millions de francs-or.


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85. vVrs la fin du siècle, apparaissent des appareils de manipulation plus facile, « Pressez sur le bouton, nous faisons le reste», fut la célèbre devise de Kodak qui devait révolutionner de fond en comble le marché de la photo. Des centaines de milliers de gens qui s’étaient rendus naguère chez le photographe professionnel pour se faire portraiturer, commencèrent à se photographier eux-mêmes. La photographie d’amateur prit un grand essor. Le commerce y trouve des bénéfices énormes.


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87. Les photographes croyaient donner une note artistique à leurs épreuves s‘ils effaçaient ce qui est justement caractéristique de l’image photographique, sa netteté. Le style impressionniste dans la peinture a joué un rôle important dans cette évolution. Plus la photographie paraissait un substitut de la peinture, plus le grand public peu cultivé fa trouvait « artistique ».


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87. A cette époque de la déchéance artistique vivent deux amateurs qui, avec le recul du temps, vont prendre dans l’histoire de la photographie des figures de géants. Tous les deux sont issus d’un milieu modeste. L’un est le parisien Eugène Atget. L‘autre le berlinois Heinrich Zille. Atget nait en 1857 et Zille en 1858.


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89. Si Atget a photographié surtout des rues vides. Zille ne s’intéresse qu’à ses habitants. Au marché, ce ne sont pas les étalages qui attirent son regard, mais les bonnes femmes en train de faire leurs provisions. A la foire, il ne photographie pas les attractions, mais les spectateurs…. Quarante ans avant Brassaï, il photographie des graffiti et des inscriptions amusantes sur les enseignes des boutiquiers. L’idée ne lui vient jamais d’exposer ces photos. D’ailleurs personne à cette époque ne leur aurait attribué la moindre valeur, encore moins lui-même ou un membre de sa famille. C’est pour cette raison que ces photos furent découvertes si tardivement.


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93. Une miniature peut sembler aussi grande que l’immense sculpture du David de Michel-Ange à  Florence. «La reproduction a créé des arts fictifs en faussant systématiquement l‘échelle des objets, en présentant des empreintes de sceaux orientaux et de monnaies comme des estampes de colonnes, des amulettes comme des statues », constate Malraux, dans le Musée imaginaire.


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102. L’introduction de la photo dans la presse est un phénomène d’une importance capitale. Elle change la vision des masses. Jusqu’alors, l’homme ordinaire ne pouvait visualiser que les événements qui se passaient tout près de lui, dans sa rue, dans son village, Avec la photographie, une fenêtre s’ouvre sur le monde.


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105. Pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Des centaines de photographies furent prises et, durant la courte existence de la Commune, ses défenseurs se laissaient volontiers photographier sur les barricades. Ceux qui furent reconnus d’après ces images par les policiers de Thiers, furent presque tous fusillés. Ce fut la première fois dans l’histoire que la photographie servit d’indicateur de police.


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104. (en)… 1870 débarqua en Amérique un Danois de 21 ans. Jacob A. Riis. Quelques années plus tard, il devint journaliste à la New York Tribune. Il fut le premier à se servir de la photographie comme instrument de critique sociale pour illustrer ses articles sur les conditions de vie misérables des immigrants dans les bas quartiers de New York. Son premier livre « How the other Half lives » (Comment vit l’autre moitié) parait chez Scribner à New York en 1890 et remue profondément l’opinion publique…. C’est la première fois que la  photographie devient une arme dans la lutte pour l’amélioration des conditions de vie des couches pauvres de la société.


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105. Les formalistes, chargés de faire l’article, avaient des difficultés à les faire admettre. Aucune de ces photos n’était signée par leurs auteurs et le statut du photographe de presse fut considéré pendant presque un demi-siècle comme inférieur, comparable à celui d’un simple serviteur auquel on donne des ordres, mais qui n’a aucune initiative.


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107. La tâche des premiers reporters photographes de l’image était de faire des photos isolées pour illustrer une histoire. Ce n’est qu’à partir du moment où l’image devient elle-même l’histoire qui raconte un événement dans une succession de photos, accompagnée d’un texte souvent réduit aux légendes seules, que débute le photojournalisme.


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109. Dans toutes les grandes villes allemandes paraissent des illustrés. C’est le début de l’âge d’or du journalisme photographique et de sa formule moderne. Les dessins y disparaissent de plus en plus pour faire place aux photographies qui reflètent l’actualité.


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109. Le photographe n’appartient plus à la classe des employés subalternes, mais est sorti lui-même de la société bourgeoise ou de l’aristocratie qui a perdu fortune et position politique, mais qui garde son statut social.


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111. Le plus célèbre parmi ces photographes est le Docteur Erich Salomon. Salomon tient à être appelé «Herr Doktor, il connaît la psychologie de ses concitoyens. … Des photographies sans flash étaient devenues possibles. Salomon sera le premier qui tentera l’expérience de photographier des gens à I’ intérieur sans qu’ils s’en rendent compte. Ces images seront vivantes parce qu’elles ne sont pas posées. Ce sera le début du photojournalisme moderne. Ce ne sera plus la netteté d’une image qui lui donnera de la valeur, mais son sujet et l‘émotion qu’elle suscitera.


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113. Salomon : « L’activité d’un photographe de presse qui veut être plus qu’un artisan, est une lutte continuelle pour son image. Comme le chasseur est obsédé par sa passion de chasser. Ainsi, le photographe est obsédé par la photo unique qu’il veut obtenir. C’est une bataille continuelle. II faut se battre contre les préjugés qui existent à cause des photographes qui travaillent encore avec des flashes, se battre contre l‘administration, les employés, la police, les gardiens: contre la mauvaise lumière et les grandes difficultés qui existent à faire des photos des gens qui sont en mouvement.


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135. Life. Un premier numéro parait le 23 novembre 1936. Tiré à 466 000 exemplaires. Il dépasse un an plus tard le million pour être tiré à plus de 8 millions en 1972. Son succès fut unique et sa formule imitée un peu partout dans le monde. L’idée était dans l’air depuis des années et sa réalisation se fit sous des influences diverses : d’abord l‘évolution du film. Dès les premières décennies du XXème siècle, il avait dépassé le stade du vaudeville, et attirait tous les jours des millions de spectateurs au cinéma ; l’image devient familière et forme le regard. Le nouveau style de photojournalisme introduit par les illustrés allemands au début des années trente, repris un peu plus tard par la revue Vu en France, eut une influence profonde sur les créateurs de Life. Ils s’en inspiraient pour raconter des histoires entièrement en séquences de photos.


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140. Le monde qui se reflétait dans Life était plein de lumières avec peu d’ombres. En somme c’était un pseudo-monde qui inspirait de faux espoirs aux masses. Mais il est vrai que Life a vulgarisé les sciences, ouvert des fenêtres vers des mondes inconnus alors, éduqué les masses à sa façon et contribué à faire connaître l’art.


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154. Capa : « Avant-guerre, la vente et les achats de titres à la Bourse de Paris se passaient encore en plein air sous les arcades, un jour, j’y faisais tout un ensemble de photos, prenant comme cible un agent de change. Tantôt souriant, tantôt la mine angoissée. Epongeant son visage rond. Il exhortait les gens à grands gestes.  J‘envoyai ces photos à divers illustrés européens sous le titre anodin : «instantanés de La Bourse de Paris». Quelque temps plus tard, je reçus des exemplaires d’un journal belge et quel ne fut pas mon étonnement de découvrir mes photos sous une manchette qui portait : « Hausse à la Bourse de Paris, des actions atteignent un prix fabuleux». Grâce aux sous-titres ingénieux, mon innocent petit reportage prenait le sens d’un événement financier. Mon étonnement frisa la suffocation quand je trouvai quelques jours plus tard les mêmes photos dans un journal allemand sous le titre, cette fois, de « Panique à la Bourse de Paris. Des fortunes s’effondrent, des milliers de personnes ruinées ».


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189. La photographie occupe aujourd’hui des dizaines de milliers de photographes professionnels, les œuvres d’un certain nombre émergent par leur qualité documentaire, leur sens artistique et leur esprit inventif. Parmi les tendances actuelles, on peut distinguer deux grands courants : les photographes pour lesquels l‘image est un moyen d’exprimer, à travers leurs propres sentiments, les préoccupations de notre temps, ils se sentent concernés par les problèmes humains et sociaux, ce sont des engagés. Pour d’autres la photographie est un moyen de réaliser leurs aspirations artistiques ».


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190.  Après un siècle de discussions pour savoir si la photographie est un art, Moholy la remet à sa place véritable. « La vieille querelle entre artistes et photographes afin de décider si la photographie est un art, est un faux problème. Il ne s’agit pas de remplacer la peinture par la photographie mais de clarifier les relations entre la photographie et la peinture d’aujourd’hui, et de montrer que le développement de moyens techniques, issus de La révolution industrielle, a contribué matériellement à la genèse de formes nouvelles dans la création optique». Jusqu’alors, les interprétations de la photographie ont été influencées par les conceptions esthétiques et philosophiques concernant la peinture. Il s’agit de reconnaître les lois particulières de la photographie. La lumière en elle-même doit être regardée comme créatrice des formes.


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191. Aujourd‘hui, nous assistons dans la peinture à un mouvement inverse qui s’efforce de créer l’art en se servant des moyens techniques de la photographie. Il ne s’agit plus de coller une photo au milieu d’une peinture, comme l’ont fait les cubistes et les surréalistes, mais de peindre avec les yeux de la caméra.

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