Spéculateurs en monnaies cryptées : entre manipulés et manipulateurs

 Paru dans les Echos

 

 

 

Bitcoin et dogecoin, des monnaies cryptées dont les cours, par la grâce d’Elon Musk, explosent et qui, par un revirement d’opinion, (un repentir ?) du patron de Tesla et de SpaceX, dégringolent dramatiquement. Que retenir de ces séances où le ridicule renvoie les monnaies cryptées à ce qu’elles sont des aventures fantasmatiques.

 

 

Elon Musk est un homme exaspérant, parce qu’il est fascinant ? Capable d’envoyer ses voitures tutoyer le soleil, ses fusées à la rencontre des étoiles et de repousser la nouvelle frontière jusqu’aux confins de Mars, il est aussi capable d’envoyer vers les sommets quelques indices boursiers (ceux des entreprises qui le concernent) et quelques indices monétaires (qui en principe ne le concernent pas).

 

Influenceurs, manipulateurs, même combat ?

 

Mais, aussi, et c’est le propre des donneurs d’opinions et des influenceurs modernes, il peut provoquer des plongeons après avoir déclenché des ascensions. Les récentes aventures du Bitcoin et du dogecoin en sont une illustration si limpide qu’on finit par se demander ce que cela cache !

 

Un milliard de dollars, voilà le gain que Tesla dit avoir comptabilisé en investissant massivement dans le bitcoin. On imagine que l’entreprise s’était procuré cet actif financier bien avant que le mouvement de hausse ait été enclenché. Mais, une fois qu’Elon Musk s’est prononcé, les cours ont semblé n’avoir plus avoir de limites. 50 000 dollars par bitcoin fut franchi, puis 60 000. Les pronostics, annonçant le bitcoin à 100 000 puis certainement, une fois cette barrière franchie, à 500 000 prenaient une consistance.

Fallait-il s’en étonner ? Le bitcoin n’était-il pas depuis ce temps où il franchit « les 20 000 » la monnaie du futur, celle que le monde attendait depuis que l’or avait été démonétisé ?

 

Toujours sous les auspices d’Elon Musk, devenu gourou « es-monnaies cryptées », le dogecoin, une plaisanterie d’e-potaches, est devenu un must pendant quelques jours et s’est mis à flamber. Les inventeurs du dogecoin n’avait pas d’autre intention que de rire et indirectement de montrer que créer une crypto-monnaie, c’est facile, et que donner un prix à une valeur inutile et creuse, était du domaine du réalisable. Les optimistes diront qu’un sourire ou un rire méritaient bien une monnaie dédiée, les pessimistes diront que c’est la preuve que tout se vend et que tout s’achète, y compris, le rien, l’inutile et le vent.

 

Pour preuve, ce communiqué de presse annonçant qu’un patron de Goldman Sachs quittait la banque : grâce au l’explosion des cours du dogecoin, il était devenu milliardaire !!!

 

« Ce que l’homme a fait, il peut le défaire » 

 

Le dogecoin n’a pas pu résister à une blague du gourou lors d’un sketch du Saturday Night Live, une émission TV en compagnie d’acteurs : « Est-ce une arnaque ? » oui, c’est une arnaque !!! » ! Résultat, le cours plongeait de 30 %. Il avait élu le bitcoin monnaie de paiement des voitures Tesla et déclenché une nouvelle flambée des cours. Quelques jours après, il faisait volte-face. La cause ? Il venait de découvrir que le minage des bitcoins était un gigantesque gâchis écologique : en cause une consommation folle d’électricité.

 

Le cours des monnaies entre « grand fou » et « Panurge »

Les petites histoires des petites monnaies n’auraient pas beaucoup d’intérêt si, au travers des déconvenues des porteurs de bitcoin et de dogecoin, ne se manifestait pas un monde de spéculateurs entre grands fauves et petits pigeons.

 

Les variations de cours, qui reposent sur des blagues ou des déclarations à l’emporte-pièce d’influenceurs plus ou moins solides, montrent qu’en effet, et parfois caricaturalement, les monnaies reposent sur deux fondamentaux que sont la croyance et la confiance.

 

Dans le débat sur les crypto-monnaies, le bitcoin en particulier et les ICOs pendant quelques temps, la théorie dite du « greater fool » a été citée à de nombreuses reprises, venant compléter la théorie du Mouton de Panurge.

 

Il s’agit-là de « rationaliser » des comportements perçus comme irrationnels. D’un côté, la théorie du mouton de Panurge (ou « pro-cyclicité » ) où la foule des acteurs (sociaux, villageois, économistes…), suit passivement un mouvement économique,  les idées d’un leader ou d’un groupe de tête donnant implicitement ou explicitement la direction à suivre. De l’autre côté, la théorie du « Greater fool » soit l’aptitude des agents à s’auto-leurrer. Si le déroulement s’apparente au précédent. L’étincelle initiale est tout autre et montre que des valorisations irrationnelles s’appuient sur des stratégies rationnelles.

 

Les réglementations imposées au monde de la finance et des marchés ont, très logiquement et nécessairement, pour objectif de protéger les acteurs du marché les uns contre les autres et en particulier les faibles contre les forts. S’il est certain que M. Musk n’a jamais eu l’intention de « manipuler » les cours des deux monnaies citées, il est non moins certain que le résultat est là qui oblige à y penser. Les spéculateurs à la petite semaine, qui ont vu leurs « placements » s’effondrer de 30% en l’espace d’une heure parce que M.Musk voulait faire des blagues, ne peuvent pas les avoir trouvées drôles.

 

 

Peut-être leur objectera-t-on qu’étant atteints du syndrome FOMO (fear of missing out) ,  « la peur de rater quelque chose » leurs plaintes sont mal fondées. En Français on dira qu’ils sont coupables au titre du « ils n’avaient qu’à pas y aller !!! ». Beau débat en perspective !

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