Ah les coups de
gueule…! Avant on avait, « glaçant », « clivant », « décapant », « taclant ». Pour animer le net, on a trouvé des
mots qui sonnent. « Il faut frapper » disent les écoles de journalisme. Si vous ne frappez pas, dès les premières lignes, dès les
« headlines », vous ne serez pas lu. Il faut cogner les gars, le lecteur est un endormi télévisuel, un shooté aux « j’aime », « j’aime
pas », il faut le provoquer, il faut des réactions. Et il ne réagira pas dans le consensus, le mou, l’adhésion ! c’est fini. On est dans une vraie
société dure où les hommes et les femmes et leurs variantes, genrées, déjantés, trans, de tous poils, doivent se faire une place. Alors, la gueule, tu ne te
contentes pas de la faire, tu frappes avec ou dessus, tu donnes des coups de gueule.
Le grand chef étoilé pousse son coup de gueule, et Bigard, le nouveau phénoménologue, pousse de grands coups de gueule, et la maire de Marseille, qui n’avait pas
compris que l’explosion de covid lui vaudrait des fermetures de café/ restaurant, elle pousse un coup de gueule. Autrefois, seul Johnny s’attardait sur un truc du
genre « hé ma gueule, qu’est-ce qu’elle ma gueule ». Aujourd’hui tout le monde y va de son coup de gueule.
Mais attention, on ne fait pas le coup de gueule, tout seul dans son coin, dans son appart et dans sa bagnole. Ce n’est pas parce qu’on a envie de pousser un coup
de gueule qu’il faut le faire dans la rue, au restau, ou pire au bureau, ou sur un chantier du RER. Pour qu’un coup de gueule soit un vrai coup et pas un flop, il
faut savoir le faire au bon moment. Et même ! ça ne suffit pas. Pour qu’un coup de gueule soit un vrai coup de gueule il faut avoir le droit de le pousser. Le
coup de gueule d’un Dupont ne vaut que s’il est Moretti. Le numéro 2 de la République en Marche, a décidé de s’en aller parce que personne n’entendait ses
coups de gueule. (il est vrai que personne ne savait qu’il y avait un numéro 2 chez LREM). Les coups de gueule, il ne faut pas se leurrer, c’est pour le spectacle.
On a dit qu’il ne fallait pas se louper dans le timing, il faut encore moins se bercer d’illusion dans le casting.
Dupont-moretti a une vraie gueule à coups de gueule et il a la voix, puissante et qui cogne. Douste Blazy poussant un coup de gueule, çà ressemblerait davantage à
de la flute à bec. Il y a bien La Méluche ! Il aime à laisser penser qu’il fait des coups de gueule. « Si, si , il dit , je peux faire un coup de
gueule ! ». Personne n’a trop envie de lui en donner l’occasion, ni les journalistes de terrain, ni Marie-Caroline, qui est pourtant une des
« grandes » du Micro-trottoir : Mélenchon quand il gueule, il ne peut pas s’empêcher de produire bave et postillon en grandes quantités. Ses coups
de gueule sont genre « liquide » (Ti-punch depuis qu’il est créole).
Et puis, il y a les malins, les gars qui savent qu’ils ne savent pas gueuler. Ils n’ont pas la trogne; ils n’ont pas la voix. Bedos (père) ne donnait pas dans
le coup de gueule. Il se lamentait. Il jouait le minable (très bien et sans effort). Il incarnait le populo « loser ». Il avait même réussi à se
fabriquer une tête qui dégoulinait en harmonie avec un phrasé un peu boueux. Il est vrai aussi qu’à la fin de sa vie (qui avait commencé au beau milieu de ladite),
il avait été abandonné par les idées. Elles ne voulaient plus risquer la noyade dans ces déversements.
Allez, finalement, je préfère le bon coup de gueule, solide et chaleureux.
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