Soliloque sur le Vaste Monde

Il est très beau le catalogue des armes « Beretta Gallery ».

 

 

J’ai enfin reçu le catalogue des armes « Beretta Gallery ». Il est très beau. Certains esprits mal tournés imagineront un rapport symbolique entre sexe et fusil, carabines et autres instruments dédiés à ces armes. Laissons les grincheux à leurs grincheries et profitons de ce moment rare où un beau catalogue vous est envoyé gratuitement. Les armes sont en quantité. Leur esthétique est travaillée. Elles sont sculptées, gravées, décorées. On peut y ajouter des viseurs sophistiqués, des lunettes bientôt équipées d’intelligence artificielle. Il y a même des armes pour gaucher.

 

A y réfléchir, je ne sais pas trop bien pourquoi j’ai été l’heureux destinataire de ce magnifique document. Peut-être a-t-on su que j’étais gaucher ? Ma façon de taper sur mon clavier, les fautes les plus fréquentes qui trahissent une petite anomalie mentale ? Peut-être grâce à l’intelligence artificielle a-t-on repéré le signal faible qui me concerne? par exemple, n'ai-je pas été longtemps un passionné du « catalogue de la Manu » ?

 

C’est l’occasion de revenir sur ma conception des « signaux faibles »: ceux-là qui sont émis dans des domaines très disparates, parfois biscornus, voire farfelus. Il en est, pourtant discrets, qui parlent directement de l’origine des gens: origines sociales, géographiques, mentales. Il suffit d’une légère distorsion de prononciation pour faire apparaître un infime détail jusque-là caché: il suffit d’un signal faible. Un exemple verbal ? Le mot « cote » par exemple est un merveilleux signal faible. Combien de fois ai-je entendu évoquer la « côte » des valeurs mobilières ? Combien de fois m’a-t-on expliqué que monter la « cote » en direction de tel village n’est pas une mince affaire ! Ces signaux en disent beaucoup sur l’origine des gens et, parfois, sur leurs orientations morales. Ils permettent d’aller vite à des conclusions que des années de réflexion raisonnable n’auraient pu atteindre.

 

Pourtant, on peut revivifier des signaux faibles et certains signaux faibles peuvent dégénérer en signaux forts.

 

En prologue, on a évoqué le « catalogue de Beretta ». Parmi les signaux faibles qu’il peut avoir réveillé, (chez votre serviteur en tout cas) on trouverait les catalogues de la Manufacture des Armes et Cycles de Saint Etienne. Des collections de ces catalogues sont encore entassées en province, dans de vieilles malles couvertes de poussière . On ne les jetait pas, cela pouvait servir. Evidemment, avec le temps, ils perdaient de leur pertinence et, au bout d’une vingtaine d’années, laissaient voir que le monde avait changé .

 

Peu importe ! Les carabines restaient à peu près les mêmes et les fusils avaient souvent deux coups. Ils étaient magnifiques. Leurs culasses étaient damasquinées (mais cela coutait plus cher) et parmi les bois dont étaient faites les crosses, le noyer l’emportait, dur, résistant qui se sculptait facilement. Je n’ai jamais chassé de ma vie, je n’ai jamais tiré avec un fusil ni une carabine, mais je m’imprégnais du catalogue de Saint Etienne, quittant l’armurerie pour aller trouver la pêche et tous ses accastillages, ses mouches, ses moulinets et finalement tant de choses qui renvoyaient à l’armurerie. Ce souvenir est le parfait signal faible dont je ne savais pas qu’un jour ou l’autre, il me démasquerait, rappelant quelques origines provinciales, faisant tomber des pans entiers de mon arrogance parisienne.

 

Ce signal faible est réapparu au moment même d'une actualité atroce. Ce qui n’était que rêverie sur des images roussies et des pages fragiles devenait d'un seul coup une réalité prenant des aspects de banalité sinistre: un enfant de 14 ans venait d'abattre sur commande un pauvre type qui n’y pouvait rien. Les images de carabines et de fusils ne font plus partie des rêveries sur catalogues mais de la réalité. Ce ne sont plus des supports à l’imagination mais des outils qui ne sont destinés ni à la chasse, ni aux fêtes foraines mais à massacrer ses prochains.

 

C’en est vraiment fini de ces rêveries autour de la « Manu ». L’entreprise elle-même a disparu depuis longtemps et avec elle ses catalogues. On ne peut plus passer du fusil à canons superposés aux filets de pêche, aux mouches pour la pèche à la ligne ou à la canne. Les catalogues d’armes décrivent des outils. Les outils sont faits pour les ouvriers. Les bons ouvriers font leur boulot. Ils tuent. Une arme, ça sert à ça.

 

Je viens de recevoir le catalogue « Beretta Gallery. Voilà un signal fort!

 

Le bistrot et l’âge des hommes politiques

 

Nous ne nous rendons pas toujours compte du lent processus de la formation de nos esprits (et encore moins des processus de déformation). Et pourtant, on peut le voir à l’œuvre, sans cesse sollicité, dans des configurations infimes. Pensez à ces reflexes mentaux venus tout droit de notre histoire intellectuelle et des histoires qui en ont été dérivées. Ces phrases toutes faites qui, à la fois, contraignent notre pensée et la soutiennent dans certains moments d’hésitations intellectuelles.

« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ; Ce siècle avait deux ans ; Qu’il est joli garçon l’assassin de papa etc ; Du beau du bon Dubonnet ; le veau d’or est toujours debout ; no pasaran  ; j’y suis j’y reste » etc…

 

Des collections de dizaines de pensées toutes faites viennent souvent au secours d’une panne de pensée ou, au contraire, pour conférer une autorité à une pensée qui en manque.

 

C’est ainsi que j’ai été mentalement sauvé par un très beau poème de Verlaine. Il faut décrire la situation et les conditions du sauvetage.

 

Pour une raison quelconque, j’avais convenu d’un rendez-vous et, arrivé en avance, j’avais voulu profiter d’un moment paisible dans cette partie de Paris qu’on a si justement nommée la nouvelle Athènes. Décision intelligente, censée ou paresseuse ? Toujours est-il que j’avais trouvé place Saint Georges, dans le IXème arrondissement, un emplacement idéal pour commander une tasse de café et laisser mon esprit vaquer à ses occupations personnelles. Il faut, parfois, savoir lâcher la bride à nos sens et regarder devant soi sans chercher à voir, écouter sans avoir l’intention d’entendre, rêver sans intention de penser etc .

 

Donc, ayant lâché mon regard et lui ayant permis de vagabonder selon ses goûts et ses passions, le voilà qui revint paisiblement vers moi, pour me donner à voir quelque chose qui lui avait paru intéressant.

 

Je redescendis sur la terre ferme de la réalité de tous les jours et regardai comme mon regard me le suggérait dans la direction qu’il m’indiquait. Il avait eu raison. A une table de distance, deux personnages politiques d’importance, un vieux soixante-huitard et un parlementaire socialiste vieillissant mais « plein d’espoir pour l’Europe et la France du futur ». Un troisième non identifié se tenait avec déférence en léger retrait : un garde du corps peut-être ? En tout cas ce n’était pas Mélenchon.

 

J’aurais pu me lever et me mêler à la conversation ou demander un autographe au moins, mais je n’avais pas le Monde sous la main, juste les « Mémoires d’un pas grand-chose » de Bukowski, qui, en la circonstance eussent passés pour une provocation ! Je ne fis rien de tout cela car instantanément, me vint à l’esprit quelques vers d’une poésie mélancolique.

 

« Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes, / Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes ! »

 

Mais non, ces beaux vers évoquaient « ce grand nom d’hommes » et les deux protagonistes qui bavardaient juste à côté de moi, ne me semblèrent pas du tout « coller ». Laissant mes souvenirs littéraires de côté, je me distrayais à regarder les deux compères, argumentant l’un avec l’autre d’un air, me sembla-t-il, attristé.

 

Et tout à coup surgit le souvenir juste d’une poésie triste. J’entendis le murmure discret d’une musique douce :

« Dans le vieux parc solitaire et glacé/ Deux formes ont tout à l'heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, / Et l'on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé/ Deux spectres ont évoqué le passé »

 

C’est alors que je regardai précisément les deux hommes : je ne rêvais plus ! Mon esprit ne jouait plus dans son coin enchaînant les jeux de mots et les images heureuses.  

 

Je compris qu’ils s’occupaient du destin de la France.

 

 


 Comprendre le Métavers en 20 questions

 

 

 

 

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