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La ville, n’est plus qu’une machine aveugle dont l’humain est devenu la matière première. L’homme devenu anonyme dans la foule solitaire, n’échange plus depuis longtemps et, s’isolant, s’est fait de plus en plus étranger à ce qui est humain.
Mais le cycliste, que vient-il faire dans cette affaire ?
C’est un aboutissement : ce moment critique où l’homme devient ce qu’il sera pour l’avenir. Il ne s’agit pas de soutenir que le cycliste est un homme transhumanisé dont quelques parties mécaniques seraient en passe de se substituer à des parties biologiques. La vraie question porte sur l’attitude à l’égard de la vie, à l’égard des autres hommes, à l’égard de la société dans son ensemble. La question, à laquelle le cycliste parait être une réponse, est celle de la liberté mécanique. On veut dire par là que monter sur sa bicyclette est du même ordre que déclencher le « on » de l’ordinateur. Du même ordre que de taper 1 si vous êtes client, taper 2 si vous avez une question à poser. Du même ordre que de consulter la foire aux questions. Mais aussi, d’injurier son prochain, sur les réseaux sociaux et de menacer de mort et de viol et de toutes les choses de ce genre, un contradicteur ou simplement quelqu’un dont la tête ne vous revient pas.
Diable ! Allez-vous réagir n’est-ce pas pousser le bouchon un peu loin ! J’ai conscience que c’est un peu dur, mais je persiste et commente. Ecartons immédiatement l’objection chevaline qui aimerait faire croire que le cycliste est le pendant moderne du cavalier ? Celui-là, on pensait davantage à le louer qu’à la condamner. A raison : le cavalier fait corps avec le vivant du cheval et se confie à lui. Le cycliste fait corps avec une machine dont il se méfie et à laquelle il ne cesse d’ajouter des artefacts pour en tirer le meilleur rendement mécanique. Il est fréquent que le cavalier « cause » avec sa monture. C’est même recommandé. Le cycliste n’a rien à qui causer, seul il était sans le vélo, seul il demeure quand il s’y est installé. Il n’a que lui-même pour interlocuteur ou un autre cycliste, ou un piéton, ou encore une automobile, qui ne sont que des «antilocuteurs» : « Va donc eh connard ! », « dégage mémère, t’es sur ma piste ». Son rapport à la société est perverti au nom de sa liberté et de son « droit à » … sans contrepartie. S’arrêter au feu rouge ? « Faut être con pour ne pas se rendre compte qu’ensuite il faut redémarrer et que c’est fatiguant ». Respecter les passages piétons ? « Et pourquoi pas lever son casque pour dire bonjour ». « Et puis, merde, chu libre » !
Je vous vois venir. Vous allez me dire que je choisis mes exemples ! En vérité, je prétends seulement que le cycliste est emblématique de ce que devient l’homme dans la société.
Le cycliste sur sa bécane est seul, comme le télé-travailleur, comme le consommateur en ligne, comme le voyageur sur internet. Seul comme le sont tous les hommes modernes, il s’efforce d’en faire une victoire sur les autres. Relégué devant son ordinateur pour cause de télétravail et protégé contre les autres (faute au covid ou à l’évolution de la société) ; triomphant sans danger en se répandant, pseudonymisé, sur les réseaux sociaux, là où il peut enfin être lui-même, c’est-à-dire tout seul et planqué derrière son/ses écran/s, le cycliste sur son vélo, pose dehors ce qu’il est dedans : le même pauvre type qui hurle dans le vide en tapant 1, « si vous êtes client », en tapant 2 « si vous voulez parler à un conseiller »… « renouvelez votre appel tous nos conseillers sont en ligne »...
Le cycliste ultimement exigera le vélo autonome et, tranquillement, pourra enfin consulter son smartphone sans avoir à regarder devant lui. Il pourra jouer à ses jeux vidéos préférés, les jambes automatiquement massées par son vélo, en fonction des côtes qu’il monte ou des performances qu’il s’est assignées.
Quand on statufiera le cycliste, on le montrera le cul au-dessus de la tête et le regard vissé sur le trottoir ! Tout à l’opposé du cavalier cabré face à l’avenir et à l’horizon tout au loin.
La protection des données personnelles est un enjeu-clé. Dans notre monde moderne, il est central. Ce n’est pas à dire que le sujet était parfaitement secondaire dans notre monde ancien. Nous avons tous les yeux pleins de ces images d’archives où de petites mains, à l’écriture sergent-major, remplissent des fiches cartonnées et reportent des données absolument personnelles : nom, prénom, (civil, d’usage, surnom), date, lieu de naissance, etc etc et aussi des informations plus sociales que personnelles, juif, communiste, franc-maçon ; et parfois, mais plus souvent qu’on ne le pensait, des détails spirituellement et sociétalement personnels, « va à la messe », « couche avec la femme du boulanger », « dénonce régulièrement sa voisine pour pratiques déshonorantes » etc etc.
Les fichiers de données personnelles sont vieux comme la société, d’abord oraux, puis écrits, puis imprimés, puis mécanographiés. Pour arriver à nos jours où, c’est décidé, on ne plaisante pas avec les données personnelles.
D’ailleurs, si on regarde de près cette affaire des données personnelles, on doit constater deux choses : vos données sont constantes et invariantes et elles sont protégées par des mots de passe qui devraient être multipliés à l’infini.
Vous l’avez remarqué, chaque fois que vous voulez utiliser un site, même s’il appert que vous ne l’utiliserez qu’une fois dans votre vie, il faut ouvrir un compte et à cette occasion fournir vos coordonnées. C’est ainsi que, au fil des semaines, vous allez dispenser ces informations vitales et intransmissibles, à des dizaines de sites en tous genres.
Bien sûr, on vous garantira, « qu’en vertu de notre gouvernance, de nos règles de confidentialité et de notre adhésion aux sites de protection les plus solides, jamais ces données ne pourront être données, ni vendues, ni même prêtées à des tiers. Oui, nous vous l’assurons, nos intentions soient aussi belles qu’un crépuscule d’été et que nos codes de conduite soient aussi purs que l’eau des fontaines vauclusiennes ».
Ajoutez à tout ceci que vous vous êtes engagé à ne pas vous servir du même mot de passe pour tous les sites qui vous en ont demandé un (pour votre sécurité : 15 entrées sous forme de lettres, chiffres, symboles, avec des majuscules ou sans majuscule, en évitant de n’utiliser que des chiffres pairs, le nombre pi ou la constante de Hubble). En vérité, vous vous êtes débrouillé pour que les 250 mots de passe requis pour l’usage de vos sites, messageries et autres moteurs de recherche, soient absolument les mêmes. La preuve que ce n’était pas bête : vous les avez mémorisés. Mais voilà que vous avez rompu le B-A BA de la sécurité de vos données. Et si les sites à qui vous les avez confiées les ont perdus ou se les ont fait voler, c’est bien de votre faute.
Et tout ça, se promène dans des ordinateurs, bases de données et autres datas trucs. On vous jure qu’ils ne sont pas livrés aux algorithmes qui rodent dans les grandes steppes des données comme les loups dans la forêt française. Mais, franchement, à quoi ça sert d’enfourner tant de datas dont on annonce qu’on ne s’en servira pas ? Et puis, qui va aller contrôler ça ? Et puis, toutes ces datas qui vous sont personnelles et dont vous ne faites absolument rien, pourquoi les garder cachées ? Il y a des dizaines de cas qui montrent que si on avait eu vos datas personnelles on n’aurait pas loupé le bon dosage d’aspirine au moment où votre dent de sagesse s’est manifestée.
Dire qu’on est propriétaire de ses datas est donc un abus de langage. Ce serait vrai si vous ne cherchiez pas à interagir avec le reste de la société ; ce serait vrai si vous étiez un ermite. Ce n’est pas vrai dans tous les autres cas.
Alors, ne vous laissez pas endormir par les doctrinaires du « gardez vos datas pour vous » et participez sans réticence ni mauvaise volonté à une société riches en datas de toutes sortes.
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