Soliloques sur le Vaste Monde, octobre 2016

- Economie réelle contre économie Financière (paru dans le Huffington Post)

- Avec les Zones de non-droit, les zones de non-devoir

- Sans être Reine, Royal...

- Le referendum et les derniers mètres

- J'aime la Poaisie 

- Ne te hâte pas

- La science économique : entre saignées et clystères (paru dans le Courrier Financier)

 

Economie réelle contre économie monétaire

Le problème des économies occidentales ...c'est le problème du Monde entier : Les pays Occidentaux ne peuvent plus bouger ? Conséquence : le Monde est coincé, les pays occidentaux étant encore, pour quelques décennies, la principale zone économique mondiale.
 
Pas de chance pour le Monde, cela ne va pas fort chez les Riches. Et les commentateurs s'évertuent à avoir raison a posteriori.  Les Etats : « Ils ont follement emprunté donc, ils sont fous » !

 

Faut-il s'obstiner à réduire les déficits?

 

« Enfermez-les ! » : n'est-il pas évident que la solution est de réduire les déficits et que les pays cigales doivent crier merci et se transformer sur l'heure en fourmis... Pourtant, n'est-ce pas facile ? Le raisonnement de la ménagère qui tient son budget vaut-il dans l'ordre économique mondial ? Évidemment non, car la ménagère ne peut réussir qu'à une seule condition : les autres, autour d'elles, ne modifient pas leurs comportements. Si toutes les ménagères deviennent lucides en même temps, alors, elles s'enfoncent ensembles dans une folle dépression.

 

La multiplication des plans d'austérité a un effet multiplicateur... à l'envers. Avec des PNB à la peine, les déficits ne pourront pas être comblés et les dettes remboursées. Quand on connait les effets désastreux des causes prudentes et légitimes, ne devrait-on pas être porté vers la recherche de causes inverses qui produiraient des effets inverses.

 

A ce stade du raisonnement, il faut considérer la théorie et la pratique économique. La théorie Keynésienne est simple, les méchantes langues diront « simpliste ». La relance par la dette publique est d'autant plus efficace que la crise n'a pas vraiment détruit (comme une guerre l'aurait fait) l'appareil productif de base. Il est sous-employé. Une relance trouve donc son support pratique. Les capacités productives ressources humaines, matérielles, compétences et réseaux se réactivent, le multiplicateur d'investissement fait le reste.

 

Les failles de cette méthode sont connues, en particulier le risque qui, par les importations (fuite dans le système) conduit à exporter la relance, c'est-à-dire à lui faire perdre son efficacité. Or, ce qui est vrai pour le cas d'un seul pays, ne le devient plus pour plusieurs, surtout quand ils forment institutionnellement un ensemble. La théorie redevient alors « praticable » s'il y a simultanéité d'actions entre les pays membres de cet ensemble. Pour autant, si la théorie parait simple la pratique, mérite réflexion.

 

Telle qu'évoquée plus haut, la décision de relance, implique simultanéité d'action (et de pensée) entre les pays concernés... est-ce imaginable ? Et même, est-ce pertinent ? Si le Luxembourg décide tout seul d'une relance...il ne se passera rien, ni pour lui, ni pour ses associés de l'ensemble ! Tous ne pèsent pas le même poids.

Si l'Allemagne déclenche un plan de relance, il se passera quelque chose. Au nom de l'efficacité est-il nécessaire que tous les pays associés partent en même temps? S'agit-il d'une course en ligne ou d'une course de relai ? Le fait que le Luxembourg parte en même temps que tout le monde est-il si important ? Le raisonnement énoncé plus haut dit que non. En revanche, si tous les « petits » décident de rester l'arme au pied, les fuites évoquées plus haut risquent de se cumuler pour nuire à l'efficacité du dispositif.

 

On en vient alors à l'idée que ce qui vaut est un processus de relance échelonné, le plus apte et le plus puissant démarrant le premier, puis d'autres un peu moins forts, jusqu'aux plus petits ou aux plus fragiles. Evidemment, le risque est que celui qui est parti en premier découvre que personne ne le suit...la question à ce niveau est politique.

 

Economie réelle contre illusion financière

 

Avant d'évoquer la politique, évoquons l'intérêt de l'idée soulevée plus haut : elle repose sur le principe de transmission des mouvements économiques réels en milieu ouvert et sur le fait que les espaces économiques présentent des irrégularités, sources aussi bien de blocages que d'accélérations. Ce qu'on évoque est à l'opposé de la théorie monétariste des espaces économiques et de l'hyper-libéralisme sur lequel elle est fondée. Les forces des marchés sont parfaitement incapables dans les manifestations extrêmes de crise économique de constituer les ferments d'un rééquilibrage.

 

La preuve est fournie par l'histoire : aucun pays n'a eu la bêtise politique et sociale d'aller jusqu'au bout de l'idée de l'autorégulation des crises par « le laisser-aller, laisser-faire » de la vulgate ultralibérale. En revanche, l'observation montre que les mouvements économiques se transmettent, finances libérées ou pas. L'observation montre aussi que l'ensemble des mouvements économiques se propagent dans des espaces plus ou moins fermés, plus ou moins interconnectés, plus ou moins homogènes tant dans leur constitutions internes que dans leurs rapports avec les autres. La constitution de l'Europe a tourné, à ses débuts, sur l'idée de l'homogénéisation des espaces économiques jusqu'au moment où le triomphe de l'ultralibéralisme a fait confondre espace économique et espace de marché pour conduire à l'idée illusionniste de l'efficience des marchés financiers dans la structuration des espaces réels.

 

Les illusions du monétarisme sont fortes, en témoignent les tentatives de relance par les flots de monnaies déversées par la FED, par la Banque d'Angleterre et la BCE. Elles s'inscrivent dans l'univers illusionniste de la finance omnipotente et de l'efficience des marchés. Une politique d'actions collectives structurées au niveau européen puis étendue au niveau mondial s'oppose au principe d'une relance monétariste. Elle s'appuie on l'a indiqué sur les forces que recèlent les inégalités entre les espaces, les macro-agents qui les charpentent et les macrostructures qui sont les éléments constitutifs d'une architecture économique. Par principe, le fameux couple franco-allemand est déterminant : sans lui, sans les relais que ses agents étatiques et entrepreneuriaux constituent, rien ne se passera en Europe. Ce sont donc bien des politiques, dites réelles qui s'imposent.

 

Economie réelle, « qu'est-ce que c'est ? » objectera la foule des croyants dans les vertus de l'ultralibéralisme : l'économie réelle c'est ce que vise tout projet économique, l'amélioration du bien-être et du standard de vie. C'est en Allemagne, la redécouverte que le niveau de vie individuel qui décline depuis dix ans mérite qu'on s'y intéresse un peu, c'est en France, l'idée que la dépense publique peut être accrue pour autant qu'on s'attache à son efficacité, c'est en Espagne, la constatation que la production industrielle mérite une considération bancaire et financière plus intense et plus forte que la production immobilière ou les grands projets publics etc...

 

On n'évoque pas la fin des austérités ici, on évoque l'idée que pour s'enrichir, il faut mieux s'appuyer sur les riches, utiliser les meilleures ressources de l'ensemble, le faire ouvertement dans une séquence et un déroulement dans le temps qui donne une idée précise du chemin qui sera suivi, des acteurs qui seront sollicités et des objectifs structurants qui assureront la bonne transmission des effets multiplicateurs.

 

On évoque de la politique, en effet, européenne dans un premier temps, parce qu'avant de faire compliqué (c'est-à-dire mondial) il faut faire un peu moins compliqué (c'est-à-dire européen) même si ce n'est pas simple !

Sans être Reine, Royal …

 

 

 

Impérieuse et dominatrice, Ségolène a décidé : Les Nantais ont dit « oui » à leur aéroport ? Ce sont des sots ! Un referendum ? Ce n’est rien. Qu’attendent donc les Anglais ? La Merveilleuse Ségolène saurait les instruire !

Merveilleuse Ségolène! Royale dans les dénis de démocratie et les abandons du souverain. Ségolène, reine jamais couronnée, personne qui l’a faite reine, pas de roi qu’elle ait fait. Même pas cauchemar d’Aliénor et pas davantage enfant adoptif de la Médicis.

Ce n’est pas faute d’avoir filtré la cigüe.

Elle sait trahir pourtant. Pensez à ces pauvres Nantais. Pensez à cet oukase superbe quand elle s’en prit aux électriciens et aux gaziers :  ils prétendaient plier l’Etat à la loi des contrats ! Le souverain n’est-il pas au-dessus de ce que les mercantis nomment « conventions ». Hélas, le juge, qui est lâche, a jugé contre le peuple et pour les riches.

Elle sait mépriser aussi. Pour la merveilleuse Ségolène, les bonnets rouges n’étaient-ils pas les bonnets phrygiens de notre temps ? Contre le souffle des révolutions de quel poids pèse le vote des assemblées ? Balayons les décisions trop prudentes de députés timorés.

Pareille à une ombre esseulée dans le parc solitaire et glacé, elle est merveilleuse Ségolène ! Depuis que le roi a choisi de deviser avec Shylock, des conseillers voudraient qu’elle brigue la couronne. Merveilleuse Royal ! Elle se serait rêvée Théodora et s’est prise la tête dans la tapisserie sans pouvoir se revendiquer Pénélope: rien ni personne à attendre.

J'aime la Poaisie

La science économique : entre saignées et clystères

 

Les débats font rages entre les « sachants » de l’économie. A l’intérieur même des plus grandes institutions internationales, la perplexité domine. Elles ne savent plus trop quoi dire : elles n’avaient eu de cesse d’en appeler à la réduction des dettes étatiques. Aujourd’hui, il faudrait changer radicalement de posture.

Ils disent : il faut que le jeu de massacre cesse. Les taux de chômage se sont installés à des niveaux excessivement élevés. Les sociétés qu’on croyait développées se fissurent. Le fameux tissu social prend l’allure d’un tapis élimé. La trame même est pourrie. Les extrémistes passent par des interstices qui deviennent des trous béants.

« C’est fini ! » s’écrient le FMI, la Banque mondiale et même la BCE, « les politiques de lutte contre l’endettement, les politiques monétaires de relance se montrent néfastes pour les premières et inefficaces pour les secondes ». Maintenant, ils disent  qu’il faut que les Etats s’investissent, qu’ils fassent des dépenses d’investissement, qu’ils développent des infrastructures. « Faites des routes, des chemins de fer, des usines à dessaler, des éoliennes et des centrales solaires… ».

Personne pour faire remarquer que les fameuses dépenses pourraient être orientées, d’abord et avant tout, vers les pays autrefois dits « en voie de développement ». Faut-il rappeler des choses simples ? PIB par habitant en Union Européenne : 34600 dollars, Etats-Unis : 53000, Sierra Leone : 800, Érythrée : 700, Somalie : 600, Zimbabwe : 500 Burundi : 400. En République Démocratique du Congo, 1 dollar par jour par personne.

Avec les Zones de non-droit, les zones de non-devoir

 

Les zones de non-droit font partie des dernières innovations de la pensée administrative française.  Depuis des lustres celle-ci s’est attirée l’admiration des nations et de tous les bureaucrates de la terre. Il est vrai que la créativité française s’exerce sans relâche, témoin ce concept nouveau en cours de test : la « Zone de non-devoir » complément indissociable de la première nommée.

Revenons quelques pas intellectuels en arrière. En droit administratif contemporain, la zone de non-droit est constituée lorsque ses habitants (les «Hors-le-Droit») s’opposent à l’application des lois de la République sur leur « territoire ». Concrètement, la police ne peut plus faire régner l’ordre, les pompiers éteindre les incendies sans se faire tirer dessus, les pneus des voitures des médecins appelés en urgence sont crevés, les huissiers de justice ne peuvent plus sommer, les commissaires de police expulser… Evidemment, la justice ne peut même pas s’aventurer à la recherche de témoignages en cas de meurtres, vol, viols etc. Dans la Zone de non-droit, les droits conférés par les lois sont « res nullius ».

Le droit des gens est fondé sur un équilibre stricte comme il en est de l’actif et du passif en comptabilité. Les droits de l’individu ont pour contrepartie ses devoirs à l’égard des autres. En d’autres termes, la vie en société telle qu’elle est organisée dans nos états de droits modernes ne cesse d’équilibrer les droits de chacun avec les devoirs de tous et inversement.

Comment, dans ces conditions, se définit une zone de non-devoir ?

Elle est en clair ce que la zone de non-droit est en sombre. En tant que Zone, elle recouvre exactement le territoire de la zone de non-droit. Les citoyens soumis à ses règles sont les mêmes justement que ceux (les « Hors-le-Droit ») de la zone de non-droit.

Dans la zone de non-devoir, on ne bénéficie plus des devoirs dont la société a reconnu qu’elle devait les prendre à sa charge : allocations familiales, RSA, RSI, aides au logement, assistance médicale gratuite, chèques vacances pour les petits, protection policière, accès à la justice etc. L’Etat n’assume plus ses devoirs, à l’égard de la zone sans-droit, purement et simplement, sans procédure particulière.

De même que l’entrée dans la zone de non-droit est interdite aux représentants de la société et à toute personne étrangère voilée ou non, la sortie de la zone de non-devoir n’est pas libre. Sortir sans autorisation de la zone de non-devoir, conduit en prison sans procès: les « Hors-le-Droit »  ne refusent-ils pas juges, commissaires et tribunaux. Certains puristes estiment qu’au lieu et place d'une prison avec des règles, il faut penser à des camps de rétention sans aucun droit.

Peut-il être mis fin à ce statut ? Deux cas ont été organisés : d’une part, une «recolonisation» justifiée par le délabrement de la zone, les tueries etc. d’autre part, une requête des « Hors-le-Droit ») pour réintégrer la société de droit.

La procédure prévue est stricte.  La duplicité des « Hors-le-droit » est bien connue.

 

Le referendum et les derniers mètres

 

Avec internet, « direct du producteur au consommateur » est devenu une réalité. Plus d’intermédiaires comme ces commerçants plus mercantis que pourvoyeurs de services ; ou ces banquiers avides de l’argent des autres et qui ne prêtent pas; ou encore ces fonctionnaires manipulant des documents que personne ne lit plus.

En politique, le direct du producteur au consommateur se nomme « referendum ». Jusqu’ici de nombreux politicologues jugeaient cette technique rien moins que «dictatoriale» : le chef d’Etat qui lançait un referendum n’était pas différent d’une sorte de «Duce» au mieux, ou d’un Hitler au pire. Aujourd’hui, le lanceur de referendum explique que le peuple a été dépossédé de son vote et qu’il faut le lui rendre. Les citoyens doivent se réapproprier leur droit à penser la politique et aussi faire leur travail de vote.

Avec internet, finis les intermédiaires ! Le consommateur devient son propre producteur. En politique, cela permet aux élus de ne plus prendre le risque des choix. Les grandes décisions, le peuple les prendra et les politiques se chargeront de la livraison. Avec internet, voilà le grand bouleversement politique : l’élu, (député, sénateur, maire…) est le cycliste des derniers mètres. Il livre au votant le produit de sa commande (pardon, de son vote). Le consommateur n’est pas satisfait ? Ce qui lui a été livré ne colle pas avec sa commande?

Il y a des coups de feu dans la rue ? Vite un mail à contact@votrevote.com, ou un coup de fil au centre d’appel.

Ne te hâte pas

J’étais dans l’autobus avec mes petits-enfants. Il faisait beau. Pas d’embouteillage. On allait agréablement vite. Et voilà que le conducteur lance que le bus ne dépassera pas l’Etoile. A la moitié du chemin.

Mes petits-enfants interrogent : "pourquoi le bus s’arrête-t-il ici ?" Je leur réponds, car il ne faut pas laisser une question d’enfant sans réponse : "nous sommes peut-être allés trop vite !"

Dans Paris, maintenant, il ne faut pas se presser. Les voitures, elles vont trop vite. Alors, on en gène la circulation. C’est pourquoi on supprime les voies sur berges. Et aussi, moins de voitures, surtout les vieilles. Elles essaient d’aller vite, elles n’y arrivent pas et elles font des saletés partout.

Les piétons, eux, ne font pas de saletés. (En fait, derrière les piétons, il y a des balayeurs pour les canettes et les papiers gras et les bouteilles de bière et de pinard). Aussi leur réserve-t-on des espaces de plus en plus vastes, un peu partout dans Paris. Ainsi, marchent-ils davantage. Et surtout, ils ne dépassent pas le 5 à l’heure même en marchant vite et 10-15 en courant. C’est mieux pour le cœur et ça fait des emplois (les balayeurs).

A Paris, depuis qu’on ne fonce plus comme des fous, depuis qu’on prend son temps, on sait mieux faire la fête. Une ville sans fête, c’est une ville sans tête ! Pour la fête, on reste avec les autres. On ne se déplace pas en urgence. On évacue le côté speedé de certains excités sous le prétexte risible de boulot ou de contraintes familiales. Parfois, s’il y a de la musique, (la fête de la musique par exemple) on danse, on se remue sans se déplacer. Quand c’est la fête des jardins, on prend son temps pour regarder les petites fleurs. Quand c’est la fête des voisins, on ne s’amuse pas à boire un p’tit coup en courant comme un dératé. Quand c’est la nuit blanche, on est heureux de voir tant de gens dans la rue, toute la nuit ! Le lendemain, ils feront la grasse matinée. (Eh ! once kalme, y a pas kle boulot dans la vie »).

« Et y a pas ka Paris ». Foncer, aller vite, pourquoi faire ? Plus on va vite, plus il y a du chômage. Les TGV qui vont vite, ça fait du travail en moins à Belfort. C’est comme ça qu’on en est venu aux TGV lents. L’Alsthomme moderne, c’est un gars qui fait lentement un TGV qui n’ira pas vite. C’est l’inverse de Sapiens sapiens qui se dépêchait d’être un homme des temps futurs.

Et le travail ? Vous croyez que c’est mieux quand c’est vite fait ? La division du travail, la vraie, ne veut pas dire « découper le travail en petits morceaux idiots qu’on fait à toute vitesse » : ça consiste à répartir le travail pour qu’il y en ait pour tout le monde. Chacun à son rythme. Tout dans la joie.

Carpe diem.


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En collaboration: Institut de l'Iconomie

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