Comment l’Union européenne prépare-t-elle l’avenir de son économie et plus largement celle de sa société ? Se donne-t-elle les moyens de répondre à quelques défis dont ceux qui
sont lancés par les GAFA et autres firmes du même genre ? Elargissons le propos : l’Europe et, plus proche de nous, la France, est-elle équipée intellectuellement et culturellement pour
y faire face ?
Sagesse et taux d’intérêts font bon ménage
Entendre nos vieux sages s’exprimer sur les sujets avec lesquels ils se sont colletés toute leur vie durant, plus d’un demi-siècle, est un plaisir tant leurs souvenirs de la chose financière
sont riches et vivants. Il est vrai qu’on ne peut pas avoir traversé les vicissitudes du Franc d’autrefois, du serpent monétaire un peu après et de l’euro pour finir, sans en avoir tiré une
sorte de philosophie. Il est certain que la crise des subprimes et ses conséquences encore rampantes a aussi contribué à enrichir la pensée économique et financière de quelques monstres sacrés de
la bonne vieille finance française.
Alors, c’est avec un immense plaisir qu’on les écoute nous dire que les taux d’intérêts sont à un niveau défiant toutes les comparaisons. C’est avec passion qu’on découvre leur connaissance des
chiffres et les courbes qu’ils déploient pour appuyer leurs propos, parfois avec ironie ou, lorsque confrontés à des questions auxquelles ils ne sont pas préparés, avec sévérité.
On écoute leurs remarques pleines de sagesse sur le "quantitative easing" et le délire des banques centrales qui croient raisonnables de lâcher des masses considérables d’argent dans la
nature. On frémit à l’idée qu’elles ont toujours pour mission d’atteindre une inflation à 2% (ils nous font même oublier qu’il était inatteignable cet objectif, autrefois, quand l’inflation ne
voulait pas redescendre de niveaux vertigineux).
Il est vrai que l’argent ne vaut rien et ils ont raison quand ils nous disent que c’est une vraie révolution au sens le plus néfaste du terme. « C’est annonciateur du pire: la
Déflation » ( et nous pensons à Victor Hugo et à « La Déroute, géante à la face effarée… »).
Les taux d’aujourd’hui font dérailler les vieilles mécaniques
Lorsque l’argent ne vaut rien et même moins que rien, tout est à revoir, à repenser et surtout, les Banques centrales devraient comprendre qu’il est temps pour elles de devenir raisonnables, de
cesser de gorger les économies de liquidités. On évoque ces terres que des pluies incessantes transforment en pataugeoires boueuses.
L’économie qui ne peut plus absorber les liquidités en excès donne licence aux comportements déviants : rachats d’actions par les entreprises qui échangent du capital contre de la dette
affaiblissant ainsi leurs structures et se mettant à la merci des moindres retours de flamme. Epargnants qui ne peuvent plus compter sur la protection des mécanismes d’assurance-vie. Assureurs
qui doivent cesser de pomper dans leurs réserves de vieilles obligations et se diriger vers des taux d’intérêts infimes. Entreprises qui déclarent tout uniment que la baisse des taux d’intérêts
ne leur apporte aucune sécurité et affirment, à qui veut l’entendre, à nos sachants entre autres qui n’attendent que ça : « non, la baisse des taux d’intérêts ne nous chaut point :
nous n’attendons rien de bon de cette fausse manne. Nous attendons des perspectives de marché et nous les attendons positives ».
Pendant que nous tendons nos oreilles à des conseils de sagesse dans un français à l’ancienne exempt d’anglicisme ou d’allusion à des histoires de blockchain, de monnaies cryptées ou de fintech,
Tesla lance sa méga-factory dans la banlieue de Berlin.
Aux sachants, on pose la question: d’où sortent-ils ces nouveaux venus qui chamboulent sans cesse la vie économique mondiale ? Ne devraient-ils pas savoir que nous sommes dans un monde
absurde qui dénie toute valeur à l’argent. Un monde où l’argent d’aujourd’hui vaut presque autant que l’argent de demain. Un monde où, par conséquent, l’avenir ne vaut pas mieux que le présent et
peut-être même moins.
Comme on a affaire à des gens qui « savent » à la fois au titre des diplômes acquis voici un demi-siècle (et plus) et des hauts postes dans de hautes administrations qu’ils ont
assurés pendant ce même laps de temps, il faut bien sûr s’attendre à des observations et des informations de première main. Des graphiques jaillissent qui sont autant de dénonciations contre
« les opinions communes ».
Tesla est-il conforme à nos bons vieux réflexes monétaires ?
Les graphiques le montrent : depuis 25 ans, les avoirs liquides progressent pendant que les taux d’intérêts s’effondrent ; moins l’épargne est rémunérée et plus elle est liquide
(c’est-à-dire placée en comptes de dépôts de toutes sortes).
Sauf aux Etats-Unis.
Mais, ce "sauf"- là serait le fait d’un biais statistique. Nos sachants nous le disent avec conviction. On ne peut pas tirer en tirer de conclusions. Le graphique est là parmi 5 autres qui
vont du Japon à l’Allemagne en passant par la France. Ces 5 sont exploitables : les sachants pensent très fort qu’ils sont conformes. Pas, le sixième … il n’est pas bon. Pourquoi, dans ces
conditions le montrer? Ce sont des questions de type « opinion commune ». On n’y répond pas.
On n’ira pas ici refaire les graphiques et distribuer les bons et les mauvais points entre graphiques qui mentent et sachants qui savent. On se contentera de répéter : Tesla, installe sa
méga-factory à Berlin pour y fabriquer des voitures au nez et à la barbe des vraies entreprises, celles pour qui le niveau des taux d’intérêts n’est pas déterminant vis-à-vis de leurs
investissements.
On poussera en revanche l’investigation vers les Etats-Unis dont le graphique ne colle pas avec les principes. D’où vient que des entreprises comme Google, Amazon, Facebook déferlent
sur toute la planète, raflant des marchés qu’on ne connaissait pas, lançant des investissements de nature totalement nouvelle ? D’où vient que des entreprises se lancent dans des paris
industriels lourds et à haute valeur technologique ajoutée, telles que Tesla (encore), Virgin, et leurs projets dans l’industrie spatiale. D’où vient que le leadership d’un vieux de la vieille de
l’industrie spatiale, Ariane Espace puisse être challengé par des nouveaux venus dans un environnement technologique d’un niveau exceptionnel ?
D’où viennent ces myriades d’entreprises américaines qui complémentent ou suivent les leaders ou s’apprêtent elles-mêmes à devenir les géants de demain.
Les sachants nous disent qu’au travers de toute leur vie, leur expérience, leurs réussites, ils ont appris qu’il fallait pour réussir des fonds propres. Or, les graphiques montrent que l’épargne
choisit la liquidité plutôt que le rendement c’est-à-dire la sécurité plutôt que le risque.
Les graphiques ne montreraient-ils pas, comme un miroir qui serait tendu aux sachants, ce qu’ils ne veulent pas voir ? Les pays qui ne parviennent pas à faire émerger de nouveaux
investisseurs dans des domaines nouveaux et assistent impuissants à l’accumulation d’une épargne inutile ne veulent pas voir que la vraie question ne réside pas dans les taux d’intérêts et la
politique des banques centrales. D’autres blocages bien plus graves sont là qui condamnent la prise de risque.
Le graphique américain est « choquant » pour beaucoup de nos chers bons vieux sachants. Peut-être parce qu’il n’est pas aussi approximatif qu’ils le disent. Il ne leur plait pas parce
qu’il soulève des questions auxquelles ils n’ont pas pensé, préférant celles qui sentent la rose, auxquelles ils sont accoutumés, plutôt que celles qui ont des épines, qui les obligent à revoir
les idées sur lesquels ils ont pris l'habitude de se reposer.