- Le jour où on arracha pampres et treilles
- Un bras amical pour l'Allemagne: la Tchéquie
- Après le carré magique, Le cube magique
Ces derniers temps, un début de révolte contre l’impôt, est venu troubler la sérénité de nos concitoyens. Les récents évènements (personne n’a encore osé une formule du genre «l’épisode terroriste») ont occulté à juste titre un débat qui ne porte pas sur l’essentiel. Il n’en demeure pas moins que les éléments de langage révolutionnaire sont rassemblés, prêts à servir. La guerre d’indépendance américaine, ne l’oublions pas, a commencé par une histoire de taxe sur le thé.
Pourtant, le contribuable sait se montrer bon enfant. Ainsi, toutes les taxes relatives à l’affouage, bien qu’en progression, n’ont pas déclenché un mouvement de type «bonnets verts» et ce, alors même que «les allume-feux, considérés comme produits d’aide à l’allumage et non comme bois de chauffage, sont concernés par le taux plein de 20 %».
Le contribuable français n’est-il pas choyé ? Les communes peuvent exonérer les vergers des taxes qui pesaient sur eux comme sur les terrains plantés en chênes truffiers.
Raisonnable, il sait que les taxes « ça va, ça vient ». Par exemple, il n’y a plus de taxes sur les chiens, ni sur les bicyclettes et pourtant, entre le moment où l’une et l’autre ont été conçues et aujourd’hui, le niveau d’équipement en bicyclettes et en chiens a explosé. Il sait aussi que la déraison fiscale peut revenir au grand galop: l’Europe, tout récemment, a pris une «fatwa» qui oblige la France, sous peine de lourdes pénalités, à taxer sévèrement la vente de chiens et de chats, mais aussi de poissons rouges et de colibris. De même seront taxés les copulations animalières tendant à «uberiser» l’expansion des cheptels d’animaux domestiques. Le peer to peer n’est pas interdit, il est encadré.
Le contribuable français sait en rire et les humoristes s’en donner à cœur-joie. L’un d’entre eux n’a-t-il pas tenté un «ce n’est pas ma taxe de thé»?
Pourtant le pays gronde.
En cause, les nouvelles taxes sur les abris de jardin, les pergolas et les tonnelles. Mais ici ce n’est pas le fric qui est en cause. C’est la culture.
Avec des taxes pareilles, il n’y aurait eu ni treille, ni pampre dans la maison paternelle de Lamartine et le poète n’aurait pas pu écrire ces vers qui nous ont tant émus:
«Autour du toit qui nous vit naître
Un pampre étalait ses rameaux,
Ses grains dorés, vers la fenêtre,
Attiraient les petits oiseaux».
Les temps ne sont plus bucoliques? Mais on les veut «responsables». Ceux qui veulent semer leurs propriétés de cellules voltaïques, installer des éoliennes et engazonner leurs toits, devront s’abstenir et regarder attristés
«Les glaciers reculer
et le désert s’avancer»
ou bien payer.
Il reste aux contribuables une consolation. Les nains de jardin. La loi ne prévoit rien pour ceux-là, ni pour les champignons en plâtre ou en plastique
qui les accompagnent. Ni pour leurs petites maisons. Ce sont des maisons de nains dont les dimensions sont bien inférieures à celles des abris de jardin. Si petites qu’on ne pourra jamais y
installer ni chiens, ni enfants. Mince avantage.
Ce pourrait une configuration de cartes dans un jeu réservé aux traders. En fait, c’est un rêve ou l’expression d’un rêve.
Dans tous les domaines où on peut calculer, compter, mesurer, les professionnels cherchent toujours un nombre, un rapport, une mesure idéaux.
Né dans la Grèce antique, le nombre d’or a été pour les peintres, sculpteurs et architectes de la Renaissance jusqu’aux temps modernes un mode de création à part entière.
En économie, il y a le carré magique, représentation graphique inventée par Nicholas Kaldor. Il rassemble les indicateurs des quatre objectifs que devrait viser une politique économique équilibrée: taux de chômage, taux de croissance, taux d'inflation et solde de la balance commerciale. Le graphique idéal représenterait un carré.
Comme c’est un idéal….le carré est appelé magique car, jamais ou presque, aucun pays n’est parvenu à combiner aussi idéalement ces indicateurs !!!!
Et puis Nicholas Kaldor, Hongrois de naissance, Anglais d’adoption restait selon les commentaires sur son œuvre, un keynésien d’obédience classique. Son carré d’or avait un côté newtonien en un temps où Einstein et la théorie de la relativité triomphaient. Il n’est pas facile d’être tout le temps de son temps.
Et justement, voilà ce qu’il avait négligé : le temps.
On ne commentera jamais assez le rapport difficile qu’entretiennent les économistes avec le temps. Ils hésitent sans cesse entre le considérer comme une hypothèse non nécessaire ou au contraire le propulser dans l’univers inatteignable des dieux et de leurs épopées.
Or, si on avait ajouté le temps au carré magique qu’aurait-on obtenu ?
On dit que des Français s’y sont attelés. Ils ont donc ajouté une dimension au carré : le temps justement. Et le carré de Kaldor est devenu un cube qu’ils ont immédiatement qualifié de « Magique ».
Sur quoi, des études poussées un peu plus loin, ont ajouté d’autres dimensions : les chercheurs français ont voulu vérifier ce que donnerait l’introduction de l’Avenir dans le cube magique. Épouvantés, ils ont pensé avoir rencontré le démon. En fait, ce qu’ils avaient fait apparaître n’était qu’un trader fou jouant de l’algorithme sur un rythme quantique.
Ils ont continué, insistant sur le présent, dimension du temps que certains jugent insaisissable : à peine l’avez-vous trouvé qu’il mute en passé et tant que vous n’y êtes pas parvenu il flotte comme une latence. Ils ne furent pas plus heureux dans leur trouvaille, car, c’est le concept même du prix de marché qui jaillit sous leurs yeux ébahis, fruit avarié de la rencontre des courbes primales de l’offre et de la demande. Ils virent, un instant de raison avant son anéantissement, qu’il contenait tout: lui-même, le présent donc, le passé et l’avenir. Le prix savait tout, disait tout, contenait tout et à ce titre ouvrait la porte à tous les calculs. Le prix enfanté par le marché le rendait possible à son tour et offrait enfin aux économistes quelque chose de solide sur quoi penser.
Toutefois, et c’est à ce titre que l’humanité leur sera éternellement reconnaissante, les chercheurs français, continuant leurs recherches, rencontrèrent un temps qui jusque-là était demeuré dissimulé, caché, un temps subreptice, un temps avec un parfum comme certaines plantes vénéneuses savent les exhaler, avec des fragrances de pourri, des jaillissements de bling-bling, des notes non pas florales mais salées : le temps politique.
Celui-là, découvrirent-ils, contenait tous les autres. Grâce à lui on pouvait s’exclamer que si «cela est impossible cela sera fait, si c’est possible ça l'est déjà». Par lui, tous les carrés pouvaient devenir magiques, si, bien entendu, et seulement si, on en respectait le déploiement. Le temps politique, c’est ce qui fait que la dette française est remboursée quand les sots continuent à en faire un sujet de débats européens. C’est lui aussi qui fait que les dix millions de réfugiés syriens sont devenus allemands et ne jurent plus que par Thor, Odin et le Walhalla.
Le cube magique en plusieurs dimensions : voilà qui fait passer le monde des économistes dans le vrai monde, celui des relativités relatives et généralisées.
Paru dans le Huffington post: suivre ce lien.
L’Europe est un bel exemple de démocratie. Il y aura toujours un pays, pas grand, petit même pour rappeler que la démocratie est fondée sur l’égalité et la liberté de penser et pour s’opposer «urbi et europae».
Les petits pays défendent les valeurs locales contre les malheurs globaux. Ils parlent à l’homme, pas celui avec un grand «H», abstrait, mais celui qui, en chair et en os, se contente d’un tout petit «h». Ils ne peuvent pas avoir de grandes ambitions et leurs voisins devraient apprendre davantage de cette belle leçon de modestie.
Par nature, les petits pays sont ouverts aux échanges.
Par exemple, les petits pays sont un bel exemple d’ouverture au monde : Il faut reconnaître qu’un petit pays a moins de chance (ou de risque) d’être auto-suffisant qu’un grand pays. C’est une vérité de la Palice que lorsque vous n’êtes que 300 000 comme l’Islande, vous ne pouvez pas et chasser les baleines et faire trader fou dans une banque. Il faut choisir. Les Luxembourgeois, à peu près 500 000, l’ont bien compris. Ils ont choisi le métier de AirBnb fiscal dès lors que l’acier ne leur permettait plus de faire venir à grand frais les produits de première nécessité depuis l’étranger.
Donc les petits pays sont généreusement ouverts sur le vaste monde et n’attendent que du bien de la mondialisation. Les Islandais paieront les ananas moins cher et les Luxembourgeois pourront s’offrir du camembert qu’ils seraient bien en peine de produire tout seul. C’est ce qu’on nomme la spécialisation. Fondée sur la loi des avantages comparés qu’on doit à Ricardo, un des penseurs de l’économie dite classique, celle qui a atomisé les acteurs de l’économie et qui pousse les courbes de l’offre et de la demande à se croiser pour former des prix.
Cette loi des avantages comparés s’attache à des produits qui circulent et dont on montre qu’ils ne le feront raisonnablement pour le plus grand bien de tout le monde que si les douanes et les taxes sont les plus faibles possibles. Si on en venait à contrarier les flux de l’économie classique et à en détourner le cours, l’Islande développerait à grand frais des serres pour y faire pousser des ananas et les Africains laisseraient tomber la culture des ananas et s’en iraient chasser la baleine quoiqu’il leur en coûte.
Donc, globalement, sans trop pousser la réflexion au-delà des grands principes de l’économie, on voit que les habitants de petits pays sont parmi les agents économiques les plus naturellement intéressés à l’ouverture des frontières et à la libération des échanges. Plus petit le pays, plus vrai le raisonnement. Il est si pertinent qu’il permet de ne pas entrer dans les détails où se trouve toujours le Diable.
Il n’en reste pas moins qu’à éviter le Diable on finit par verser dans les paradis artificiels, ceux où les chiffres ne font que raconter de belles histoires et travestissent la réalité.
Entre les flux commerciaux et la spécialisation
Le PIB de la Tchéquie donne un bon exemple des risques que la macro-économie trop vite conçue et appliquée fait encourir à la vérité économique. Les documents officiels qu’ils soient nationaux ou qu’ils émanent d’organismes internationaux, évoquent complaisamment les talents industriels du pays. La «petite Tchéquie», comme disent affectueusement les commentateurs européens, s’enorgueillit d’une des plus vieilles entreprises de fabrication d’automobiles européennes: Skoda. Elle a développé une réputation remarquable dans le domaine de l’automobile grâce à la formation d’ouvriers hautement qualifiés. La plupart des firmes automobiles y ont installé des usines de montage. D’autres firmes y font fabriquer des composants, électriques, électroniques, des freins etc …En somme, la Tchéquie ne s’est pas spécialisée dans la production de matières premières comme tant de pays en voie de développement. Elle ne pouvait pas faire autrement : pas de pétrole, pas de mines, une agriculture nettement moins performante que celle de ses voisins. Elle a donc donné une grande impulsion aux produits à haute valeur ajoutée.
C’est là que se trouve sa place dans la loi des avantages comparés. S’agit-il d’un heureux hasard ou d’une gestion prudente, ce petit pays ne s’est pas spécialisé dans un produit ou deux, il s’est spécialisé dans une compétence, celle déployée dans la fabrication de produits plus ou moins complexes au profit du secteur automobile. C’est ainsi que la Tchéquie est un des meilleurs élèves du libéralisme ricardien. La spécialisation des échanges y est fortement poussée! La part des exportations et celle de leurs importations dans le PIB en témoignent : le commerce extérieur s’élève à plus de 80% du PIB et les importations sont au même niveau. La spécialisation géographique n’est pas en reste puisque l’essentiel des échanges est réalisée avec l’Europe. De fait, quel avantage comparé pourrait justifier que la Tchéquie attaquât les marchés d’Amérique centrale ou d’Océanie? Environnée par de puissantes économies, la spécialisation géographique européenne allait de soi. Qui plus est, il suffit de considérer une carte d’Europe, la Tchéquie est connexe à l’Allemagne. C’est pourquoi, elle a pu pousser la spécialisation beaucoup plus loin encore. La spécialisation est allemande : les Tchèques sont de fidèles fournisseurs des usines allemandes.
Flux, liens, cordes
Les choses prennent une apparence moins riante quand on continue à entrer dans les détails : Skoda, n’est pas une entreprise Tchèque mais une filiale de VW. L’Allemagne n’est pas un partenaire anodin. Les agents économiques allemands ne sont manifestement pas les « atomes » de la micro-économie classique. On ne doit pas parler simplement de flux économiques mais de liens. Et les liens avec les Allemands lient fermement: 1er partenaire commercial et 1er investisseur étranger en République tchèque, les entreprises allemandes sont le véritable moteur de l’économie tchèque. Aux salariés des filiales des grands groupes allemands, dans l’automobile, les fournisseurs de services automobiles, de pièces détachées etc, qui représentent une part importante de l’emploi industriel, il faut ajouter les Tchèques qui travaillent en Allemagne rentrant chez eux les week-ends ou pendant les vacances. Là aussi, la compétence comparée joue. Même lorsqu’il ne s’agit que de travail agricole sans qualification. L’agriculture allemande leur doit beaucoup. Les avantages comparés ont bien joué.
Si on quitte les raisonnements « vus de haut » qui décrivent une économie, dynamique parce qu’ouverte sur l’extérieur, moderne parce que contribuant bien plus que les autres à la mondialisation, si en d’autres termes on atterrit et si on décrit l’économie tchèque pour ce qu’elle est vraiment, on comprend que la Tchéquie, petit pays qui a son Franc parler au sein de l’Union Européenne, n’est pas si indépendante. Bien sûr elle n’est pas politiquement asservie ! En revanche elle doit beaucoup à son grand voisin! Et plus encore !
On comprend mieux certaines prises de position si on entre dans ces fameux détails où le diable aime tant se nicher. La Tchéquie a montré que les détails ne sont pas anodins tout récemment. Ses collègues de l’Union se prononçaient sur les normes relatives aux moteurs diesel en discussion dans les institutions européennes aboutissant à un consensus, un peu mou, jugé scandaleux par les organisations écologistes. La Tchéquie, dont les intérêts en la matière ne sont pas très évidents, s’est levée et a dit «non». Elle a dit « non » comme l’Allemagne deux ans auparavant, à un moment où, là aussi, un consensus avait été laborieusement élaboré. Au dernier moment, sans prévenir, la voix de la Chancelière s’était élevée et avait dit «Nein».
La chancelière devenue diplomate n’interviendrait plus directement : elle laisserait faire ses amis et les amis de Volkswagen.
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