Parva non est
pulchra
Il semblerait que ça y est, que c’est pour bientôt, qu’un compromis semblerait pouvoir se dessiner : la Corse pourra être bientôt autonome.
Un beau mot qui s’écrit « indépendance » dans quelques langues ou patois indigènes : « Think local, act local » diraient les Anglais (ou les Américains). « Pense pas
grand, fait petit » aurait dit Zazie.
Dans le cas de la Corse, on se demande quelle différence il y a entre autonomie, indépendance et la pratique actuelle. Quand on voit fonctionner cette micro-société avec ses macro-clans et
ses macro-familles, on est vraiment surpris d’entendre: « On veut être entre nous, chez nous, et rien que nous ». La Corse n'a-t-elle pas toujours été choyée? Un pt’it
avantage fiscal, ici, un taux de TVA sympa, là, et puis, une justice benoite qui sait fermer les yeux quand il faut, parce que, à tout bien réfléchir, le mental insulaire est une sorte de mental
carcéral : les Corses n’ont pas la chance de vivre à Romorantin ou de reposer dans les douceurs angevines.
Noter qu' être petit et être indépendant n'a rien de contradictoire : pensez à Monaco, pensez aussi au pays d’Andorre. Et allons plus loin : le Luxembourg a à peine deux fois
plus d’habitants que la Corse… Regardons encore plus loin : l’Amérique du Sud. Quelques petits Etats indépendants y sont devenus des havres de paix permettant les échanges les plus sereins
de toutes les drogues depuis les plus naturelles jusqu’aux fameuses drogues de synthèse.
Allons, ne faisons pas tant d’histoires. Comme le dirait un Corse cultivé : nous sommes en démocratie et si le peuple dans sa grande sagesse décide d’un statut d’autonomie, alors, le peuple a
raison. Bien sûr que ce n’est pas malin de voir de grands ensembles nationaux se disloquer ! Sans affection particulière pour nos voisins britanniques, je ne peux m’empêcher de penser que
leur séparation d’avec l’Ecosse serait un mauvais calcul, genre brexit en plus grotesque. Ne parlons pas de la Catalogne qui a même trouvé le moyen de négocier l’envoi de troupes russes contre
les tentatives centralisatrices du gouvernement de Madrid.
Ce n’est pas malin, il est vrai, mais les principes de liberté sont les principes de liberté surtout quand ils s’appuient sur les principes de la démocratie.
Mais, voilà une petite voix venue du fin fond des citations cyniques qui me dit : « Appuyez-vous sur les principes, ils finissent toujours par céder ». Et je ne peux m’empêcher de
penser : « Surtout quand l’argent se met de la partie ».
La Corse, si on s’en tient à la géographie, est bien située : à deux pas de l’Italie, pas loin de la Sardaigne, une île sœur (mentalement et économiquement), la France à deux pas et
l’Espagne, comme le Maroc et la Sicile, à pas même une journée de « Go-fast ». Un sympathique réseau potentiel de communication qui faciliterait le transport de matières premières à
haute valeur ajoutée, naturelle, la marie-jeanne, par exemple, ou raffinée, la blanche. Sur le plan agricole, la Corse n’a rien à envier au Riff marocain ou à l’Espagne : le chanvre,
récréatif ou médicinal, une fois les absurdes règlementations locales disparues devrait revenir à sa vraie nature, pousser sans retenue et partir vers l’Allemagne, par exemple, qui vient de
se « décoincer ».
Qui résistera aux programmes immobiliers qui démocratiseront l’accès aux plages jusque-là détournées par les riches continentaux ? Qui, parmi les Corses, renoncera à une vente de cabanon
avec vue sur la mer pour mettre à la place des villas pour vrais riches ? Qui s’opposera à l’ouverture de la Corse aux jeux, ceux qui réjouissent les enfants dans des clubs
« piou-piou » et ceux qui enthousiasment les adultes dans les casinos .
Comment ne pas être coopératif ? Il est si facile de bloquer l'accès à une île… façon grève de marins corses, ou, au contraire de l’ouvrir largement, façon Mayotte, en plus
accessible.
Région auparavant importatrice, la Corse deviendrait exportatrice nette et fournirait Marseille, Hambourg et Amsterdam. Elle pourrait devenir une terre d’accueil d’industries financières ad hoc
et se passer des subventions françaises grâce aux apports de nouvelles familles.
Une « City » du sud ? ou un Quito du nord ?
On achève bien les chevaux
« Le meurtre d'un chat à Istanbul a plongé une partie de la Turquie dans l’émoi poussant le président Recep Tayyip Erdoğan à intervenir et la justice turque a rouvrir un procès ».
Coup de tonnerre dans un ciel serein. Colonnes du temple envoyées à la décharge. Carthaginem tandem destrui. On ne sait trop à quoi se référer, ni à quel moment de quelle civilisation.
S’il s’était agi d’un évènement sous la XIXème dynastie égyptienne, celle de Ramses, on n’aurait pas eu de peine à interpréter l’évènement : le chat, n’était-il pas un animal divin pour
les anciens Egyptiens ? Pour eux, le meurtre du Chat valait sûrement meurtre de Pharaon. Ce qui n’était pas sur le plan judiciaire de l’époque une mince affaire. On raconte même qu’un
sénateur romain aurait vu sa dernière heure arrivée pour avoir tué accidentellement un chat.
Mais, foin de références aussi lointaines, aussi étrangères à cet évènement, à son temps et aux hommes qui en sont les acteurs et les témoins, le meurtre, précédé de tortures, d’un chat, à
Istanbul qui plus est, témoigne davantage d’une pratique irreligieuse que d’une manifestation sadique.
En tant que représentant tardif de la société occidentale, je dois observer que le meurtre précédé de torture d’un chat a longtemps été une manifestation insensée de pratiques religieuses
dévoyées. En France, et ailleurs en Europe, le sort des chats n’était pas très joyeux. L’animal, lesté des croyances les plus primaires et d’accusations de satanisme, était cloué sur les portes
des fermes, brûlé sur des buchers, coupé vivant en mille morceaux… Je sais mes lecteurs sensibles ; la liste de ces horreurs ne me rendra pas plus sympathique que je ne suis. Donc, j’en
passe !
L’évènement qui vient de secouer la Turquie pire qu’un tremblement de terre dans un pays qui ne cesse d’en subir les répliques est à regarder de près. Le chat, en effet, est un symbole fort dans
la Turquie d’aujourd’hui. Les Ottomans d’autrefois ne plaisantaient pas non plus avec cet animal. Comme le dit un dicton populaire : "Si vous avez tué un chat, il vous faut construire une mosquée
pour être pardonné par Dieu".
Le ton est mis. L’entrefilet, venu d’un journal occidental, quoiqu’il ne soit pas accompagné d’un commentaire particulier, contient subliminairement une sorte d’ironie fort inadaptée puisque,
dit-on, le prophète Mahomet était très amoureux des chats.
Ainsi, comme d’habitude, il ne faut pas s’en tenir à la lecture des mots mais s’attacher à la recherche de leur sens. La fureur du peuple dans le cas précis de cet acte incroyable, la torture et
le meurtre du chat, s’inscrit dans des croyances, puissamment ancrées dans la ferveur populaire. Il faut croire que les tribunaux turcs avaient, dans un premier temps, pratiqué une certaine
mansuétude et donné à cet acte la dimension banale d’un acte de gamin mal élevé. Le Président Erdogan les a rappelés à leur mission au service de la société turque. Le procès de cet acte
« apostat » sera donc rouvert.
Il faut rappeler que les Turcs ne sont pas originaux dans cet investissement religieux à l’égard d’animaux. On connait la « sacralité » des vaches en Inde où il n’est pas
recommandé d’être irrespectueux à leur égard. Il faudrait aussi mentionner les crocodiles au Burkina Faso….
Il demeure cependant que ces obligations de tendresse à l’égard des animaux, inscrites dans les textes et répétées sans cesse, laissent parfois un goût amer. Si les animaux sont ainsi mis en
valeur alors que leur rôle dans l’histoire de l’humanité n’est pas très convaincant, pourquoi n’avoir pas autant d’attachement vis-à-vis des hommes quelles que soient la couleur de leur peau ou
la nature de leurs idées ?
Rouvrir le procès du meurtrier d’un chat est-il si urgent quand dans le même pays, on n’est pas capable de rouvrir le dossier d’un massacre d’humains : celui des Arméniens
?
« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas
»
Cette étrange phrase aurait été dite par André Malraux. A partir de ce « dit », comme cela a toujours été le cas lorsque ce monument des arts s’exprimait, les débats ont fait rage. Les uns,
ceux qui avaient écouté le sage attentivement, laissaient à penser qu’il n’avait pas été question dans ses propos de « religion » mais de « spiritualité ». Les autres, qui
connaissaient le grand œuvre du grand homme et la place réservée à l’élévation de la pensée, récusaient « spiritualité », trop proche à leur goût du spiritisme et des théosophies
et soutenaient que Malraux avait bien pensé au rôle prééminent du religieux dans le siècle à venir.
Qu’en pensait l’auteur ? Il réfutait avoir prononcé ces mots. De fait, les recherches les plus attentives, sur les ondes ou dans les écrits, ne permirent pas de retrouver ne serait-ce
qu’une bribe de la citation. On s'appuya alors sur une exégèse de l’œuvre pour conclure que s’il ne l’avait pas dit aussi clairement, tout dans ses écrits, ses réflexions, ses interventions
radiophoniques ou télévisuels, montrait qu’il l’avait pensé.
Mais au fait, qu’est-ce que cette phrase, anodine dans sa construction, peut bien vouloir dire ? Affirmer que « le XXIème siècle sera religieux » se comprend sans faire beaucoup
d’effort d’interprétation. Mais la seconde partie, « ou ne sera pas » que signifie-t-elle ? Doit-on y voir l’annonce d’un monde apocalyptique comme les aiment le cinéma et la
littérature contemporaine ? Doit-on en déduire que l’Etre aura versé dans le Néant ?
On comprend dans une première lecture que ce ne sera pas une bonne nouvelle que le monde ne soit pas religieux. De fait, la phrase est définitive : « il ne sera pas ». « C’est
plié » diront les nouveaux penseurs. Mais laissons tomber les histoires post-néo-médiévales de cités détruites, de morts-vivants qui crapahutent à la recherche de viande fraîche, oublions
les progrès technologiques détournés de leur recherche du bonheur humain. Imaginons plutôt que ce monde sans religion sera le champ clos de nouveaux maîtres, les GAFAM (américains), les BATX
(chinois) et d’autres géants : les fabricants et gestionnaires des réseaux pseudo-neuronaux, des ordinateurs post-quantiques et de l’intelligence artificielle. Ce ne sera donc pas "Rien" ni
le "Néant". Ce ne sera peut-être pas mauvais...
Contrairement à ce qu’a prétendu Malraux, ce monde-là
« sera » ! Y sera installé une nouvelle humanité dont l’âme viendra de l’algorithme suprême et de son code universel. Ce monde nouveau se substituera au vieil artisan historique,
Dieu, plus près, sur le plan épistémologique, des liasses de fiches mécanographiques des ordinateurs des années 50 que de M1 Ultra, la puce Apple avec 114 milliards de
transistors.
Pourtant, un doute me prend : s'il n'est
pas évident que ce monde dépourvu du « religieux » soit comme une punition des Dieux ? A l’inverse, il n'est pas si clair que le monde « religieux »
offrira à l’Humanité, bonheur, paix et élévation de la pensée ? En enchainant Prométhée, les Dieux (religieux par construction) ne lui ont pas offert une partie de plaisir. Et
aussi n’entend-on pas résonner cette phrase terrible : « A l’imprévu, les dieux ouvrent le chemin » ? Souvenez-vous de Job malade et ruiné, n’osant se plaindre du Dieu
qui lui a envoyé ces épreuves « religieuses ». Et aussi de ces marchands, qui faisaient tranquillement leur boulot et ont été chassés du temple au nom du « religieux »,
c’est-à-dire sans que l’affaire ait été portée devant un juge, sans qu’aucune décision de justice n’ait proscrit leur présence. Ceci annonce que le « siècle religieux » ne
sera pas de tout repos.
Le "siècle religieux" mis en regard du "siècle qui ne l’est pas"? La balance n’est pas si claire.
Elle l’est encore moins quand on sait ce qui peut advenir quand on devient religieux. Ne voit-on pas que ce siècle est déchiré par les haines spirituelles, les anathèmes fanatiques et les
accusations d’impiété ? Ne découvre-t-on pas, à l’Est de l’Europe, un métropolite en train de bénir « religieusement » les mensonges les plus éhontés et soutenir de ses prêches la
soumission des moujiks ? Et, dans cette région elle-même n’assiste-t-on pas à des massacres au nom de dieu ?
Et, que penser de ces sectes qui prétendent apporter un supplément d’âme qu’elles soient issues du christianisme ou d’une quelconque théosophie et qui glorifient le repli sur
soi-même et la soumission psychologique parce qu’elles veulent faire croire à un siècle religieux.
« Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas ». N’est-il pas temps de balancer aux orties, ces vieilles formules trop facilement troussées ?