*Retour d’expérience en novlangue
On a beau dire, on ne le dira jamais assez, on sait bien que c’est vrai, l’informatique, elle nous sauve. Rappelez-vous ces petits choses qui nous polluaient la vie et que, maintenant effacées, éradiquées, supprimées, on a fini par oublier. On ne souvient même plus comment c’était avant. Par exemple, acheter des billets de métro. Les faire poinçonner. Réserver par téléphone une place de train. Pire, on ne souvient plus que c’était une horreur avec des plumitifs primaires ou des « agents » irresponsables, un abrutissement. On était habitué et maintenant on s’est habitué.
On a gagné du temps. On a beau dire, on ne le dira jamais assez… Qu’est ce qu’on a gagné comme temps ! On s’est, "comme qui dirait", libéré de choses ridicules grâce à l’informatique. On a davantage de temps pour soi et moins de guichetiers bornés.
Pourtant, n’y a-t-il pas quelques ombres au tableau ? Oh ! Des petits riens… parfois on a de ces impressions qui viennent assombrir le paysage. Juste des choses, un peu secondaires, juste des anomalies qu’on a du mal à comprendre. Allons, « net-net » comme on dit, ce n’est pas très important de ne pas comprendre, le tout est d’avoir gagné du temps, le tout est d’avoir enfin du temps pour se consacrer à des choses intelligentes ou pour se reposer, tout bêtement.
C’est bien joli de dire que grâce à l’informatique le temps est gagné et les choses sont à portée de main, à portée même de pensée. Il y a un prix à tout ceci. Le temps gagné est aussi payé. Pas cher bien sûr. Ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur et parfois on s’aperçoit qu’on a trop payé pour un service informatique qui … bon, qui pourrait être meilleur.
Par exemple ? Lançons-nous : la réservation en ligne, dans des musées ou des théâtres. Je sais, ça ne concerne qu’une minorité. Ce n’est pas une raison. Même les élites ont droit à un service informatique de qualité. Passons les insupportables présentations de « notre espace, des expériences que vous y vivrez, du passé du lieu, du lieu où ça se passe etc. ». Avant d’atteindre la page où on pourra réserver, il faut perdre du temps avec des boniments qu’un colporteur vendant des lacets dans les Cévennes en fin du XIXème siècle n’aurait pas dédaignés. Disons-le tout net : L’informatique n’y est pour rien. Elle a seulement ouvert le moyen de faire perdre du temps à ses utilisateurs. Massivement. On pourrait « zapper » ? Définitivement non, car l’arborescence (ça, c’est vraiment de l’informatique) ne l’autorise pas. Résultat, il va falloir passer 4 ou 5 écrans avant de pouvoir commencer à réserver.
Enfin, finalement, on y est, on est sur la page, on va pouvoir réserver. Commence le dialogue avec la machine : cherchez-vous à réserver une place pour une pièce de théâtre ? ou deux ? cherchez-vous pour vous ou pour d’autres ? êtes-vous un senior, un handicapé, un enseignant (la case handicapé-enseignant n’existe pas). Avez-vous souvent cherché sur notre logiciel ? Si oui, pouvez-vous en quelques mots nous dire ce que cette expérience vous a apporté. Si non, il serait bon que vous créiez votre compte. Nous vous connaitrons mieux et nous saurons vous proposer les expériences qui vous conviendrons.
Ça y est ! Vous êtes sur la bonne voie. Maintenant, il va falloir naviguer entre les barèmes. Et ça c’est formidable : l’informatique permet de multiples possibilités. Il vous faudra choisir entre : si vous avez moins de 10 ans ou si vous voulez assister à une représentation pour sourds, etc. : il faudra cliquer, sur votre préféré. Une place ou deux (si vous ne venez pas seul-e) merci de compléter les informations d’état civil de votre ami-e. Bien sûr, nous vous garantissons une totale discrétion).
Puis, vous serez envoyé vers la page de paiement, il faudra, se plier aux exigences de la machine, entre chèques (rarement) ou carte bancaire, (plus fréquent). Auparavant, vous aurez rempli des cases pour expliquer qui vous êtes, pour exprimer le genre d’expérience que vous attendez. Vous aurez créé votre compte pour que de nouvelles expériences immersives et intenses puissent vous être proposé. Il n’est pas difficile à créer ce compte, mais voilà, pour que vous puissiez acheter votre billet, il vous sera demandé de vous dévoiler: Qui êtes-vous, quel niveau d’études, parfois il faudra donner immédiatement votre numéro carte bancaire. Et votre carte d’identité. Et mettre en place un mot de passe, et aussi assurer l’ordinateur que vous n’êtes pas un ordinateur, ni un singe… naturellement, on s’assurera que les interdictions sont respectées et on insistera pour vous cochiez la bonne case. Allons, cela peut paraître long, mais, c’est la condition nécessaire pour aller très vite la prochaine fois….
Il vous faut maintenant payer. Vous avez compris depuis longtemps que l’ordinateur n’apprécie que médiocrement tout retard à l’allumage, vous n’avez pas des heures devant vous pour finalement payer, il faut les codes et les codes n’ont pas un temps infini devant eux. Si vous ne tapez pas vite, hop, vous êtes sortis du jeu et il faut tout recommencer ; vous perdez du temps, maugréez-vous ; Cette machine est bête comme un cochon, râlez-vous dans votre intérieur. N’empêche que si vous tenez vraiment à votre spectacle il ne faut pas retarder la machine, car elle vous expliquera qu’il est préférable que vous sachiez à l’avance ce que vous vouliez voir ou faire et que si vous l’avez oublié, il est préférable de quitter l’application et de vous rebrancher plus tard. Vous avez donc accéléré le rythme. Vous ressentez cette ancienne oppression quand il n'y avait pas d’ordinateur, quand votre lenteur se traduisait par une longue queue de gens de plus en plus mécontents, quand l’injure frayait son chemin sous le vernis de l’éducation.
Ouf ! ça y est, vous avez récupéré votre carte bancaire tout au fond de votre appartement, vous avez récupéré vos mots de passe (pour la carte) et ceux que réclame la machine pour elle-même. Vous avez donné un grand coup sur la case : « acceptez les conditions avant de donner votre confirmation pour payer ». Puis un autre coup sur la case « vérifiez votre panier », « êtes-vous sûr que ne souhaitez pas compléter votre achat et accroitre votre expérience ». Là, comme vous savez que personne ne vous entend, vous lâchez un « va te faire f… » et, triomphalement, vous appuyez sur la case : « attention au-delà de cette case, votre billet ne pourra être ni échangé, ni remboursé ». On ne vous la fera pas celle-là, vous dites-vous, et vous appuyez sur la case « votre paiement est en cours ». Cette information vous la connaissez par cœur. Vous savez qu’il faut un peu de temps pour vérifier toutes les informations que vous avez fournies. Vous souriez. Le temps de l’informatique n’est pas toujours celui de la vitesse. « Tout, tout de suite vous répétez-vous malicieusement ». Et puis, disons-le clairement : vos codes sont protecteurs … pour vous. Maintenant, c’est à la machine de s’assurer que le vendeur est protégé. Alors, il faut donner un code et attendre qu’un autre code vous soit transmis par l’intermédiaire de votre téléphone « smart ».
L’informatique est belle. On ne peut pas la prendre en défaut. Tous ces codes, toutes ces cases à remplir ce n’est pas pour les chiens. Ce n’est pas une manifestation de sadisme. C’est pour que tout soit clair et que les paiements soient exécutés en toute transparence.
Pas de chance ! Vous vous êtes trompé dans un chiffre ! Le logiciel de paiement pointe son doigt sur vous et vous indique que vous n’aurez pas plus de deux chances supplémentaires. En cas d’erreur renouvelée, votre achat sera annulé ainsi que tout achat ultérieur pendant 48 heures. Et de toute façon, s’il reste encore des places, il faudra tout refaire.
Imaginons que vous ayez tout bien fait. Vous avez par divers moyens, suivi des cours et des entrainements. Vous avez appris à réserver une place en partant de votre ordinateur.
Vous avez donc payé le prix demandé, les codes ont été bons et les cases ont été bien remplies. Voilà donc que vous avez versé 500 euros. A ce prix, le logiciel, a ajouté 1 euros. On vous explique que cet euro est ajouté au prix de votre billet en raison de la mise à disposition à votre profit du logiciel de paiement. Il est vrai que le billet a été installé sur votre smart phone et aussi sur votre ordinateur. Il est vrai que vous avez pu utiliser un logiciel de réservation et de paiement en ligne. Tout ceci a un prix. Même s’il s’agit d’un petit prix. Un euro ce n’est pas la mer à boire pour le service rendu de la réservation en ligne et des billets stockés dans votre téléphone. C’est une sorte de droit de péage. Comme au moyen-âge à l’entrée des ponts.
Ça y est vous avez « tout bon » et achevé le processus, après une heure de cases remplies et cochées, après avoir tapé des dizaines de chiffres et de lettres, vous découvrez que tout ce travail nerveusement épuisant a été mis à votre charge. Ajoutons que, pour des raisons qui vous regardent, vous ayez eu le désir d’imprimer votre billet, vous découvrez que c’est à votre charge sachant que cette impression est dix fois plus coûteuse que le traditionnel billet en papier d’autrefois.
Tout est donc bon. Cela n’empêche pas que dans l’énervement de la réservation vous vous êtes trompé quelque part. Une date, une heure. On vous l’avait pourtant dit : pas d’échange, pas de reprise…Vous avez perdu l’argent de la location (ou des locations, si vous aviez décidé d’y aller en famille).
Vous vous étiez imaginé que l’ordinateur pouvait repérer une erreur dans votre commande. Vous pensiez que, intelligent comme il est, il saurait aussi faire montre de compassion! ou utiliser son intelligence artificielle pour envisager les différents cas d'erreur et les différentes possibilités de corrections. Mais voilà, il a été conçu pour gagner du temps...
Et, bizarre, bizarre, vous aussi, vous aviez cru que vous alliez gagner du temps.
Dans quelques prochaines livraisons nous traiterons le charme du commerce en ligne « version mobilité » : le cas SNCF et la « version, remboursement » (jamais en ligne).
Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,
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