Cette semaine, j’ai voulu m’élever l’âme, assister pleinement à ces beaux débats d’idées qui font la grandeur de la
France. Je voulais m’enrichir d’arguments profonds, de formules riches et de mots brillants.
Écoutant d’une oreille de plus en plus distraite, je me suis finalement surpris à tenter de tromper mon ennui.
Certains croquent, mais je suis mauvais en dessin. Alors j’ai griffonné. Ce seraient comme des mots sauvés du néant ?
Angot Elle vient de réinventer le rôle de la tricoteuse au premier rang devant la guillotine. Elle se rêve Saint-Just
déguisé en Jeanne d’Arc. Elle se voudrait Blandine à condition qu’on la livre aux sans dents.
Bayrou Est-il un traître comme Saint Pierre ou un homme d’affaires comme Judas ?
Cazeneuve Ne te fais pas si petit, tu n’es peut-être pas si grand.
Chirac Il n’est ni fatigué, ni déficient. Il a décidé de ne s’exprimer qu’en idéogrammes.
Fillon Gouverner c’est prévoir : il n’avait pas vu le coup venir
Hamon Chinese wall familial : quand madame obtient d’ouvrir les magasins le dimanche, monsieur se bat pour qu’on les
ferme le Week end.
Hollande Les bonnes âmes l’imaginent pareil au « Hollandais Volant » de Wagner, les rigolos pensent au vol au vent, les
méchants le disent entouré de vaches qui rient.
Jospin Il souriait de toutes ses dents et éblouissait comme la calandre d’une bagnole des années cinquante. Sans les
chromes.
Royal Incarnation de la démocratie moderne : faire boniche après avoir fait l’ENA
Sapin Audiard n’en aurait pas eu assez pour tailler un costar à Fillon
Sarkosy Il n’a rien à voir avec un comte tchèque sans provision. Il est Hongrois.
Taubira Ne jamais lui parler de l’ombre, ni de la nuit, ni du charbon, ni de la peinture de Soulages, ni du soleil noir de
Dürer. Elle vous poursuivra pour racisme.
XYZ Impensable! Il a renié Patrocle devant l’assemblée des Grecs.
Le diesel fume comme un lapin
Tout Français sait que les dirigeants trahissent. Cela ne serait pas bien grave, si parfois, ils ne décevaient pas. Et ça, ce n’est pas bien. Quand on fait dirigeant, il faut faire le
traître à fond et pas à moitié. Exemple, le Diesel. Un organisme français vient de dénoncer une faute gravissime : les dirigeants français laissaient dire que les voitures diesel françaises
étaient à la traîne derrière VW et que les Allemands avaient plusieurs longueurs d’avance. Intolérable. Un Français normalement constitué est un « premier ». Les dirigeants traîtres
font en sorte qu’il s’ignore.
Le truc du diesel pas cher pour les classes populaires avait été détourné pour le profit des riches et de leurs grosses bagnoles. Les dirigeants français avaient trahi le peuple. Mais ils avaient
trahi à moitié, laissant la première place aux Allemands. Selon la DGCCRF (je ne traduis pas : trop long !), Renault trompait les autorités depuis 1990. Ils disent que le dirigeant
traître, c’est Carlos Gohn, un traître interlope. Or, ce sont de vrais dirigeants français, traîtres mais honteux, qui ont privé les Français d’une couronne. Ils se cachaient alors qu’ils avaient
tous deux de l’huile sur les mains.
Raymond Levy et Louis Schweitzer vous aviez mis au point et lancé les logiciels truqueurs bien avant ces minables de VW! Pourquoi n’avez-vous trahi qu’à moitié, privant d’une
couronne les Français en vérité « premiers » dans cette affaire?
Pendant ce temps, au parlement Européen, le lapin gagnait un droit opposable au logement.
Six leçons sur la sexualité digitale
Lisant ce titre on pourrait imaginer de glauques scènes érotiques. Mais Digital, ici, c’est le vrai. Celui du Data. Cela n’empêche pas de mettre la nouvelle révolution des mœurs, la
révolution digitale en rapport avec les trois leçons que Freud donna sur la sexualité infantile. On veut revisiter Freud. Il fit entrer l’enfant dans la sexualité. Nous allons ici
continuer son œuvre, lui faire quitter la fin du XIXème siècle quand elle s’engluait dans des labyrinthes verbaux. Sans ordinateurs, sans internet, sans big data, que pouvait Freud si ce n’est
causer. Nous doublerons le nombre des leçons reformulées: elles porteront sur la sexualité digitale à l’heure de la blockchain (tendance SM) et du Bitcoin (sans commentaire).
Leçon 1 : L’infans est un être tout d’immédiateté et de spontanéité. Son cri d’amour est « tout de suite », « à l’instant ». Il vagit, il veut le livre immédiatement. Il
veut télécharger sans attendre. Il est fou de secondes, de quarts de seconde. Craignez le pire si tout vient en retard. Il se met à crier, à crier, il tape de rage sur le clavier. Il
brutalise la souris. Il pleure aussi. Et tue toute sa famille.
Leçon 2 : Il a grandi, maintenant, il appelle. Le sein. Il lui faut vite sucer, engloutir, absorber. Une pizza. Livrée dans la nanoseconde. En impression 3 D. Un film, téléchargé à la
vitesse de la lumière. Ecouter deux secondes de Led Zeppelin. Dépenser 0,001 bitcoin pour un petit cordon. La connexion se perd ? Le sein s’éloigne ? Il gémit. Il hurle. Il tue toute sa
famille.
Leçon 3 : La douceur, il est bien langé maintenant et les codes ont été entrés comme il le souhaitait, l’app. s’est enclenchée et fait "suite", "suite", "suite" comme une caresse.
"Return" fait tout comme il faut. Il est au chaud. Il tend le doigt. L’écran est doux comme du satin. Il le caresse. L’écran s’étire de plaisir. Et lui, il ronronne, comme un beau bébé
comblé. L’écran lui sourit. Même, il aime sa famille.
Leçon 4 : Il surfe. Il like. Il share. Dans le réseau, ses amis font "bailledou". Ils font des "gougueules" et des "yahoux", un bout de tétine dans la bouche. Autour de lui,
y a plus que les copains qui snapchatent des deux mains. Cool. Il ne tue pas sa famille.
Leçon 5 : Elle est trop, sa souris. Il aime la remuer. Il est heureux. Il la prend de la main gauche, c’est qu’il est gaucher. Il la prend de la main droite, c’est plus normal. Parfois, il
ferme les yeux. Sa souris va si vite. Si vite. Elle est si joyeuse ! Et chaude. La famille? A 1000 km!
Leçon 6 : La puce est plombée. Elle veut plus. « Pati Wifi ». « Pati ». On peut plus faire bouger les images. Ça dit « pu rien ». Il ne caresse plus l’écran. Il
le cogne. Il tue toute sa famille.
La sexualité numérique, c’est intense. Dommage que Freud ne soit plus là.
Dévoilez-vous !
«Transparence » : mot qui parle de plus en plus fort. Exigence de nos sociétés modernes. L’homme qui se cache, qui dissimule ses sentiments
est aussi douteux que celui-là qui cache son argent, comme autrefois on cachait ses pièces d’or dans la cave à charbon. Les voiles pudiques n’existent plus. La vie
politique ne peut plus être recouverte d’un voile et avancer cachée : l’homme politique se doit de s’offrir en toute nudité à la vue et au jugement des
citoyens.
Remarquons qu’il n’y a plus aucun mérite à se dévoiler : nos mots, nos ressources, nos maux, nos dépenses, tout est clairement capté par des
« sensors » et diffusé sur le net, livré aux censeurs que la facilité des réseaux multiplie sans limite. Se poser à l’écart, pour dire « je »,
pour se ressentir « moi », ce serait se retirer du monde et vivre dans des déserts improbables où ne parviendraient ni les 0 ni les 1.
La transparence c’est le « vivre ensemble ». Devoir de penser « nous » et de dire « on », la disparition des barrières, la fin de la
peau. Se livrer tel qu’on est et rejoindre les petits tas de secrets de tous. On retourne au monde que pourfendait Michelet, monde local, monde contraint,
monde des us et des coutumes.
Vivre seul et à part ? Couper le courant ? Jeter les batteries des objets qui nous entourent ? A ce petit jeu, on se fera vite repérer !
Ma faute, ma très grande faute
Changements, bouleversements, révolutions, le monde d’aujourd’hui serait en rupture avec le monde d’hier et celui de demain se dessinerait sous d’autres traits encore ! Tout va plus vite, le
passé accélère son rythme vers les poubelles de l’histoire et l’avenir nous arrive si vite qu’on n’arrive même plus à prévoir.
Les idéologies devaient disparaître et enfin céder la place à la raison sous forme de 0 et de 1. Les crises économiques enfermées à double tour ne pourraient plus faire de dégâts.
Quant aux guerres, c’en serait fini: l’arme atomique aura fait taire toutes les tentatives hégémoniques. Le monde connaîtrait enfin la paix, les peuples rendus à eux-mêmes et les
colonisateurs renvoyés chez eux.
Vastes plaisanteries et colossales erreurs ? Ou, au contraire, des prophéties réalisées mais des champs de vision modifiés. En ce moment où tout bouge trop vite, ne découvre-t-on pas que la
pauvreté a fait un grand bond en arrière ? Que l’écart entre les peuples les plus riches et les plus pauvres s’est réduit ? Qu’il n’y a jamais eu autant de paix dans le monde et que les
morts violentes suite à des conflits de toute nature n’ont jamais été à un niveau si bas. En somme, à part le climat, tout va mieux.
Mais aussi, en France, chaque jour qui passe met le lecteur des journaux les plus paisibles face à une réalité faite de familles qui entre-tuent, pour l’argent ou pour la religion, de tueurs
pour le plaisir ou par inconscience. Chaque jour, le nombre des « victimes du pouvoir » en Syrie croît comme le ferait un compte d’épargne par capitalisation. Comment assister à la
montée des violences et dans le même temps, croire à la réduction des malheurs du monde ? Faudrait-il comprendre que, comme la richesse qui s’accroît chez les plus pauvres et ne croit
plus aussi vite chez les nantis, le malheur se réduirait un petit peu chez les premiers et ferait quelques incursions chez les seconds ?
Quand des milliers de migrants meurent dans les mers ou sur les routes, vous voudriez croire que le progrès fait son chemin ? Ne rêvez pas : les ONG veillent. Grâce à elles, vous avez
des yeux et des oreilles qui ne se fermeront pas, malgré les tentations. Votre conscience vous a proposé un pacte de non-agression ? Les ONG monteront en chaire devant l’Assemblée des damnés
de la terre et des forçats de la faim pour dénoncer votre égoïsme, votre indifférence et votre évidente inconscience de nanti.
Dans le monde d’aujourd’hui, vous êtes sommé de ne pas discuter du malheur des autres : il ne vous appartient pas. Il n’est pas de votre ressort de compétence. Votre opinion ne peut pas
avoir de sens. Seul un reliquat d’extrémistes haineux et génocidaires se mêle d’en faire un sujet de débat. L’avenir est sombre quoique vous en pensiez. On vous a dit qu’il l’est. Cessez de
penser et laissez la place à ceux qui savent. La direction est claire. C’est votre très grande faute. Taisez-vous.
Court-circuit dans la campagne
C’était par une soirée de campagne qui réjouit les cœurs républicains, bien que l’avis de tempête de la veille eût prévenu qu’on ne rigolerait pas sous le chapiteau. Alors que la tempête faisait
gémir la nature et les bâtiments alentours, couvrant parfois sa voix, alors que, de temps à autre, des sautes de courant plongeaient la salle dans une semi-obscurité, le Candidat prononça des
paroles fortes.
« Ils disent que les mots nous trahissent ? Nous voulons du vent pour nos éoliennes et on nous dit que celui qui sème le vent récolte la tempête ? « Brasser de la bière, ce serait bien !
Brasser des idées, ce serait positif ! Et brasser du vent, quand on le dit, c’est pour se moquer ? C’est faux ! ». La salle hurla : « c’est faux!».
« Brasser du vent ! Voilà quel est mon message et voilà ce que nous imposerons lorsque j’aurai été élu. Brasser du vent, ce sera beau et ce sera grand. Nous récolterons le bonheur et non la
tempête. Les éoliennes brasseront l’électricité de l’Avenir. Et aussi, en plus des courants d’air, nous réhabiliterons le soleil. Ecoutez et répétez-le, vous tous qui me soutenez : le
soleil n’est pas qu’une lampe à bronzer ».
La salle était maintenant dans un état paroxystique. Des bruits d’explosion venus de l’extérieur du bâtiment ponctuaient la harangue du candidat. Il continua sans se laisser impressionner et
lâcha un « je vous aime » qui fit fondre toutes les résistances. Le courant passait très fort.
Vint ensuite le temps des questions où la salle s’apaise, attentive et réfléchie, où l’enthousiasme mute en ferveur. Entre temps, le conseiller chargé de l’organisation du meeting avait rassuré
le candidat : les pales des trois éoliennes arrachées par la tempête avaient surtout fait des dégâts matériels. Une dizaine de maisons détruites et un jardin d’enfants rasé. Pas de mort. Des
blessés, mais pas trop graves.
Le candidat reprit sa harangue et voulut entonner le chant national, mais personne ne l’entendait plus : le son était coupé. Seules les installations de sécurité, alimentées par du
fuel lourd, clignotaient. La foule des supporters hésitait. Ils étaient accoutumés aux luttes contre les ennemis de la nature et à la lueur incertaine des feux de bois, pas aux éoliennes qui
explosent ! Puis, le bruit courut que de gigantesques éruptions sur le soleil avaient bousillé des milliers de cellules photovoltaïques. Les portables s’étaient tu. La Nature créait de la
confusion !
Un conseiller courut dans la foule pour rassurer : « Mes amis, ne vous inquiétez pas ! On va nous rétablir le courant. Fessenheim n’est pas loin, les équipes de la centrale nucléaire font les
connections. Ils vont passer dans la salle! Surtout, pas de réaction d’hostilité. Elles seraient mal venues. Ces gens sont comme nous, des travailleurs de bonne volonté.
Enfin l’électricité fut rétablie, pour rien, la salle avait été désertée. Pour qu’une foule soit électrisée, il faut qu’elle soit branchée. Sinon, c’est du vent. Elle sonne creux.
S'amuser à Paris
Dans je ne sais quel film des années soixante, Francis Blanche déguisé en Obersturmführer s’exclamait hystérique et ravi que Paris serait transformé en Luna Park. L’idée traînait
certainement parmi les idéologues et politiciens allemands de cette funeste période. Choquante idée, Ô combien! et malsaine, mais bien dans l’esprit des fous au pouvoir chez nos voisins.
Paris, lieu de fête un peu canaille, Paris la grisette, Paris le trottin, Paris cancan ! Faute de parvenir à leurs noirs desseins, ils imaginèrent faire de Paris un feu de joie
et livrer la capitale aux flammes dans un grand élan de folie wagnérienne !
Folie ? Pourtant depuis ces années sombres, l’idée a fait son chemin…
Paris est une fête ! Il faut rendre Paris aux Parisiens ! Entendez-vous tous ces cris : ils dénoncent la mainmise du "capital sur la capitale". Belle formule qu’on doit à un chargé
de communication de la Femme-Maire. « S’il n’y avait pas le Boulot, croyez-vous qu’il y aurait le Métro et le Dodo ? » dénoncent-ils ! «Et les bus qui débordent de passagers
et le métro surchargé et les traits tirés, les visages chiffonnés». Le boulot congestionne Paris ! Les embouteillages, les fumées toxiques de toutes sortes sont le produit vicieux d’une
ville que les entreprises ont enchaînée. Une ville où le travail est roi, assombrie par des foules grises, levées à pas d’heure, qui la traversent sans la voir.
La Capitale veut se soulever contre cette malédiction ; cela ne peut pas durer. Pied de nez à l’oppression par le travail, le sable a pris l’habitude de faire de l’œil au soleil et
Paris-plage offre pour pas cher quelques émois grillants à des chairs huilées. Veut-on être envoyé au septième ciel ? La grande roue est là qui tourne, tourne, tourne tout au long de
l’année, figure indispensable au bel ensemble géométrique qui déroule son cube, ses arcs et sa pyramide.
Paris laborieux, Paris dangereux… mais Paris valeureux, Paris rompt méthodiquement avec la malédiction du travail. Il faut le dire et le chanter, Paris est une ville de gaieté, d’amour et de
flânerie ; Paris, c’est la fête, celle de la musique, du cinéma, celle du marathon et de la finale du tour de France. Il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. Après avoir
donné des spectacles aux Parisiens, il faut en faire des acteurs. L’homme nouveau qui s’amuse ne peut pas être passif, il aime rire et faire rire, voir les sportifs courir et courir lui-même.
Rome s’était dévoyée dans des jeux sadiques, Paris réjouit le monde en lançant une Chasse au Trésor. Comme des enfants à l’humeur joyeuse, on partira « à l’aventure dans les
rues de la Capitale ».
La Capitale de la France va devenir un vaste terrain de jeu dans ses arrondissements mais aussi à Saint-Denis et à Aubervilliers. Près de 30 000 participants sont attendus. On va bien
s’amuser !
Ils recevront du revenu universel pour vivre parce que pendant qu’ils joueront ils ne pourront pas travailler.