Face à l'économie numérique, les puissances challengées ?
Mélenchon est-il un Trump de gauche ?
L'inflation, l'inflation toujours recommencée
Quand le dollar monte, le bitcoin baisse, entre inutilité et effondrement
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L’économie numérique est partout. C’est une évidence, au moins si on s’en tient à un suivi régulier de la presse économique, aux colloques et aux déclarations gouvernementales. L’économie numérique est partout dans les esprits, dans les plans que font les entreprises et les pouvoirs publics, et dans les politiques économiques.
Ressasser cette antienne ne mène pas loin, il faut préciser que l’économie numérique, c’est l’économie de la donnée ou bien, en utilisant un anglicisme, la data. Les sociétés modernes sont progressivement saisies par un impératif universel : faire émerger, capter et traiter les données, comme il y a longtemps d’autres impératifs universels s’imposèrent, à savoir l’électricité, qui appela des capitaux considérables et provoqua des transformations sociales et économiques totales. Avant elle, la maîtrise de l’énergie fournie par la vapeur provoqua de profondes ruptures et transformations. Et encore avant elle, les révolutions de l’eau et du vent qui firent passer les sociétés traditionnelles dans le monde préindustriel.
L’économie numérique serait ainsi la quatrième ou cinquième révolution industrielle : une révolution radicale. C’est au nom de cette révolution que l’ensemble des acteurs politiques et économiques, entreprises ou agents privés, États et collectivités publiques déploient des budgets, des plans et des investissements de plus en plus considérables.
Économie numérique, économie de la donnée
Faut-il préférer à « économie numérique » l’expression « économie de la donnée », la fameuse data ? Peut-être dans la formulation française de cette nouvelle révolution trouverait-on une meilleure distinction entre ce qui ressort des matériels et des ruptures technologiques qui les concernent et ce qui appartient aux technologies et aux ambitions « immatérielles ».
Il y a une dizaine d’années, l’univers de la donnée était strictement « un terme utilisé dans le secteur des télécommunications ». Ce terme s’est généralisé, s’est étendu et s’est approfondi : la donnée touche à tout ce qui est information, or, l’information touche tous les secteurs de l’activité humaine ou des environnements humains, qu’il s’agisse du secteur biologique, de l’énergie, des climats, des mouvements de population, de la circulation des virus, des flux financiers, du réchauffement des océans, de la recherche en astrophysique, etc. L’économie nouvelle mondiale est essentiellement une économie de l’information, de sa reconnaissance, de sa capture, de son stockage et de son traitement. Est-ce à dire que la « donnée », marque de notre temps, n’existait pas auparavant ? Évidemment non ! Ce qui a changé c’est l’aptitude à la faire émerger massivement et à en tirer de nouveaux pouvoirs colossaux.
Les acteurs de cette économie nouvelle, les États, mais aussi les entreprises et l’ensemble des agents économiques ont à faire face à l’obligation de répondre à ce déferlement d’informations, mais aussi d’agir pour en assurer le développement et les contrôles.
On répètera qu’il en est ainsi depuis la nuit des temps, offrant l’image éternelle du glaive et du bouclier.
Mais avant d’évoquer les conditions dans lesquelles cette image prend tout son sens, il faut dire un mot des contextes humains dans lesquels la révolution de la donnée se déploie.
Les trois univers de l’économie numérique
Trois univers se confrontent, marquant trois conceptions de la société et trois types de contraintes. Ces univers sont les puissants de ce jour : (par ordre alphabétique) la Chine, les États-Unis et l’Union européenne.
L’Union européenne est le parfait exemple des contraintes qui sous-tendent la mise en place d’une politique de la donnée. Ce n’est qu’après des années de discussion que l’Union a su mettre d’accord les pays qui la composent sur les conditions d’un déploiement de cette politique. Elle affrontait un double problème inhérent à sa constitution culturelle et politique : rassembler 27 pays dont la taille démographique varie dans une proportion de 1 à 140 ! Certes, l’union fait la force, mais pas d’union sans adhésion de chacun à un projet commun. Les récentes réunions sur le thème de la cybersécurité ont donné lieu à ce commentaire : « Quelques maîtres mots résonnent : ambition, passage à l’échelle, coopération, solidarité, souveraineté numérique. Des intentions qui, il y a seulement une décennie, n’étaient pas si intuitives. » L’Union européenne est un mode collaboratif de développement de l’économie de la data, mêlant les principes d’une politique volontariste et les contraintes liées à la diversité des nations qui la composent. En juillet 2021, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le début d'un projet pilote de deux ans en vue d'introduire un euro numérique.
La Chine affronte une autre complexité : c’est un pays-monde par la taille, la diversité des cultures et des situations économiques locales. Comme indiqué dans son XIVe Plan quinquennal (2021-2025), la Chine va poursuivre ses investissements en matière de recherche et développement dans l’économie numérique. On citera deux traits emblématiques de l’importance qu’elle attache à l’économie de la donnée. L’avance de la Chine est considérable dans l’univers des monnaies digitales souveraines caractérisées par leur complexité technologique et leur puissant impact social et économique. Là où la plupart des pays développés en sont au stade des études ou, au mieux, au stade des expérimentations, la Chine est en phase d’implémentation, notamment grâce à la Banque populaire de Chine (BPC, soit la banque centrale du pays) et à son yuan numérique. En effet, la BPC a annoncé le 2 avril que son programme pilote de yuan numérique allait être étendu à davantage de villes du pays suite à son fonctionnement réussi au cours des dernières années. La monnaie fiduciaire numérique chinoise, ou e-CNY, sera ainsi accessible dans les municipalités de Tianjin (nord de la Chine) et Chongqing (sud-ouest), les villes de Guangzhou, chef-lieu de la province du Guangdong (sud), Fuzhou et Xiamen, dans la province du Fujian (sud-est), et six villes de la province du Zhejiang (est) qui accueilleront les Jeux asiatiques de 2022. D’autre part, la Chine est en passe de créer une économie totalement nouvelle fondée sur la construction d’infrastructures gigantesques : giga-ordinateurs, technologies quantiques de transmission et protection des données, puissance de calcul affectée à tous les domaines sociaux et économiques.
Les États-Unis, enfin, ont eux aussi à affronter des défis économiques et sociétaux d’autant plus aigus que c’est en leur sein que l’économie de la donnée a émergé et pris une forme révolutionnaire. La grande différence avec l’Union européenne et la Chine tient à l’origine presque totalement « privée » de ce mouvement et à ce qu’y émergent sans cesse des créateurs, des entreprises et des consommateurs s’intégrant très vite dans « l’économie de la data ». Ce processus où l’on voit l’État américain laisser à des conglomérats gigantesques la liberté de traiter de pans entiers d’attributs et de compétences de l’État n’est en soi pas original : les grandes transformations économiques américaines sont venues de cette initiative entrepreneuriale et de son enracinement libéral. En revanche, non seulement les entreprises ressortant de l’économie de la data changent l’échelle de la puissance privée et paraissent de plus en plus portées à « challenger » les pouvoirs publics américains, mais elles s’expriment aussi comme de nouvelles multinationales au-dessus des États.
Le monde de l’économie numérique n’est pas « neutre »
N’ayons pas d’illusions, l’économie digitale, l’économie de la donnée n’est pas « neutre et scientifique », elle devient progressivement un lieu éminent de luttes pour la suprématie de cultures et de valeurs sociales. Elle transforme la façon dont les grands ensembles culturels et politiques conçoivent l’Homme et se proposent de façonner son avenir aussi bien individuel que collectif.
Dans un monde qui se fragmente, où les Internet nationaux commencent à morceler l’univers digital de l’Internet des débuts, les économies numériques disposeront d’armes sans pareilles, le combat pour une vraie éthique demandera très vite de nouveaux boucliers.
Prise en étau entre les deux puissances actuelles que sont la Chine et les États-Unis, la vieille Europe peut encore réussir la prouesse de s’émanciper de l’Internet américain et de construire une économie numérique autour de ses valeurs humanistes.
La force de l’Europe réside dans l’apport de nouvelles valeurs, de réflexions profondes en matière d’éthique, de législation afin de proposer une civilisation connectée et humaniste. Seraient-ce ses propres « Routes de la Soie numérique » ? Ce seraient surtout des routes qui s’écarteraient de la pure et pire recherche du rendement à court terme et promouvraient l’idée que l’économie numérique doit suivre « une vraie route » au service de l’Homme.
*Pascal Ordonneau est essayiste et secrétaire général de l’Institut de l’Iconomie.
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« La mer, la mer, toujours recommencée »
En pensant à l’inflation je sentis ce vers extrait du Cimetière Marin remonter du plus profond de ma mémoire et devenir "L’inflation, l’inflation toujours recommencée". Nous voilà retournés dans des temps « Que les moins de vingt ans/Ne peuvent pas connaître… »
« Elle est retrouvée ! quoi ? l’inflation ! »
N’a-t-on pas l’impression que cela fait des siècles qu’on en parle, qu’on la chante et qu’elle déchaine des passions syndicales ? Ne voit-on pas qu’elle revient en ce moment même où les peuples s’agitent et se veulent querelleurs ? N’est-il pas vrai qu’une façon de se montrer volontaire sous le regard de l’électeur commun consiste à se porter en tête de la lutte contre l’inflation qu’on voudra "sans merci": on ne fera pas de prisonnier.
Ferais-je du mauvais esprit ? J’oublierais la France souffrante, celle qui recherche, nos plateaux-télé en sont les témoins outragés, le meilleur prix dans les réclames, les pâtes pas chères (si achetés par 50 kilos), l’essence en Espagne parce qu’elle y est moins chère (même au prix de 100 km de détour).
Bien sûr que je fais du mauvais esprit. Allons, je vais me rattraper et dénoncer ceux qui ne sont pas victimes de l’inflation, ceux sur le dos desquels, elle glisse comme l’eau sur les plumes d’un canard, les rentiers. Il est très clair que le rentier, être haïssable à ce point qu’un britannique modéré comme Keynes voulait l’euthanasier, n’est pas vraiment touché par la valse des étiquettes. Quand vous épargnez 40% de votre revenu, l’inflation ne vous concerne que de façon très limitée ! On n’insistera pas sur l’injustice qui en découle. Mais aussi, attention! Il est des consommateurs qui parviennent à échapper à certaines hausses des prix : le cycliste, le piéton ne souffrent pas de l’explosion des prix des carburants. Il ne faut pas non plus oublier que les Français ne roulent pas plus de 25 km par jour pour ceux qui se déplacent en automobile.
Si je voulais être provocateur, je tiendrais pour vrai cette idée qui tend à se répandre : chez Hermès, le prix des sacs Birkin est resté stable.
Je crains qu’à soutenir ce genre de proposition, on en vienne à penser que l’affaire de l’inflation est un truc gouvernemental qui succéderait au covid pour maintenir la pression sur nos concitoyens et les inviter à obtempérer aux recommandations des pouvoirs publics. L’inflation serait un moyen de les culpabiliser et de mettre leurs velléités d’indépendance sous le boisseau.
Reconnaissons qu’il est des comportements surprenants dans cette « soi-disant » période inflationniste. Pendant que la ménagère économe se précipite sur les soldes et les opérations « pouvoir d’achat » des grandes surfaces, ces dernières se livrent à des promotions de plus en plus impressionnantes pour des produits de première nécessité : la demande pour les barbecues serait en passe d’exploser. Tous les Français (ou à peu près) ont un jardin. Tous les Français ont des copains. Donc les parties « barbecue » explosent. Donc, la demande de barbecue...
D’après les études menées sur ce thème : les gens qui luttent contre la montée des prix des denrées alimentaire et de l’essence sont souvent les mêmes que ceux qui achètent des barbecues. Je ne parlerai pas des piscines et des croisières sur de gigantesques bateaux.
Pour pimenter le tout, même la finance s’y est mise : on a vu passer une étude très sérieuse indiquant que « malgré l’inflation, les Français vont accroitre leur épargne ».
L’inflation est maintenant prise en charge sur les plateaux-télé? C’est un mauvais signe pour la stabilité de la société française et pour la tranquillité des esprits. L’inflation, n’est-elle pas l’ennemi des classes moyennes ? Or, les classes moyennes, les plateaux-télé sont fermes sur ce point, souffrent. L’inflation disent-ils les fera davantage souffrir. Les plateaux-télé s’en feront la caisse de résonnance. On les a vus à l’œuvre dans la fameuse affaire du covid. On les sait très compatissants vis-à-vis de la France des banlieues et des petits bourgades méritantes du pourtour du Massif central. Ils n'ont pas hésité à demander des comptes à nos gouvernants :"Mais font nos gouvernants"
Les plateaux-télé pourraient bien recruter Raoult et l'inviter à proclamer les mérites de sa chloro-truc dans le traitement de l’inflation. Il faudra alors s’attendre à ce que le slogan « Mais que font les pouvoirs publics ? Soutien au professeur Raoult! » deviennent la nouvelle scie des manifestations anti-inflation et antivax.
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