- Pour une politique européenne de la Prison
- Marina Black
- Simone Veil, emportée à dos de locomotive, par le peuple qu’elle a séduit
- Le Mont Saint-Michel doit-il devenir le « MSM resort » ?
Marina Black est une remarquable photographe, inspirée et stimulante. Je lui ai consacré une chronique à l'occasion de l'exposition de son travail chez Vu.
On pourra la lire et apprécier son art en suivant ce lien.
Elle fait paraître une newsletter fort intéressante qui se nourrit de son art, mais aussi de son enseignement, des rencontres avec des artistes dans tous les domaines.
Pour profiter de cette newsletter il faut suivre ce lien.
Accessoirement (mais vraiment très accessoirement) Marina a eu quelques mots sympathiques sur ce que j'écris de temps à autre sur l'Art en général et la photo en particulier.
And finally, some of you who read my previous newsletters, are probably familiar with the name of Pascal Ordonneau – a writer and one of the French collectors, who acquired my photographs at the Galerie VU’ last year. I subscribe to his Pensée [Thoughts], and here is one of his articles on Beauty and Artificial intelligence.
A plusieurs reprises, je me suis fait l’interprète de la lancinante question des hauts lieux du tourisme. J’ai lancé des enquêtes sur Venise, Florence et même Delft, toutes localités envahies par le tourisme de masse.
Comment accueillir et non pas exclure tous ces gens, avides de beau, de bon et de bien. Comment réguler sans contraindre ? Comment organiser l’accueil et le transit de ces masses de touristes, parents, enfants, femmes, jeunes, étrangers ou indigènes, de sorte qu’ils ne dérivent pas en capharnaüm, chaos, voire en Barnum. Mais voilà où le bât blesse : on ne peut pas improviser la structuration d’activités aussi complexes.
On s’en rend compte à Venise dont la gestion a été confiée à une filiale de Disney Resorts. Le résultat est dramatique : des paquebots gigantesques abordent la place Saint Marc, les touristes suivent des cheminements obligatoires. Des gardes armés surveillent la foule informe et apathique. Ils n’hésitent pas à tirer en cas de manquements aux règles de la circulation touristique.
La France ne peut pas vouloir ça. Entre l’extrême rigueur d’un parc à l’américaine et le laisser-aller de celui de Notre Dame des Landes, il y a place pour la mesure et l’humanité. C’est pourquoi il est question de créer une zone d’expérimentation. On vient d’annoncer qu’elle serait déployée au Mont Saint Michel : de nombreuses insuffisances gâchent la fréquentation de ce monument. On a constaté qu’à certaines heures ou périodes de l’année, les visiteurs sont rares quand un peu plus tard ils se marchent sur les pieds. Les parkings sont uniformément chers au lieu d’offrir des discounts quand il n’y a personne. Les commerçants ferment leurs boutiques si cela leur chante oubliant qu’ils ont une mission de service touristique au bénéfice des visiteurs.
De l’artisanat à l’ère d’internet. Du bricolage, à l’heure de la blockchain. Du bidouillage incohérent : les professionnels et autres « locaux », prêtres, boutiquiers, restaurateurs, techniciens de surface, postiers et cégétistes s’imaginent qu’ils sont dans un village où ils peuvent vaquer à leurs occupations comme si l’ouvrier dans son usine pouvait aller et venir à son gré selon sa fantaisie et ses horaires auto-définis.
Tout ceci va faire l’objet d’une « ré-ingénierie ». Un avantage du lieu réside dans le fait qu’il est ramassé et isolé. C’est excellent pour mener une expérience en grandeur nature. Le Mont Saint Michel va devenir une vraie machine touristique, avec des intrants, les touristes, des moyens de production, les bâtiments depuis les jolies masures jusqu’au grand machin gothique, et des collaborateurs rémunérés selon la nature de leurs prestations. Les moins bien payés auront un job assez simple : ils feront « habitants ». Les plus chers seront moines assermentés. (Ils interviendront pour le forfait spécial « le Ciel à votre portée »).
Une fois les tests bien rodés, ce sera au tour de Paris. Avec un atout : les infrastructures du Grand Paris, ses cirques, ses stades, ses basiliques et son 9-3 (avec un forfait spécial « l’Enfer à votre portée).
Dans le métro en ce début de mois de juin, je pensai à cette sombre histoire de Boris Vian dont on prétendit honorer l’œuvre et la mémoire en lui attribuant une des voies les plus innommables de Paris. La famille s’en plaignit récemment jugeant à raison que l’homme valait mieux que les poubelles où on l’avait installé.
Comme je descendais à la Station Europe, je découvris qu’elle était devenue « Europe-Simone Veil » !
Parmi la masse anonyme des stations, je la connais bien cette station « Europe » et la place à qui elle soit son nom. Carrefour des capitales, elle reçut son nom avant 1914, bien avant que l’Europe fût devenue une ardente obligation. Une capitale manque pourtant ! C’est Berlin. En 1914," la rue Berlin" perdit son titre au profit de "Liège".
Je m’attardais sur le quai afin de vérifier et constater que le classique panneau émaillé "lettres blanches sur fond bleu", énonçait en effet : Europe-Simone Veil.
J’aime bien la place de l’Europe pour ce que son titre porte de symbole mais je l’apprécie surtout pour mes souvenirs d’enfant. Avec le pont Cardinet et les autres ponts, celui de la rue des Dames et celui de la rue Legendre, elle faisait partie des merveilleux passages au-dessus des lignes de la gare Saint Lazare. Avec un peu de patience on pouvait s’immerger dans les nuages de vapeurs et les volutes de fumées des locomotives du réseau Ouest car la place de l’Europe, n’est pas une place, mais un grand pont au-dessus des voies ferrées sur lequel plusieurs rues viennent se croiser. La place de l’Europe, c’est beaucoup de vide et très peu de « place ». Ce ne peut pas être Simone Veil.
Perplexe, je cherchais par quelle aberration mentale on avait éprouvé le besoin d’associer les deux noms. L’origine même du nom d’Europe ne peut pas être flatteur pour la très célèbre et respectée ministre. Bien sûr, Europe était fille de roi. Bien sûr elle sut séduire Jupiter. On aurait voulu honorer sa capacité de séduction source de ses succès politiques ?
Finalement, j’en revins à Boris Vian et surtout à la nomenclature des rues parisiennes. Dans mon ouvrage "Paris méconnu raconté par ses rues" j’ai longuement commenté cette situation très étrange : les beaux noms de principes ou d’individus, de héros ou d’événements grandioses sont bien souvent relégués dans des rues ou des passages obscurs : Saint-Paul, par exemple, et Saint-Pierre, et Dieu lui-même, la Liberté aussi, sans parler de la Fraternité ou de la Confiance, en sont les exemples caricaturaux.
Ou bien on l’aurait fait exprès ! Des ennemis politiques l’auraient installée dangereusement à deux pas d’une des rares catastrophes ferroviaires de Paris.
Placer le nom de Simone Veil sur une place qui surplombe le vide, un croisement pour bagnoles au-dessus du défilé hurlant de milliers de trains transportant des millions de voyageurs, répondrait donc à cette étrange habitude : "Plus les noms sont nobles et moins les rues que les portent sont dignes d’attention".
La prison de Bréda a fermé ses portes en 2016. Les raisons de ce gâchis : le royaume des Pays-Bas, dispose de capacités pénitentiaires surdimensionnées face à une population carcérale qui se raréfie.
Un journal reportait « Contrairement à plusieurs de ses voisins européens comme la Belgique ou la France , les Pays-Bas voient leurs prisons se vider depuis plusieurs années. Du coup, dotées de capacités pénitentiaires surdimensionnées face à une population carcérale qui se raréfie, des geôles néerlandaises vont mettre la clé sous le paillasson ».
Il y aurait 4.000 places vacantes.
« Alors que les maisons d'arrêt néerlandaises disposent aujourd'hui d'une capacité d'accueil de 13.622 prisonniers, pas plus de 9.813 cellules seront occupées en 2023, soit près de 4.000 risquant d'être vides d'ici cinq ans, selon les prévisions ».
Cette situation devrait conduire la communauté européenne à réagir : s’il y a une offre de locaux pénitentiaires pléthoriques dans certaines zones de l’UE, il serait convenable de la compenser en tirant parti d’un excès de demandes d’incarcération dans d’autres.
C’est un sujet qui nous tient à cœur depuis longtemps. Nous reprenons ici les conclusions que nous avions tirées d’un rapport sur la question de l’incarcération de condamnés français.
Les idées toutes faites nous tuent plus facilement que les pensées nouvelles, en matière intellectuelle et spirituelle, la prise de risque doit toujours être recherchée. La marche, n’est-elle pas un déséquilibre organisé ? Celui qui veut avancer ne doit-il pas se risquer à se casser la figure ? A l’opposé celui qui refuse cette prise de risque se transforme en statue.
Ce prologue pour traiter d’une question qui fera toujours mal : les prisons, leur implantation et leur gestion.
Et si les belges nous avaient montré la voie ?
Voici que les belges viennent de pulvériser les images et impressions communes. Ils ont attaqué la question de la prison en adoptant un angle novateur. Regard nouveau, nouvelles idées: la mission de la prison est de produire de l’immobilité, en termes économiques la prison est un lieu de stockage. La localisation de la prison est donc un sujet sans intérêt et en tout cas moins intéressant que la question du coût. Toute localisation qui assure le maximum d’immobilisation pour le minimum de coût est bonne à prendre. C’est une véritable révolution copernicienne que nos voisins viennent de lancer et de mettre en application sur la base d’un accord passé avec les Pays-Bas. Les prisons belges seront externalisées et délocalisées. Ceci rompt totalement avec l’idée que la prison est le paradigme de la société. La position belge renverse de nombreuses idées reçues.
Michel Foucault avait réinstauré les prisons à égalité avec les hôpitaux, les maisons de fous, les sous-préfectures etc. « Quoi d'étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons ? » disait-il, avec ce talent polémique qui a fait le succès de ses approximations. Quoi d’étonnant qu’un grand intellectuel brosse à grand trait un tableau de la société où la prison est le paradigme du bâtiment public ? Tout le monde s’y est laissé prendre. La prison focalisait un monde d’idées reçues.
Penser l’Hôpital est relativement commode. C’est un espace de production de la santé. À ce titre, il a beaucoup de points communs avec l’Usine. Outre le caractère technique d’espace de production qui déploie des réponses identiques à des contraintes semblables, ils sont traversés par des flux permanents d’hommes, de services et de marchandises, entrants et sortants et qui, par principe, n’entrent que dans la perspective de sortir. Dans les deux cas, l’accumulation de stocks est un signe d’inefficacité ou d’échec. Les malades de très longues durées, les vieillards qui sont parqués dans leurs lits ou sur des fauteuils roulants, tous ceux-là qui sont incapables de bouger, vivants ou morts sont autant de manifestations d’un ratage, comme les produits d’une usine stockés faute d’être vendus et qui sombreraient en « nanars » parce qu’inadaptés, trop chers, trop vieux ou trop peu fiables.
Peut-on étendre à la prison, comme Michel Foucault l’a si brillamment exposé, cette conception de l’Hôpital, sachant que la prison est l’objet de tous les désirs de pouvoir, qu’elle est le lieu où sont enclos ceux qui ont défié les pouvoirs et qu’elle est le symbole par excellence de l’exercice du pouvoir dans ce qu’il a d’ultimement contraignant. Si on suivait notre philosophe, tout militerait pour que la prison fût le plus prés possible des lieux de pouvoirs. La localisation de la prison serait donc surdéterminée !
Et si la localisation des prisons n’était qu’un sujet secondaire ?
C’aurait pu être une bonne idée, mais, non ! la prison ne ressemble en rien à l’Usine, ni à l’Hôpital. Une prison, c’est fait pour fabriquer de l’immobilité, pour reprendre les images industrialistes. Un hôpital, doit être dans la proximité la plus efficace possible des flux qu’il doit traiter, une usine et un tribunal de même. Une prison n’a pas à traiter de flux, elle est indifférente à cette contrainte de proximité. C’est dire que sa localisation est un aspect secondaire.
Si la prison ne peut pas être rapportée à l’usine, ni à l’hôpital, quelle est-elle ? Une partie de la réponse se trouve chez Michel Audiard « A partir de novembre, pour les clochards, il n'y a plus que deux solutions: la Côte d'Azur ou la prison ». Justement dit, l’hiver venant, la question est, pour cette catégorie socioprofessionnelle, de savoir où stationner pour éviter les souffrances liées aux frimas, aux blizzards, à la neige, à la pluie. Stationner, le mot est lâché. Pourquoi la prison ? Parce que c’est un bon refuge, un endroit qu’on utilise pour éviter de bouger. C’est un lieu de stockage, un lieu, où les flux sont réduits au maximum. Et de même, dans une prison, il n’y a pas de flux entrants et sortants. La mission d’une prison est d’éviter que bouge ce qu’on y a stocké. Une prison passoire est l’antithèse d’une prison. C’est un hôtel, une banque, un hôpital… où n’importe quoi de ce genre mais pas une prison. La localisation de la prison est donc un sujet sans intérêt et en tout cas moins intéressant que la question du coût
A ce stade, il faut maintenant oser. Ce que les belges ont été capable de concevoir, il serait quand même surprenant qu’une grande nation comme la France ne puisse pas le faire. La question porte sur l’éventuelle délocalisation et externalisation des prisons françaises, sur leur localisation, pour qu’on ait le plus d’efficacité et le moindre coût ?
Et si l’Islande était un bon territoire pour installer nos prisons ?
A priori, Il parait que la meilleure localisation est l’Islande. De la part de la France, ce serait un bel exemple d’entraide que d’y exporter les fonctions d’emprisonnement et de donner un coup de main à ce petit pays qui a eu tant de malheurs dans la crise financière et bancaire.
Parlons de coûts ! La devise locale s’est effondrée de 80%. Le prix du terrain à construire tangente zéro. Il y a de l’eau partout, ce qui est important pour la santé des prisonniers. L’activité volcanique réduit à peu de choses le coût de l’énergie consommée. L’émission de carbone peut donc être limitée. La main d’œuvre de gardiennage est disponible du fait du chômage et de la disparition des baleines. La compétence des indigènes dans le maniement du filet est rassurante pour ce qui concerne le retour des évadés. L’Islande est une île agréable et sympathique, à l’écart de tout, ce qui favorise l’immobilité (si les islandais avaient été mobiles, tout le monde le saurait et les USA auraient probablement été colonisés dès le 9ème). Le poète a dit « il n'y a point de laides amours, ni de belles prisons » ! Il est bien connu que le paysage islandais est plutôt sévère tendance sinistre, il ne pourrait pas être abimé par la présence des bâtiments pénitentiaires.
Tout concourt donc…et l’initiative belge nous montre le chemin.
Il y a pourtant une difficulté dans ce beau programme énonceront les esprits chagrins: la prison ne renferme pas que des condamnés à la perpétuité. Il y a des peines courtes, il ya des peines moyennes et il y a des longues. Le postulat, « il n’y a pas de flux, ni entrants, ni sortants » se trouve donc malmené. En réfléchissant, cet argument n’est que le sous-produit d’une lorgnette utilisée à contre-sens. Cela indique simplement que la peine longue légitime l’emprisonnement lointain, et inversement ! Donc l’Islande pour les longues peines (ou le Groenland) et l’Angleterre pour les plus courtes (ou l’Irlande). Selon la durée des peines, les établissements pénitentiaires seraient répartis sur des distances de plus en plus longues.
Et Les familles ? dira-t-on pour essayer de tuer une bonne idée dans l’œuf. La réponse est simple, ce sera pour elles une belle occasion de faire du tourisme. L’Islande qui est à la recherche de tous les moyens pour rembourses ses dettes ne manquera pas de faire des tarifs sympathiques et d’y ajouter activités sportives et ludiques propres à faire de ces visites de vrais moments de bonheur !
Les fameux esprits chagrins pourrait demander pourquoi on n’exporterait pas nos prisonniers ailleurs, en Afrique, ou même plus loin. Pourquoi ne pas penser à l’Atlas, au Hoggar….
Lorsque nous en serons là, une bonne et saine compétition entre pays d’accueil, aura déjà fait baisser les prix et réduira donc le coût de l’institution pénitentiaire. Le marché ira donc au mieux-disant. Le progrès que les Belges nous auront fait faire sera l’équivalent d’une révolution à la française.
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