Contenu de cette page:
- Les horizons de l'économie, entre banques centrales et traders (paru dans Huffington post France et Huffington Québec)
- Uber:"Avec Uber, libérons les talents laissés en friches".
- Pour la Grèce, une Europe créative
- La Grèce: ce n'est pas fini (paru dans Huffington post France)
- Tapie et son super-bonus : le retour IV (ou V … je ne sais plus)
- Le statut de la femme: un indicateur de civilisation
- Exaspérations et fureurs
Tapie et son super-bonus : le retour IV (ou V … je ne sais plus)
Ça y est, c’est reparti Tapie! Un milliard d’Euros. Il ne se contentera plus de sucres d’orge ou de poudre de perlimpinpin. Les nouveaux avocats de Tapie sont repartis à l’attaque. Il paraît qu’il est lui-même bluffé par leur gnac et leur dynamisme. Et c’est bien parce qu’il le mérite vraiment son bonus, Bernard Tapie! Il faut qu’enfin justice soit rendue. D’abord il a été patient ! Un justiciable qui attend un quart de siècle qu’on reconnaisse ses droits est un citoyen qui respecte la justice et reconnait la nécessité de sa noble lenteur. C’est un citoyen estimable et raisonnable. Il faudra réactualiser le bonus? Normal! Le Franc d’il y a 25 ans, c’était autre chose que l’euro d’aujourd’hui. Une vraie compensation sera légitime.
Il a eu raison d’être patient, Bernard Tapie! Son bonus quand on y réfléchit, il va l’avoir à l’ancienneté. Personne ne se souvient plus trop bien ce qu’il a fait pour le mériter. Il a réussi à renverser la charge de la preuve. La question n’est plus de savoir s’il méritait un bonus en conséquence de sa gestion, de son génie des affaires ou de ses visions de stratège. La question devient: « Au nom de quel droit lui refuse-t-on son bonus? Pourquoi, à la fin des fins, ne donnent-on pas à ce type ce qu’il demande depuis 25 ans ?»
Et nos concitoyens de surenchérir : «Voilà un type qui sait ce qu’il veut et qui s’accroche. Il voulait son bonus. Il s’est battu pour. Il l’aura ! C’est justice!». Ils disent aussi : «c’est drôlement une belle leçon pour tout le monde. Quand on a des convictions, quand on veut arriver, eh bien, on arrive ! ». Beaucoup s’indignent, surtout les avocats à qui Tapie confie ses affaires. Ils disent aussi : «Comment, est-il possible de faire attendre tout ce temps un monsieur qui n’a rien fait?». Ce qui est vrai ! Tapie n’a absolument jamais rien fait.
Réveillons-nous! Tout ceci, c’est pour la façade! C’est pour ne pas désespérer «les quartiers». Pour rassurer les enfants de la diversité en leur montrant qu’avec de la patience et de la volonté on ramasse aussi le paquet.
Réveillez-vous ! Le bonus de Tapie c’est comme le super-bonus des bagnoles.
Plus le bonus écologique est élevé moins on a à craindre la pollution car il s’agit de retirer de la circulation les véhicules les plus nocifs. Le super-bonus, c’est la prime à la casse. Donc, plus il y a de bonus, moins il y a de pollution. Pourquoi ces comparaisons? C’est pour répondre à ceux qui s’opposent à ce qu’on octroie le moindre bonus à Bernard Tapie. Il faut leur faire comprendre que le bonus n’est pas illégitime. Ce super-bonus donné à Bernard Tapie, c’est comme le super-bonus pour éliminer les vieilles bagnoles, c’est pour le sortir du circuit. Une sorte de golden good-bye.
Enfin, l’air redeviendra pur et la vie, claire.
Humeur 107
Dans un billet récent, je commentai l’adage célèbre selon lequel : «Trop de dettes ne tue pas la dette» contrairement à ce qu’on pourrait attendre, «mais tue l’endetté» et appelai à des formules créatives, nouvelles et éventuellement non économiques pour sauver les Grecs.
«Sauver les Grecs» a le sens très fort de «garder les Grecs dans la Zone Euro». Quoiqu’ils en pensent ! Un débiteur sous la main vaut mieux que deux dans les fourrés, disent les Anglais.
Les Grecs sont le patrimoine de l’Europe.
L’idée : faire enregistrer la Grèce comme partie indéfectible de la part européenne du patrimoine mondial de l’humanité. Une fois que c’est acquis, on ne peut plus changer quoi que ce soit. Ils étaient endettés, on doit les maintenir endettés. Le problème est bien figé. Les Allemands sont coincés.
Plus près de nous, c’est l’affaire Canal +. Dans un moment d’égarement Merkélien, les « Guignols » ont été menacés. Plus personne ne les regarde. Ça ne rapporte plus rien. C’est ringard. «Nein» s’est écrié le Président de la République, «c’est un morceau du patrimoine culturel français».
Ce qu’on va faire pour les Guignols, on peut le faire pour les Grecs, c’est le même problème.
«A l'allemande»
On parlait de Merkel. Procédons comme les Allemands ont fait avec leurs Grecs à eux: les Ossis. Ils leur ont dit : «nous avons un patrimoine en commun. Nous sommes tous des Allemands. On est congénères». Les congénères, c’est comme les citoyens dans les démocraties: tout le monde est congénère, sauf que certains sont plus congénères que d’autres. Les Ossis ont donc été annexés, virés de leurs boulots, dégagés de leurs avantages sociaux et invités à aller à l’Ouest car là, il y a du nouveau.
Donc, on passe la main des Grecs aux Allemands et on leur laisser faire ce qu’ils ont fait aux Ossis. Tous les Grecs se retrouveront en train de ramasser les patates en Allemagne de l’Ouest.
Le bel exemple de la Corse.
C’est peut-être la France qui a les idées les plus belles. Elle peut s’inspirer de ses rapports avec la Corse. Globalement, sur le plan quantitatif, la Grèce est à l’Europe ce que la Corse à la France. La Corse est dans la Zone française. Pourquoi diable, la Grèce ne continuerait-elle pas à être dans la Zone euro puisqu’elle est comme la Corse, improductive (nombre de fonctionnaires rapporté à la population), touristique (du soleil et quelques belles choses: la Corse des Calanques, les Grecs des ruines ici et là) et largement dépendante d’un univers économique riche.
Il est vrai que la France a insisté pour que quelques corses travaillent au service de tous les Français: ils ont fait postiers, policiers, douaniers, Légion étrangère, inspecteur des impôts. En appliquant les recettes françaises (qui permettent aux habitants de nombreux territoires éloignés de vivre heureux comme un Corse en France), on résoudrait le problème de la Grèce. Et l’Europe ne manquerait plus de douaniers, policiers, postiers et inspecteurs des impôts.
Comment poser le temps de l’action économique des banques centrales et celui des investisseurs, spéculateurs ou banques de second rang publiques et privées ? Le débat sur l’action, les modes d’action et le volontarisme des Banques Centrales a pris une dimension particulière avec le démarrage de la crise de 2008. Pour prendre l’exemple de la liquidité : les banques, en raison de la libéralisation des marchés et de la généralisation de la monnaie dite de banque ou monnaie scripturale, avaient réussi à se « passer » de banques centrales et à se placer « hors la Banque ». Ce faisant, elles rompaient avec les habitudes anciennes de dépendance par rapport à la Banque centrale quand « les banques étaient dans la Banque » c’est à dire quand la liquidité du marché bancaire et des conditions de son accès lui appartenaient. Dans un contexte « hors la banque », la liquidité d’une banque ne dépendait plus que de l’opinion de ses consœurs et des instruments déployés sur les marchés.
Retour vers les Banques centrales ?
La crise a fait faire un gigantesque bond en arrière à l’ensemble des banques du monde entier. La méfiance s’est instaurée entre banques, les doutes les plus virulents ont surgi entre elles quant à la qualité de leurs actifs et, par conséquent, des instruments leur permettant de recourir au marché de la liquidité. Doutant les unes des autres, les banques ne se sont plus prêté. La liquidité s’est effondrée, la production de monnaie par les banques (c’est-à-dire la production de crédits) s’est considérablement ralentie.
Les banques sont revenues « dans la Banque » et les Banques Centrales sont revenues « à la manœuvre » : c’est de leur action que dépend de plus en plus la liquidité des agents bancaires et financiers. Elles ont, en rachetant elles-mêmes les instruments d’actifs des banques, contribué à éviter que la crise de liquidité se répande, que le rôle de préteur à l’économie des banques se fige et que les banques ne se contentent plus que d’encaisser le remboursement des prêts consentis antérieurement. Elles ont ainsi évité que les banques deviennent des transmetteurs de déflation, car si le crédit crée les dépôts donc la monnaie, son remboursement a le résultat inverse : la pire des situations économiques possibles. Les Banquiers Centraux ont eu à jouer un rôle essentiel pour éteindre un incendie nommé « crise de liquidité ».
L’horizon économique et monétaire des banques centrales qui s’était vu marginalisé par rapport à la conception du temps économique propre aux acteurs privés du marché a retrouvé de son lustre.
Le temps aux horizons multiples
Dans un contexte français, en raison des connotations qui entourent le mot « trader », il vaut mieux évoquer le rôle des investisseurs et des hegde funds par opposition aux banquiers centraux. Les premiers considèrent les actifs comme des « objets de marchés » et s’efforcent d’en rationaliser les comportements « de marché » par opposition aux seconds qui agiraient selon d’autres critères et en s’appuyant sur d’autres ressorts que les marchés où les prix sont censés se former et les produits financiers censés résumer les économies et les sociétés « réelles ».
La question centrale ici est celle de la production de valeur, ses modalités et sa « soutenabilité ». Le souci d’un investisseur est, s’il croit que le mode de formation des prix sur les marchés est satisfaisant, de ne pas perturber les jeux en train de se faire entre les courbes de l’offre et celles de la demande. Si les conditions de leur fonctionnement ne sont pas perturbées, ces jeux-là ont l’avantage d’être modélisables, on peut tracer des courbes pour l’avenir, on doit pouvoir croire que les courbes du passé n’ayant pas été perturbées parleront pour le futur etc… On doit pouvoir, sereinement fixer des paris, calculer des risques, ouvrir des positions ou les fermer. A partir de là, on peut donner au temps toute sa valeur …
Les gouvernants, Banques Centrales et économistes fonctionnent dans une autre sphère de temps et couvrent un « champ économique » autrement plus large, qui comprend aussi l’économie des échanges qui ne donnent jamais lieu à prix ! Il s’agit des biens et services gratuits, ou des biens et des prix subventionnés ou bien de ceux dont les prix sont fixés par les Etats. Il s’agit enfin du prix des biens et services fournis par des agents hors marchés, échappant à la fameuse rencontre de l’offre et de la demande.
Ce sont donc deux univers qui ne se superposent pas. Le temps n’y a pas la même dimension ne serait-ce qu’à l’égard de cette question clé : la production de valeur.
Valeur et temps économique
La divergence est donc de nature « essentielle » au sens que donne la philosophie à ce terme. Un investisseur (un trader) résume l’économie et la production de valeur aux prix. L’économie est un théâtre où une chorégraphie subtile assure la rencontre permanente et univoque entre les courbes d’offre et de demande. Il ne faut surtout modifier le décor lorsque la « courbe-étoile » se lance dans toute une série d’entrechats délicats et fragiles. Il ne faut pas que le prix, sa formation, les conditions de ses projections, les rituels que la religion du « marché pur et parfait » impose, subissent la moindre distorsion. A défaut, les prix étant soumis à des pressions erratiques et insoutenables, se comporteraient de toute autre manière que les programmes informatiques le prévoient. Les calculs futurs seraient fragilisés et avec eux tous les produits financiers qui tablent sur les prix pour conduire directement au profit.
Pour un économiste ou une Banque Centrale ou, plus profondément, un gouvernement, l’économie n’est pas un théâtre, un cadre, une grille où par la vertu de la rencontre entre une offre et une demande, par la vertu du libre exercice des « libertés économiques, le sort des agents se règle et, in fine, le sort des citoyens d’un pays ou d’un groupe de pays. L’économie est un univers où viennent s’entrechoquer, s’entremêler, s’entrecroiser des données du monde réel, social, démographique, scientifique, technique et culturel. C’est un univers nécessairement orienté. Il se déploie dans un devenir dont les termes ne sont pas assurés. Pour ceux-là, économistes, Banques Centrales ou gouvernements, il s’agit donc de rassembler tous les moyens disponibles pour que de la valeur soit créée, non pas au sens de la fixation instantanée d’un prix, mais au sens de l’accroissement durable du revenu disponible.
Les deux univers ne sont, nécessairement, pas étrangers l’un à l’autre mais ils ne sont pas au même niveau. Caricaturons : l’investisseur (le trader) doit se préoccuper des conditions les plus finement précises de la progression et de la trajectoire d’une voiture de course sur le circuit du Mans. L’économiste, le Banquier central, doit se demander si la présence du moteur sous le capot de la voiture de course lui est consubstantielle ou, au contraire, accidentelle et, dans cette dernière hypothèse, s’interroger sur le délai qui sera nécessaire pour qu’une voiture munie d’un moteur qui n’a pas encore été inventé puisse affronter les 24 heures du Mans !
Ces univers ne sont pas davantage étrangers dans le déni de leurs rôles et de leurs modes de fonctionnement : des traders qui s’entendent pour former des prix, c’est-à-dire qui s’arrogent le droit de modifier les conditions de fonctionnement des marchés sont à ce stade aussi malsains que les banques centrales qui se lancent dans une production effrénée, sans sous-jacent solide de billets de banque. Alors, les horizons de l’action économique convergent et les manipulations du Libor et du cours de l’or sont de la même eau que les hyperinflation démentielles du type de celle du Zimbabwe.
Image d'après une oeuvre de Louis-Paul Ordonneau
Birkin en a marre des crocos…
Grace Kelly ne savait pas que des malletiers sans scrupules vendaient des copies d’un sac qu’elle avait pris l’habitude de porter. Jane Birkin savait qu’il y avait des sacs Birkin. Elle ignorait qu’ils n’étaient pas en plastique. Elle découvre aujourd’hui que son nom est associé à de monstrueuses pratiques: sous l’emprise d’un dressage vicieux les crocodiles se transforment en sacs. Choquée, Jane veut retirer son nom aux sacs en crocodile (et seulement ceux-là).
Il est urgent d’agir : on pourrait donner Birkin à manger aux crocodiles pour rompre les effets du dressage maléfique. Et s’ils n'en voulaient pas, on les menacerait d'être transformé en cabas pour faire les courses. Pareil déclassement les ferait réfléchir.
Sagrada familia
Une Petite vidéo montre la Sagrada Familia pousser comme le chiendent dans les rues de Barcelone. Elle dévoile une monstruosité naissante, monument arrogant qui accumule les effets de style amphigouriques, temple humain sans âme, sculpture à la gloire du néant, vide spirituel qui s'est rempli de chochoteries, de branquignolleries et de délicatesses en béton ouvragé. L'architecte qui a commis cette monstruosité était plus proche de Dali, sans en avoir le talent, de Montmartre, sans en avoir la hauteur, et de la pièce montée sans en avoir la saveur.
Si on sauve les crocodiles de Jane, on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas empêcher l’érection d’une montagne de saindoux.
Le coupable se nomme Gaudi.
Il n’est pas seul dans son genre. Un autre sévit un peu partout: Frank Gehry. Il a lancé la mode du musée-insecte ou du bâtiment-crustacé. A Bilbao, il a bâti une gigantesque écrevisse. On dit que les enfants n’en dorment plus. A Paris (Neuilly sur Seine), rebelote. Le bâtiment est censé accueillir des expositions. Il est censé être un musée. Il fait davantage histoire naturelle, section entomologie. Devant les portes d’entrée, on s’inquiète, on hésite, on se souvient de la voracité des mantes religieuses. On dit que les enfants de Neuilly ont perdu sommeil.
Les croisières «Sniper»: le virtuel devient réel
Grâce aux Australiens, le tourisme se renouvelle. Faire Sniper en Syrie est enfin accessible ou suivre une expédition punitive de Daesh avec décapitations de mécréants. Si on recherche les vraies sensations extrêmes, on peut équiper ses enfants d’une ceinture d’explosifs et les envoyer à la découverte d’un village Nigérian.
Dans le catalogue, on trouve : se déguiser en «American Policeman» et aller flinguer du black aux Etats-Unis.
La photo d’identité comme œuvre d’art
C’est très trendy. Vous ramassez tout ce que vous pouvez de photos de photomaton (dont le nom vient de «mater» : voir l’expression « nous matons en photos). Vous les encadrez individuellement ou par série. Vous les exposez. Vous êtes un grand photographe.
Vous prenez ces mêmes photos. Vous les développez en format «supermaton» genre deux mètres sur deux. Vous êtes un très grand photographe. Ce qui est normal puisque vous avez fait une très grande photo.
Dans toutes les grandes expositions.
Donc, c’est fini. Les Grecs ont plié et comme c’est plié chacun commente et moi avec. Pour les uns tout était truqué, c’était une partie de poker. Ces Grecs sans cravate, ces Allemands à faux-cols et ces Français à lavallière, se castagnaient pour la galerie. Les autres diront que c’est bien pire : les Européens ne pouvaient pas laisser ternir l’image de l’Euro et partant celle de l’Europe : l’unité et la réputation de l’Europe valaient bien quelques messes internationales.
Pourtant, il me paraît que les débats sur «les vilains grecs qui trichent et ne sont pas courageux» ou sur «les horribles pays du Nord qui ne savent pas ce que c’est que d’avoir un soleil qui cogne trop fort» passent à côté de quelques questions incontournabl
Premier débat : La dette publique d’un Etat se définit-elle par rapport à son PNB
On a envie de clore ce débat à peine entamé en rappelant que la France est la quatrième ou cinquième puissance économique mondiale depuis probablement quelques centaines d’années alors qu’elle n’a cessé d’affronter des problèmes de déficit public et de dettes souveraines. On a envie de montrer son hostilité à l’Allemagne en rappelant que du jour où ce concept abstrait (l’Allemagne) a pris une dimension temporelle, sous l’intercession douteuse de la Prusse, elle est entrée dans un cycle déplorable de dettes publiques en déshérence et de refus de payer.
Interrogeons les sages du FMI (qui ont beaucoup fait pour que le malheur arrive) et demandons-leur si l’endettement américain est gros de drames futurs et de banqueroutes en germe? Ils ne répondront pas, le FMI étant plus qu’aucune autre institution internationale une extension plus ou moins solide des idées monétaires et économiques de la FED. Ils diront que les Etats Unis sont la première puissance mondiale et qu’à ce titre, une forme de droit de cuissage monétaire et économique leur est reconnue par le monde (les économistes normalement constitués nomment cela : seigneuriage!).Donc, mettons un mouchoir sur nos inquiétudes américaines et reportons-nous vers le Japon.
Lui, il bat tous les records d’endettement public. Pourquoi ne relevons-nous aucune critique, remarque amère, ou gémissement monétaire de la part des gens sérieux ? La réponse tout le monde la connait: la dette publique se trouve dans les mains des Japonais et très peu entre les mains de banques ou de quelconques institutions financières étrangères.
Conclusion: un endettement public peut avoir n’importe quel niveau pour autant que l’endetté soit un grand pays et/ou que la dette soit détenue localement. Conséquence première: Les pays qui comptent pour peu dans l’univers géopolitique et économique et qui n’ont pas insisté pour que leurs citoyens portent ces dettes ont des soucis à se faire. Situation dans laquelle se trouve la Grèce. Conséquence seconde: Le ratio PIB/endettement public n’a aucune vertu discriminante.
Deuxième débat: pourquoi l’endettement excessif tue-t-il l’endetté et non pas les endetteurs?
Lorsque le FMI pousse son cri (récent) «allégez la dette !» ne fait-il pas référence à cette idée que le débiteur même grec ne saurait être traité comme Sisyphe. On passera sur le caractère très tardif de ce cri. On évitera de s’étonner qu’il soit poussé à un moment où cela ne sert plus à rien. Tant pis, reportons-nous sur le vrai contenu de cet émouvante déclaration: il faut réduire massivement l’endettement des Grecs.
De fait, on devrait se souvenir de tous ces pays qui ont vu leurs dettes supprimées ou allégées. On pourrait citer les plans Brady. On pourrait aussi mentionner les plans de l’entre-deux guerres qui ont consisté à alléger la dette allemande (mais pas la dette française). Pourtant, le vrai sujet n’est pas là. La Grèce s’est endettée grâce à des créanciers qui le voulaient bien et qui, très probablement ont fait le siège des administrations pour vendre leurs crédits. Les banques européennes et américaines ont massivement prêté à la Grèce. Parfois il y a avait de vrais dépenses d’équipements derrière ces financements : des sous-marins allemands, des chars allemands, des équipements pour les jeux olympiques. Dépenses dont la productivité sociale n’a jamais été claire
Parfois, il s’agissait simplement de financer le fonctionnement courant de la Grèce, son absence d’impôts, ses retraites généreuses et l’accroissement régulier d’une dépense publique riche en emplois inutiles et en prébendes.
Les préteurs ne savaient pas à quoi servait leur argent. Ils le distribuaient sans se soucier des facultés contributives de leur emprunteur et sans s’interroger sur la finalité desdits emprunts. Ne prêtaient-ils pas aussi pour permettre à la Grèce de rembourser ses emprunts? Les derniers prêts consentis par l’Europe et le FMI n’avaient pas d’autre objectif.
En France, une législation est particulièrement sévère à l’encontre des créanciers. Il n’y fait pas bon avoir fourni du crédit à une entreprise de « façon abusive » c'est-à-dire alors même qu’il était clair que le débiteur ne pourrait pas rembourser. Pire encore, les juges sont sévères quand il appert que les crédits ont été «ruineux» : ils ont contribué à soutenir une entreprise et à lui donner une apparence de solvabilité à l’égard des tiers les entraînant dans une déconfiture économique aggravée.
Parmi les endetteurs les plus douteux, on connait bien les manœuvres auxquelles une grande banque américaine s’est livrée pour «enjoliver» les comptes publics de la Grèce. Si un débiteur qui se gave de crédit ne peut pas être exonéré de ses propres turpitudes, on devrait aussi reconnaître que les prêteurs inconscients ou délibérément aux antipodes des règles les plus basiques de la décision de crédit ont une (très) grosse part de responsabilité.
Troisième débat : tout n’est-il que monétaire dans la crise grecque?
L’autre façon de poser cette question est : une fois la situation de la Grèce remise d’aplomb (remises de dettes, nouveaux prêts etc.) ce pays sera-t-il remis sur de bons rails ceux de la bonne économie et de la croissance ?
Bien sûr, une fois que la Grèce aura réformé ses retraites, mis à la porte les fonctionnaires sans productivité, restauré un système de perception des impôts antédiluvien, privatisé des activités qui n’ont rien d’essentiel, tout devrait rentrer dans l’ordre.
Or, ce n’est pas vrai. Le redressement de l’Allemagne et de la France après la Seconde guerre mondiale, et d’une certaine façon celui de l’URSS, ne sont pas le sous-produit d’une injection massive de capitaux. Pas seulement. L’apport en capitaux n’a de sens que s’il y a des infrastructures économiques existantes, solides et fiables. Soit un réseau d’entreprises et d’équipements productifs, un niveau de productivité appuyé sur une main d’œuvre de qualité formée dans tous les domaines. Si l’Allemagne s’est si vite redressée c’est bien parce qu’une part notable de ses équipements et de ses entreprises étaient intacts et servis par une main d’œuvre extrêmement bien formée. Injecter de l’argent dans une économie ne sert de rien si «sous son voile » , il n’y a rien. L’argent déversé devient alors une proie pour des mafias concussionnaires et corrompues. Il n’est plus qu’une manne à redistribution et non un apport de capitaux à investir. L’avenir que l’argent fait miroiter se réduit à une politique de la sébile tendue périodiquement au lieu d’une politique de production, de services et d’amélioration de la richesse individuelle et collective.
Ainsi, suivant ces trois questions est-on conduit à un triple constat, peu flatteur et peu optimiste :
La Grèce ne mérite pas ni opprobre, ni condamnation pour s’être laissée subvertir par les charmes de l’endettement. Continuer à penser qu’elle pourra payer n’a aucun sens, aucune nécessité et ne se fonde sur aucun exemple. En revanche, penser que des prêts en plus ou de l’endettement en moins apporterons des éléments déterminants de solutions à la Grèce pour l’avenir est complètement illusoire. La vraie question devient : faut-il préférer que les Grecs s’expatrient en Allemagne ou que l’Europe lance un vrai plan de réindustrialisation de la Grèce.
Ps : USA.Actuellement à 19 100 milliards de dollars, la dette publique totale devrait passer à 23 000 milliards d'ici à 2020. Une hausse des taux d'intérêt à 2% ajouterait une charge de près de 500 milliards au budget des Etats-Unis.
humeur 106
Uber, Uber pop, Uber porn peut-être aussi ? Pas de Uber Porn dans les tuyaux. Pas à ma connaissance. Uber, une révolution? Un avant-poste des révolutions à venir?
L’idée «Uber» est très simple. Dans la vie de tout homme, de toute institution, de toute entreprise, on trouve des temps forts et des temps faibles (on ne peut pas être fort tout le temps). Il y a parfois des temps «vides». Ce ne sont pas des temps où il n’y a rien : les choses matérielles ou immatérielles n’y vivent pas la vie «normale» des sociétés contemporaines, la vie du marché. Ce «temps vide», passé «hors du marché», ne résultait pas toujours d’un choix ou d’un désir. Il fût souvent subi. Comment aurait-on pu savoir, il y a 20 ans, qu’un appartement à New-york allait demeurer inoccupé pendant 3 semaines? Comment faire comprendre que plutôt qu’une voiture à quatre places emportant une seule personne, il était plus logique d’y installer deux ou trois fois plus de voyageurs. Les obstacles pouvaient être psychologiques : «c’est ma perceuse. Je ne l’utilise que 5 jours par an ? Mais elle est à moi et rien qu’à moi». Le vide, comme l’eau, sait s’insinuer un peu partout.
La révolution d’Uber est emblématique du «retour du vide au marché», lieu magique qui voit se croiser les courbes de l’offre et de la demande, où elles s’ajustent et d’où, fruits de leur union, elles émettent des prix. Pourtant, «dé-vider» la ponceuse ou l’appart dans le Marais ressort d’une logique primaire de marché. Comme celle qui consiste à rendre au marché, les mètres carrés sous-utilisés dans les résidences principales. En revanche, que dans le temps de l’Homme, la vacuité qui le rongeait puisse retrouver le chemin du marché, voilà qui est révolutionnaire.
Le temps de l’homme est bourré de passages à vide où rien ne se passe. De vrais boulevards! Laisser tout en friche est un gâchis moral et économique du même ordre que de laisser l’eau du robinet s’écouler faute de changer les joints. Uber crie: «remplissez le vide du temps»; «vous avez des ressources des richesses inexplorées» ; «partez à leur découverte en vous-mêmes ; ne les laissez pas sombrer pas dans l’ennui et le néant, lancez les sur le marché».
Cette exploitation de nos moindres ressources est un appel à la valeur d’usage. On dira «quel part de toi-même, as-tu laissée vide, quelle offre de toi-même as-tu négligée ? Quelle demande de toi, as-tu laissée insatisfaite?».
On ne pourra plus, paresseusement, en appeler à la morale. La valeur d’usage, flattée, valorisée, rétribuée,
portera sur tout et sur tous. Les «sites de rencontres», par exemple, sauront faire revenir sur le marché les talents qui s’épanouissaient sournoisement dans l’obscurité des échanges «de gré à
gré». «Le Shadow sexing» sera pourchassé comme on dénonce le shadow banking et aussi le high speed trading. Il y aura de la clarté enfin. On verra combien sont nombreuses et variées les
ressources disponibles.
Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,
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