Allons-nous tout droit vers une nouvelle motion de censure,
c’est-à-dire vers une nouvelle dissolution de l’Assemblée, c’est-à-dire vers un nouveau gouvernement, c’est-à-dire vers une très probable nouvelle dissolution, c’est-à-dire…
On pourrait ainsi continuer comme dans la célèbre comptine : "Le Pape est mort"
« Le Pape est mort, un nouveau Pape est appelé à régner.
Araignée ! quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon ?
Vous n'avez pas bien compris, je recommence.
Le Pape est mort, un nouveau Pape est appelé à régner.
Araignée ! quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon ?.... etc
Je sais que vous allez protester et que ma passion pour
Prévert commence à être un peu trop envahissante ! Pourtant, ne colle-t-elle pas admirablement avec l’actualité, notre actualité, cette comptine ? Ne sent-on au travers de son jeu de
mot un peu primaire combien, elle est présente, primaire, primitive, sans premier, ni deuxième degré. Un gouvernement est nommé, il est renversé, on fait des élections, un gouvernement est nommé,
il est renversé …
Non ! décidément, vous ne voulez pas entrer dans ce jeu-là ! La vie politique, la vie sociale ne sont pas autant d’occasions de rire. Ce sont des jeux sérieux, entre grandes personnes
qui ont des responsabilités. Au moins une en tout cas, celle qui consiste à déposer son bulletin de vote dans l’urne et en faire sortir, la justice, l’ordre et le bonheur !
C’est le fameux appel au « soyons sérieux ». Un appel dont il serait juste de le faire remonter très loin dans la vie politique française. Faisons appel à l’histoire pour qu’elle nous
dise si l’appel au « soyons sérieux » est une invention moderne ou une pratique millénaire.
Il m’a un peu secoué cet appel, à tel point que (la faute à Mallet et Isaac ?) j’ai vu dans le lointain la cavalcade furieuse d’Henri III, fuyant la Pologne pour retrouver le trône de
France ! Il continuait la courageuse geste des prétendants légitimes au trône. Ce nouveau prétendant, prétendait rompre avec des années d’errements politiques, avec une France qui ne
parvenait pas à fixer solidement le pouvoir sur une tête solide. Songez, vous qui vous lamentez à l’idée qu’une nouvelle élection pourrait survenir au coin du bois politique, que la France, ce
lieu où, même pour les Allemands, dieu est heureux de vivre, ne cesse d’éxalter une tradition d’acéphalie politique.
Surement, vous vous en souvenez de cette tendance politique française à la division, depuis les bagarres entre mérovingiens, puis carolingiens, un temps calmées par le traité de Verdun,
puis reprises avec la fameuse guerre de cent ans pour ne pas dire plus. La France est un pays qui s’aime divisé. Pourquoi, ne cesse-t-on de se demander ? Et la réponse vient toute
simple : les Français ne se sentent pas gênés par une éventuelle division des pouvoirs en place ou une absence d’unité de longue durée. N'ont-ils pas imaginé que l’idéal politique, c’était
la division institutionnelle sous la forme des trois pouvoirs. Ils arrivent même à concevoir que la division s’exprime justement ou bien sous un régime instantané, par exemple, comme aujourd’hui,
un parlement divisé, qui ne parvient à rien faire et à qui on n’éprouve pas le besoin de le lui reprocher, ou bien, la division s’exprime au long des années, dans le temps ! Ainsi, les
Français ont trouvé tout naturel la succession de 17 rois en moins de 250 ans ( 1 tous les 14,7mois) comme si, finalement, l’abondance de rois et leur défilé étaient signes de richesse.
Il est incontestable que la France dispose d’avantages compétitifs pour vivre divisée parmi lesquels, la taille. Les Luxembourgeois auraient bien du mal à justifier et à financer, 17 grands ducs
en moins d’un quart de millénaire. Pour parvenir au résultat français, les anglo-saxons, se sont trouvés contraints de rechercher un concept du genre « royaume uni » pour acquérir la
taille critique nécessaire à une bonne division.
Revenons vers la France éternelle et ne nous inquiétons pas de la succession des « élections-dissolutions ». N’est-elle pas à nouveau la France de toujours cette France non-dirigée
divisée entre trois ou quatre prétendants ? Sous nos yeux, aujourd’hui, la France s’offre tout simplement la répétition du moment politique délectable qu’un romancier contemporain* a si bien
décrit : entre juillet et août 1830, la France s’offrit un luxe rare soit quatre rois en deux mois, Charles X, Louis XIX, Henri V et Louis-Philippe Ier.
On s’épargnera le plaisir facile de faire de Jean-luc Mélenchon un Louis XIX contemporain. En revanche, on ne manquera de souligner que c’est Louis-Philippe qui tira la bonne carte.
*Camille Pascal : L'été des quatre rois (Plon)
Laissons la parole à la rue….
J’avais, il y a quelques temps, lancé un projet
éditorial nommé : Les micro-trottoirs ( les micros de la télé mis en œuvre dans la rue ) de Marie-Caroline. L’idée était de mettre en valeur une de ces nouvelles techniques de recherche de
l’information « au plus près du terrain » qui consistent à ne plus s’embarrasser de recherches savantes détaillées et chiffrées, parfois difficiles à interpréter, pour aller au-devant
de la femme dans la rue pour lui demander ce qu’elle pense sur à peu près n’importe quoi. Sans y prêter attention, de façon un peu mécanique, je viens d’écrire « la femme dans la rue ».
A y bien réfléchir, j’aurais dû écrire, « la femme » car, dans la plupart des cas, les acteurs principaux des micro-trottoirs sont des actrices, les hommes faisant de la
figuration.
L’objectif de ces quelques notations n’est pas de contester le droit des femmes à la parole, y compris lorsqu’on les interroge au pied levé, sur le trottoir au moyen d’un micro. Il est seulement
de relever que, parti pris ou population disponible insuffisante, les jeunes femmes que je m’étais plu à mettre en scène dans le rôle de la journaliste « de terrain », la fameuse «
Marie-Caroline », ne trouvent aujourd’hui à interroger que des femmes !
Ce travail de terrain, dont on ne sous-estimera pas l’utilité ni la difficulté, on le résumera en reprenant un exemple de ces dialogues tels qu’ils sont repris dans les journaux et sur quoi se
construit l’opinion publique.
Marie-Caroline (le nom est inventé) a rencontré par hasard, dans un
supermarché dont le nom s’affiche en grand, une consommatrice de base. Blanche et cinquantenaire, elle s’apprête à approvisionner sa famille en produits utiles et nécessaires. Un dialogue
s’ensuit sur le thème riche et universel du niveau des prix.
Marie-Caroline, avenante : « Alors, Alice (c’est un nom inventé pour
respecter la confidentialité), vous vous apprêtez à remplir votre frigidaire comme vous me l’avez dit avec un humour tout naturel. N’êtes-vous pas inquiète devant la hausse des
prix ?
Alice, concernée, mais souriante devant la caméra : « Si, bien sûr, je suis très inquiète ».
Marie-Caroline, insidieuse :« Pensez-vous Alice que les
supermarchés font tous leurs efforts pour que les prix soient le plus bas possible ? ».
Alice, souriante : « Ça non ! Je ne pense pas qu’ils fassent
beaucoup d’efforts ! »
Marie-Caroline, pédagogique : « Le beurre. Là. Je le vois en face de
nous. Il a beaucoup augmenté. Comment réagissez-vous à ces augmentations ? »
Alice, contrariée : « Que puis-je faire ? Ne pas acheter
de beurre ? Et pourquoi pas le remplacer par de la margarine ? Et si ça continue, ce sont tous les produits… On devrait réagir. On devrait les obliger à ne pas augmenter les
prix. »
Marie-Caroline, sérieuse : « Ces « on » Alice, qui
est-ce ? Les syndicats, les producteurs, les pouvoirs publics ?
Alice : « les pouvoirs publics, évidemment ! »
Marie-Caroline : « Et ils ne font
rien ? »
Alice : fataliste, « Eh non ! Et nous on est les cochons de payeurs !»
Marie-Caroline se retourne vers les téléspectateurs : « Ne faut-il
pas regretter que ces messages envoyés par les consommateurs aux pouvoirs publics soient si mal entendus »
La démocratie directe en quelque sorte.
Grâce à Donald, la France retrouvera enfin son Amérique
Evidemment, les dernières prises de position du « Commander in chief » Trump, ne sont pas faites pour rassurer. Revendiquant
le Groenland et le Canada, le futur (bientôt) président des Etats-Unis, vient d’ouvrir ce qu’un lettré du vieux monde aurait nommé la boite de Pandore. A un certain moment, les frontières dans le
monde, furent figées et les documents les concernant, furent enfermés dans la fameuse boîte. Les malheurs de la guerre, scellés dans la boîte, le monde pourrait vivre en paix. Mais ce n’était pas
juste. Les espaces économiques et a fortiori politiques ne sont pas intangibles. Au naturel, ils dérivent comme les continents et se forment et se déforment selon des règles entre les mains des
dieux.
Le « President in chief » Trump ne veut plus que nos sorts demeurent plus longtemps figés par un quelconque consensus divin. Il veut que les hommes se libèrent de leurs chaînes et
partent à la conquête du monde. Il veut que les nations soient redessinées. Il veut que le meilleur gagne, car, à la fin, tout le monde, même les mauvais, en profitent. Il veut enfin que
l’Amérique soit « great again » et que l’Europe, essentiellement fautive de tous les malheurs militaires et économiques du monde soit remise à sa place. Il y a du Chinois chez le
« Republican in chief » : quand on considère le monde vu depuis la Chine, on découvre que l’Europe n’est qu’une espèce de virgule en haut à gauche de la carte. La prééminence de
l’Europe, n’est qu’une supercherie ! La preuve en est que les hommes de bonne volonté l’ont fuie pour aller bâtir le Nouveau Monde.
Mais voilà qu’il faut aussi tirer toutes les conséquences des ruptures salutaires engagées par Donald. Le Groenland est américain sans aucun doute, la vacuité de ce quasi continent en faisait un
candidat naturel pour compléter le vide alaskaien. Quant au Canada, qui ne voit que la langue, la géographie, la population et l’économie en faisaient nécessairement un bon candidat pour le
51ème état.
Tout serait-il dit ? Pas tout à fait car, si la boîte de Pandore vient d’être rouverte, reconnaissons qu’elle ne saurait l’être à moitié.
Le Canada reviendrait naturellement aux Etats-Unis ? Il nous faut ici remercier le futur président américain qui vient de rouvrir l’antique affaire des « arpents de neige ». Le
Québec, tout le monde en a toujours été convaincu, doit être libre pour revenir dans le sein de la mère patrie : La France, le joignant à l’Acadie, redeviendra la nation transatlantique qui
transcende la géographie et les peuples ! Grâce au « Commander in chief », les frontières ayant regagné en souplesse et flexibilité, le territoire national retrouvera ses vraies
dimensions et l’Atlantique redeviendra une « mare nostrum » française. Dans le même esprit, le secrétaire d’Etat au Trésor américain, devra retrouver les vieux traités par lesquels on
vit les Etats-Unis barguigner la Louisiane et l’acquérir pour la valeur d’un quignon de pain. Plutôt que d’ajuster le prix, il suffira que l’Arcadie, le Québec et la Louisiane reviennent à la
France, de la baie d’Hudson à la nouvelle Orleans, en suivant le Mississipi en ses deux rives.
Et aussi, souvenez-vous de la rigidité quasi janséniste du traité de Westphalie : des rassemblements territoriaux en ont été gênés pendant près d’un demi-millénaire : certaines parties de la
rive gauche du Rhin se prétendirent indépendantes, la Belgique et le Luxembourg, pour dire le moins, se crurent royaume et grand-duché souverains. Finies toutes ces funestes divisions.
Le « President in chief » ne pourra pas davantage s’opposer au retour de l’Angleterre au sein de l’espace de souveraineté français. La France n’avait-elle pas évincé les Angles et les
Saxons, il y a plus d’un millénaire ? On parle parfois du droit du sang, on ne parle pas assez du droit du temps.
Dans la fameuse boîte à laquelle on a fait liminairement allusion, tout avait été libéré : la mobilité des frontières et, avec elle, les guerres et les massacres : pourtant, demeurait
dans cette boîte, refermée précipitamment, l’espoir. Le « President in chief » la laissera-t-elle en prison ?
La réponse est simple et lumineuse : libérer l’espoir, ce serait douter de la capacité des Etats-Unis à faire le bonheur des peuples. Donald préférera mettre l’espoir de côté, inutile dans
l’immédiat, on pourrait avoir à s’en servir plus tard.