Un mai 68 rampant ? Ou une caricature de mai 68 ? Où sont les étudiants euphoriques, emportés par les enthousiasmes et les espoirs venus tout droit de la Chine de Mao, de ses merveilleux gardes rouges hérauts des futures libérations polpotiennes ? Rappelez-vous ces performances permanentes où la Sorbonne était devenue le lieu héroïque de la contestation, des revendications syndicales et de la libération sexuelle à tous les étages. Souvenez-vous, ils n’avaient pas encore été shootés au nutella, ils n’avaient pas bizounoursés avec larmes d’émotion à la clef devant « the voice ». Ils étaient totalement excessifs…. Même, certains pensaient à libérer l’humanité des carcans mentaux, psychologiques et religieux qui, depuis la nuit des temps, bridaient l’amour et le don de soi. Ils rêvaient ? A leur décharge, un quart de siècle auparavant l’avenir ressemblait à une accumulation de ruines, de famines et de feu nucléaire. Le rationnement était appelé à durer. Les locomotives puaient la suie et le mauvais charbon. Les routes étaient défoncées. On pouvait écrire à Monsieur le Président qu’on n’aimait pas la guerre. On n’avait pas tort, celle qui venait juste de s’achever n’avait rien fait pour être plaisante.
Mai 68 ? Pur produit d’une sortie de drame ? Enfin la guerre était finie. On pouvait condamner la consommation parce que les étals étaient pleins à craquer. On pouvait condamner l’université puisque les bancs des facultés croulaient sous les étudiants. C’étaient tous des gosses surprotégés que leurs parents, étonnés d’avoir survécu à deux guerres, avaient chouchoutés, « plus jamais ça : tu ne seras pas un homme abruti mon fils » derrière eux des syndicats opportunistes en avaient tiré de sympathiques profits.
Les boomers se parant de rouge vif, la couleur des avenirs qui rayonnent, s’amusaient à changer le monde.
Un demi-siècle plus tard. Les bandanas rouges et noirs rangés dans les malles et relégués au grenier ont été remplacé par les gilets couleur dégueu. Le rouge, c’est connu, attire et excite, il projette et provoque. Le jaune des gilets n’est pas fait pas attirer mais pour repousser. Le jaune, porteur de mauvais signes, écœure et donc écarte, il est censé éviter des accidents, éviter que l’avenir soit imprévisible. Les enfants de boomers, ont le « bidon » à force de Nutella tartiné sans frein, de big mac et de boissons sur-vitaminées. Les gilets jaunes, ce sont les enfants des jeunes de 68. Ils ont cinquante balais de plus, pas terrible pour le dynamisme. Ils ont opté pour le diesel qui pue (« mézilai pachair ». Un kilomètre à pied est une preuve supplémentaire de l’arrogance de la haute-administration. Ils regrettent le café-tabac-presse de leur village aient disparu, mais il faudra beaucoup d’abnégation pour leur faire comprendre que les packs de bière du centre commercial ont tué le demi en terrasse. Ils sont gros et gris et très attachés à leurs retraites. Ils ont de plus en plus souvent plaqués leurs femmes, ce qui explique que les femmes sont de plus en plus seules (sauf les enfants). Elles réclament l’aide de l’Etat pour les pensions alimentaires qui sont de plus en plus souvent impayées. C’est honteux que l’Etat ne se préoccupe pas davantage des femmes qui ont été plaquées pour leurs compagnons.
L’avenir vu par les gilets jaunes? Ils rêvent du passé quand leurs chers parents leurs donnaient tout « pour qu’eux, au moins, ne manquent de rien ». Un passé où on avait tout, le nutella et les kinder où on était hyper heureux. Quand on rêve du passé on en est bien en peine de fabriquer l’avenir. Alors, on demande à l’Etat de s’en occuper. On voudrait pouvoir acheter l’avenir sur étagère ou rayonnage comme le poisson au rayon du frais et les crèmes glacées dans les bacs à surgelés. On voudrait surtout avoir des points pour ne pas avoir à payer. Des points pour consommer comme on aura des points pour faire retraite.
Quand on est gilet jaune, on rêve à tout ce qu’on pourra arracher à « tous ces pourris » et comme ça ne vient pas tout c’est bien la preuve que l’avenir aussi est pourri. Alors on s’assied sur les ronds-points des routes à défaut de prendre une direction. Et, de temps à autre, un samedi, on fait du co-voiturage, vers la capitale, où « ils ont tout » alors, "c’est juste qu’on vienne se gaver".
On peut pas tellement rêver mieux.
Dans de précédentes livraisons, j’ai évoqué les magnifiques opportunités que recèle la dénationalisation des services publics du transport (je me concentre sur eux, aujourd’hui). J’ai signalé que pour le métro par exemple, il sera possible de procéder ligne par ligne puisqu’à Paris on a opté pour un réseau en gril où chaque ligne de métro parisien est indépendante. Lors des grèves organisées par M.Martinez certaines lignes continuaient leur boulot : les lignes autonomes, qui, par force, n’ayant pas de conducteur, étaient « CGT proof ». D’autres fonctionnaient à mi-temps, soit le matin, soit l’après-midi : les conducteurs des unes, mariés à des conductrices des autres, s’organisaient pour assurer en alternance la garde de leur progéniture. On a aussi vu des lignes gérées par des cossards : elles ouvraient à 11:00 etc.
Opportunités certes, mais pas pour toutes les lignes. Certaines ne seront pas faciles à vendre. Je pense à la 13 qui fait passer les banlieues Sud vers le Nord et inversement. Un jour viendra où leurs usagers chercheront du boulot à côté de chez eux s’épargnant ainsi un fastidieux voyage. En diminuant, le trafic porterait un coup à la valeur de cette belle ligne. Et un autre coup à sa colorisation pour reprendre l’expression du directeur du musée Branly.
Pour être complet, il faut aussi mentionner la petite ligne 3bis, dont les quatre stations ont bien du mal à couvrir les frais de gestion. Et la 7bis qui s’enfonçant sous terre à des profondeurs inquiétantes est source de fatigues physiques en cas de blocage des ascenseurs et de fatigues morales par suite de la crainte de voir les ascenseurs bloqués.
Toutes ces lignes ont leurs avantages et leurs inconvénients. La grande majorité gagnera à être automatisée, les autres conserveront un agent accompagnateur. Certaines lignes emprunteront le design de leurs wagons à celui des avions de ligne, d’autres auront une « business class… ». Elles seront toutes Matzneff proof et tout ceci sera autonome.
Que fera-t-on des conducteurs me demanderez-vous ? Ici, je réponds sans hésiter : il conviendra de les traiter avec humanité. Imaginez le choc : ils ne pourront plus conduire ni pas même faire un brin de conduite à une accorte jeune fille. Ils auront été arrêtés et ne pourront pas repartir ; ne conduisant plus on exigera pourtant qu’ils se conduisent mieux.
Ils resteront à quai, figés dans une sorte de grève éternelle. Les passagers s’arrêteront un instant « ça va ? » et ils répondront que c’est fatigant de faire la grève.
Peu importe que ces quelques idées ne soient pas partagées par tous : les contraintes européennes à venir sont fortes. Dans les transports publics qui se drapent dans le beau principe du « service public » la mise en concurrence va être obligatoire. La suppression des subventions pour les investissements comme pour le fonctionnement (par exemple les régimes spéciaux des conducteurs) devront disparaître et les entreprises de transport ne pourront plus compter sur les budgets nationaux en cas de perte. Cela concernera tous les transports publics.
Songez-y : d’un seul coup, l’usager va devenir un client !
On privatisera non seulement les rames de métro mais aussi les chemins de fer. Ce ne sera pas compliqué. On se souviendra des anciens découpages. On reviendra vers d’anciens noms. On les découvrira porteurs d’images riches et colorées : les Compagnies du Nord, le Paris-Lyon-Méditerranée, le Paris-Orléans et ce chemin de fer de la revanche, celui d'Alsace-Lorraine. Musique des mots, souvenirs d’escarbilles, e pericoloso sporgesi.
Mais que deviendront alors les conducteurs CGT. Pas grand-chose puisque les trains eux aussi seront autonomes. Une reconversion dans la conduite des avions ? On sait qu’il faudra des milliers de pilotes dans les prochaines années. Mais on sait aussi que les expériences de décollage et d’atterrissage en mode autonome se multiplient. Les avions n’auront bientôt plus besoin de conducteurs.
Allons ! Tout n’est pas perdu ! Il restera quelques petites lignes, les touristiques qui ont tant de charme, les « à-crémaillères » et aussi les funiculaires. Ces lignes maintiendront des conducteurs. Pour faire joli. Avec des moustaches tombantes et un foulard rouge pour « le petit frisson », pour faire comme s’il y avait un risque de grève, pour penser à Martinez qui savait si bien dire « il faut la retirer », pour s’inquiéter d’un risque de révolution : « c’était comment les chemins de fer en Russie en 1917 ?).
On racontera aux enfants « quand les conducteurs faisaient grève ». On leur expliquera que cela voulait dire qu’ils ne voulaient plus conduire. On leur dira qu’en ces temps-là, l’homme dirigeait la machine. Il pouvait l’obliger à s’arrêter, à ne plus faire son boulot. Il disait à la machine « on se met en grève ». Alors la machine arrêtait de ronronner, comme avant, avec les bœufs.
« Les quoi ? grand-père ? ».
La disparition du métier de conducteur est à peu près certaine et, franchement, ce sera un grand pas en avant pour la tranquillité de l’humanité. On objectera à cette prévision qu'elle ignore le facteur CGT. Avec la CGT on n'entre pas dans l'avenir, on campe sur place. Le syndicat se cantonne à l'imitation de Mac Mahon à défaut de Mac Arthur.
- RATP : les lignes 1 et 14 se marieront et aurons beaucoup de petites rames qui se débrouilleront toutes seules dans l’existence. Les parisiens y gagneront beaucoup.
- SNCF : les TGV seront tous autonomes. Les cheminots ne seront requis que pour les pousser en cas de panne d’électricité.
- Air France : les avions de la compagnie atterriront et décolleront tout seuls. De toute façon, cela fait longtemps qu’ils ont des pilotes automatiques.
- Poste de pilotages : ils seront supprimés ce qui devrait permettre de faire dégringoler le coût de fabrication des avions, trams, métro etc de l’ordre de 20 à 30%.
- Retraite des pilotes : elles ne seront plus nécessaires puisqu'il n'y aura plus de conducteur. Les coûts de fonctionnement dégringoleront de 20 à 30 %
- Coût des voyages : compte tenu de ce qu’on vient de voir, ils tangenteront le zéro absolu.
- Renversements conceptuels: Il faudrait ajouter à cette série de mutations, celle du langage. Les mots " Fûhrer, Condutorre, Guide, Conducteur, проводник,导体, Conductor...etc." auront disparu. A leur évocation, on a un sentiment de malaise: peut-être eût-il fallu les supprimer plus tôt! Sauf que le CGT s'y accroche comme les moules à leur rocher.
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