- El Chapo et Donald Trump …
- Un monde de robots ou un monde sans foie gras
- Pourquoi le Brexit?
- Trump à nouveau, d'Ali-Baba à Aladin
- Avant l'Homme dilué, l'Homme éclaté
- 2017, Une année "première"
- Avis aux candidats audacieux, il faut faire revivre l'Etat (paru dans le Huffington post)
L’avenir est-il à nouveau dans l’éclatement de l’Homme ? Souvenez-vous de ces réquisitoires contre les tendances malsaines des années 70-90.
L’Homme éclaté. Écartelé entre les appels à la consommation et les appels à la participation. L’Homme qui était enjoint de consommer, environné de messages impératifs : tu consommeras, tu achèteras, tu iras dans les temples de la consommation, les super et les hyper, et puis les centres commerciaux et puis encore les cités commerciales… On pensait avoir eu raison de cette menace qui faisait de l’Homme le jouet des industries de tout et n’importe quoi.
Et puis non! L’homme unifié qui aurait une volonté, des désirs à lui, qui travaillerait pour lui et sa famille (ou ce qu’il en reste), vaguement hédoniste, voyageur et jogger, un peu gouailleur aussi et connaissant par cœur des dialogues réjouissants (« y a même de la pomme »), est en train de se fracasser contre les miracles des nouvelles technologies.
En un temps où la mondialisation, ce mouvement qui dilatait la conscience humaine au niveau de la planète et (du moins en rêvait-on) de la Lune et de Mars, en prend plein la figure : l’Homme Ecartelé revient sur le devant de la scène anthropique. L’Homme moderne ne se répand plus partout n’importe comment, à base de bateaux de croisières, de rave parties ou de facebooks en tous genres. L’Homme moderne ne s’éclate plus, on l’éclate.
Souhaite-t-il être lui-même, c’est-à-dire, un, unique, pensant et souffrant en tant qu’individu, bien individualisé ? Désire-t-il quelque chose d’utile, d’intéressant ou tout simplement d’agréable ? Voilà bien des idées anciennes ! Ses désirs ne sont plus des ordres mais des informations auxquelles il sera prié de complaire. Il est appelé à partager. Il est invité à ne plus se satisfaire de lui-même, mais à en faire profiter les autres. Son autocuiseur sert-il vraiment tous les jours ? Sa perceuse et son appartement, quand ils ne sont pas mobilisés par la satisfaction immédiate de ses besoins, ne méritent-ils pas mieux que d’être laissés vacants ? Le « CO » vient tancer le « Particulier » et lui imposer l’éthique de la mise en commun.
Il voudrait travailler et même disposer en contrepartie d’un salaire ? Il voudrait se simplifier la vie ? Aujourd’hui, travail unique, employeur unique, salaire unique sont des manifestations sociales iniques. Le CO arrive et avec lui le COworking, le COllaboratif, le COopératif. Tu « COopéreras » pour « COproduire » et COconsommer ». Eclaté entre plusieurs tâches, plusieurs jobs, plusieurs intérêts, un nouvel homme est sur le point de naître : l’Homme COllectif. L’Homme nouveau sera éclaté puis, dilué : les réseaux se saisiront des parties de cet ancien tout qu’on nommait "Individu" et les relieront à un « Sur-Tout », le « CO » où plus rien ne sera abusivement inoccupé, plus rien ne sera égoïstement approprié, où tout ce qui n’est pas utilisé sera remis en COmmun.
Les biens, les choses, les services, les hommes, les enfants et aussi les femmes seront COmmuns dès que disponibles.
C’est la nouvelle année. On souhaite à tous ceux qu’on aime que le bon, le beau et le bien surgiront. Pourtant, c’est vain : ils sont posés à l’horizon, ligne imaginaire qui recule au fur et à mesure qu’on avance.
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C'est le moment pour, lisant et relisant les nombreux débats et propositions qui se multiplient au fur et à mesure qu'approche l'élection présidentielle, soulever des questions sur ce qu'on peut attendre de l'Etat, de ses Agents et de leur place dans la société française.
En écoutant, en comparant les apports des uns et des autres sur l'Etat et son rôle, j'en suis venu à ces quelques questions.
1) La pensée économique
Organisant ma documentation pour l'écriture d'un livre : je suis tombé sur des ouvrages antiques et au style très daté, très français d'une époque à laquelle on ne veut plus penser. Ecrits par Perroux, Boudeville, De Jouvenelle, Massé, Aron et tant d'autres, ils avaient pour ambition de fournir à l'Etat et à ses agents, des clefs et des concepts économiques : théorie des espaces économiques, de leur déformation, de l'information, de l'innovation, de la domination, de la concurrence imparfaite. L'anglo-saxonisation de la pensée économique et le libéralisme absolument triomphants sont venus à bout de ces idées. L'échec du libéralisme absolu doit donner une chance pour la formulation d'une pensée économique française riche et inspirée.
2) Les idées sur l'Etat
On voit de plus en plus revenir les méditations sur les origines de la France Moderne et tout particulièrement celles qui ont trait à l'Etat. De tous temps, il a impulsé le meilleur et provoqué quelques catastrophes. Colbert réinventant la forêt française pour une construction navale de qualité, n'imaginait pas que 200 ans après... les chênes des forêts domaniales ne seraient plus d'une grande utilité. On aurait aussi pu s'étonner du plan Freycinet qui n'avait pas vu arriver l'automobile ou du plan de Constantine qui n'avait pas intégré l'hypothèse de l'indépendance algérienne. On ne souvient pas des plans pour le développement de l'Afrique francophone, largement inspirés par la pensée économique mentionnée plus haut. L'Etat, tout particulièrement là où il est puissant, comme en France, est-il inapte à moderniser, anticiper, innover ? On en discutera encore longtemps. Mais comme l'Etat est un élément constitutif de la pensée sociale et politique française, il vaut mieux penser à ce qui peut l'améliorer...
3) La pratique politicienne
Si l'Etat est consubstantiel au "mental Français", l'Administration qui "le sert" l'est tout autant. Encore Bachelier, je voyais les hauts fonctionnaires comme les soldats d'élite d'un Etat qui entreprenait dans tous les domaines, aviation, nucléaire, aménagement du territoire, réforme de l'Agriculture (Larousse 1947 à l'article France : "la France est un grand pays agricole") etc... Peut-on aujourd'hui penser que les serviteurs de l'Etat ont tendance à se servir plutôt qu'à le servir ? Doit-on dater cette inversion des mentalités à la dramatique période des nationalisations "Mitterrand" qui vit les meilleurs de la "haute administration" partir diriger des grands groupes financiers et industriels au mépris des compétences et des expériences professionnelles ? La formation des "serviteurs de l'Etat" n'a cessé de s'améliorer, comme se sont renforcées et diversifiées celles des "grands managers". Faut-il imaginer que ces compétences renforcées sont inopérantes parce que viciées ?
4) Le détournement de l'Etat
Les poissons pourrissent par la tête. Le mésusage de l'Etat est suivi par le mé-comportement de ses agents. Il en est dans les Administrations comme il en est dans les entreprises et, plus généralement, comme il en est dans tous les groupes sociaux : le détournement par les chefs de la vocation de l'institution (entreprise, administration ou association) donne le ton. Attribuer des cadeaux la veille d'élection, annuler pour des raisons politiciennes les lois d'un gouvernement précédent, contourner "parce que c'est juste" les institutions et la gouvernance qui leur a été imposée sont autant de signes donnés aux petits chefs et à leurs supérieurs. Un Etat qui ne se contraint pas lui-même ne peut rien imposer. Faut-il, pour revenir sur ses dévoiements et les prévenir, définir une gouvernance d’Etat ?
5) L'injustice sociale
Pour satisfaire l'électeur, faiseur de rois, le rendre créancier de tout et faire de la société le débiteur par nature, conduit à l'impossibilité pour cette dernière de décider du bon usage de l'Etat, de son Administration et de garantir le contexte dans lequel les acteurs économiques et sociaux déploient leur gestion, formulent leurs prévisions et décident de leurs investissements. Le citoyen, ni les groupes de citoyens ne sont des créanciers absolus et permanents de la société et de ses agents. S'ils doivent se voir reconnaître une créance pour quelque raison que ce soit, ne doit-on pas garder en tête que l'irresponsabilité sociale des uns est la source la plus évidente de l'injustice ressentie par les autres ?
6) L'ordre du monde
Évoquer le rôle de l'Etat et son rôle dans la vie et l'histoire de la France doit aussi conduire à réfléchir sur ce que cette notion a d'avenir en elle. Or, il faut relever que les Etats, quelles qu'en soient la conception sont tous contraints par ce qu'on pourrait nommer "taille critique". Dans cet esprit, la dislocation des Etats est une menace aussi grave que la dislocation des Unions. Pour être petit et à l'abri, il faut être dans le cercle arctique ou proche du pôle Sud. Les fonctions de sécurité intérieure et extérieure sont les premières victimes des indépendances romantiques ou égoïstes. Nous pouvons débattre de l'Etat, de son Administration, et de ses Agents, ces débats n'ont aucun sens si nous n'avons pas défini ce que "souveraineté" veut dire et quels moyens sont incontournables pour que cette définition ne soit pas un pur artifice de rhétorique.
Il y a lieu d'être optimiste ?
Si l'ensemble des observations critiques entourant le fonctionnement de l'Etat et la contribution de ses agents ne me réjouis pas, j'y lis cependant un message d'espoir. Ce que j'entends par l'ensemble des candidats à la fonction suprême sous des formes évidemment modernes et s'appuyant sur des faits contemporains, m'a fait beaucoup penser à ces critiques, acerbes, virulentes et amères, à l'égard de l'Etat, de l'Administration et de la Société en général qui, en France, caractérisaient la production d'ouvrages d'économie théorique et pratique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.
Ces critiques étaient le fait d'hommes lucides et volontaristes, jeunes et dévoués à la cause d'une France, détruite militairement, économiquement et socialement. Ils avaient la conviction qu'elle pouvait et devait rebondir.
Le résultat est là, qu'on le critique ou non: en 70 ans de travail sur elle-même, 1945-2015, la France a su effacer les 70 années affreuses de la période antérieure 1870-1945.
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