- Anne-Ségolène Freycinet ou la dépense sans y penser
- La Grèce est-elle un pays perdu ?
- La Cour des Comptes va-t-elle parvenir à réformer le pays?
Aujourd’hui, j’en appelle à votre sagacité, à un regard limpide et clair sur notre monde malgré l’horreur des fumées guerrières, des massacres d’innocents et des dettes qui s’accumulent.
Voici l’objet de ma requête : pendant qu’on fait subir mille tourments à la Grèce bimillénaire qui n’a rien fait de mal, si ce n’est d’avoir un peu triché pour entrer dans l’Euro, pendant qu’on leur retire les financements nécessaires à leur survie et qu’on les menace d’exclusion, voilà qu’on vient au secours financier, militaire, social, psychologique, d’un pays dont l’existence date d’hier et doit tout à l’Union soviétique : l’Ukraine.
Où est-on allé prendre qu’il y allait de l’honneur de l’Europe que de sortir ce pays des griffes du grand frère russe ? Et pendant ce temps, le pays où sont nées démocraties et civilisation serait traité à coups de bâton !
Que nous subissions madame Merkel et les leçons de politesse économique qu’elle donne aux Grecs après l’avoir vue dégouliner en pleurs déchirants sur les malheurs de la pauvre Ukraine, me dépasse. Il faudrait donc qu’on sorte le porte-monnaie pour leur faire une jolie armée, pour qu’ils puissent se chauffer l’hiver et vivre selon les standards de la bonne société occidentale. Au fond, il faudrait passer aux Ukrainiens l’argent qu’on refuse aux Grecs !
N’en vient-on pas à se demander s’il ne serait pas intelligent pour les Grecs d’adhérer à l’Union économique que la Russie a mise en place. Entre orthodoxes, ils devraient se comprendre ! Le Pirée pourrait avoir une assez jolie utilité comme base relai de Sébastopol? L’accès à la Méditerranée serait garanti aux navires Russes. La question de Chypre pourrait être réglée au mieux des intérêts grecs, turcs et russes si on en faisait une grande base aéronavale copartagée. En échange, les associés des Grecs les délesteraient sûrement d’une partie de leurs dettes.
Comme vous le voyez, j’ai du mal à comprendre les logiques profondes qui sous-tendent le « greek bashing » et le « ukrainian loving ». Mais, vous, lecteurs, sûrement avaient des choses à dire qui iront bien au-delà des pauvres remarques que vous venez de lire.
Pour contribuer à votre réflexion, je vous fais passer les liens relatifs à quelques articles où je me suis efforcé d’aborder la question.
Moi-Président, les porte-hélicoptères, la Guerre
Moi-Président et la Russie : La route de l’espace est coupée
Connaissez-vous Anne-Ségolène Freycinet ? Sous ce nom peu familier du grand public se cache une mauvaise manie
française : la dépense publique sans y penser. Je veux qualifier ici toutes les décisions budgétaires qui sont prises dans l’esprit « citoyen », au nom des vraies valeurs, pour
faire face aux ignobles hasards de la vie et restaurer toutes les dignités perdues. Le ministre tape alors du poing sur la table : « c’est indécent s’exclame-t-il, il faut mettre des
barrières autour des piscines, des mares, des plans d’eau, des fleuves et même tout au long du littoral pour que les enfants de plus de deux ans soient protégés. Le sujet est grave donc le délai
sera court. Trois mois ». Mais voilà que les équipements ne sont pas disponibles en France dans un délai aussi court. On recourt alors aux industriels de nos bons voisins tout heureux que
les indignations françaises leurs soient aussi profitables.
Qu’est-ce donc que « la dépense sans qu’on y pense » ? Dans une perspective strictement néo-keynésienne, la dépense publique est bonne et provoque, lorsqu’il s’agit d’investissements, un choc salutaire connu sous le nom du « multiplicateur ». Donc, prendre des dispositions politiques qui conduisent, bon gré, mal gré, les investisseurs à investir, les propriétaires à améliorer les propriétés, les constructeurs à renforcer la qualité des constructions etc… devrait être bénéfique à l’économie dans son ensemble.
« Devrait » est le mot qui fâche. Un exemple : c’est une bonne idée que d’améliorer les ascenseurs… mais c’est une dépense qui va faire croître les importations ! Il y a beau temps que les ascensoristes français ont disparu. Un autre exemple : il faut absolument installer des détecteurs de fumée. Est-on sûr que la fabrication des détecteurs est française ?
Il faut se souvenir d’un débat passionnant : celui qui suivit la mise en œuvre du Plan Freycinet. Le-dit plan décidé en 1876 visait à désenclaver les régions françaises et à créer des infrastructures maritimes, fluviales et ferroviaires sur l’ensemble du pays. Les critiques qui lui furent adressées portaient entre autres sur le manque de préparation de l’industrie française à ce véritable choc. Résultat ? Une partie des locomotives fut fournie par l’industrie allemande, ce qui ne manquait pas de sel, la France ayant été saignée quelques temps auparavant par l’indemnité de guerre versée aux Prussiens!!! Ainsi, la dépense d’investissement public française s’en fut créer des emplois et des profits dans l’industrie lourde allemande.
«Je ne veux plus de voitures qui puent et polluent nous dit la bonne Maire (… de Paris, évidemment ! Pas de Marseille !)». Coup poing sur la table, taureau pris par les cornes et pieds pris dans le tapis, elle prend des dispositions qui conduiront un nombre non négligeable de Français à acheter de nouvelles voitures dans les années qui viennent. Cette mesure noble et héroïque est purement française (quoi de plus français que les mesures nobles et héroïques ?). Aucune autre ville européenne n’a pris des mesures aussi radicales (mais le mot révolution n’est-il pas français ?). Quand on sait que le marché français est de plus en plus fourni par les constructeurs étrangers, on doit en déduire que la décision de la bonne Maire, profitera aux industriels allemands et aux autres ! Était-ce l’objectif ?
Quelques lectures complémentaires?
Faut il laisser les-entreprises fixer les prix?
Les PIB n'ont ni odeur ni pudeur
Un pays qui s’effondre de cataclysmes en cataclysmes ? Qui, après s’être offert une petite fête démocratique «yes we can», a décidé de frapper. Le plus fort possible. Et pour montrer que s’opposer aux vœux du peuple grec ne sera plus de la rigolade, la Grèce a frappé très, très fort, dès le premier jour.
Je ne veux pas parler des petits amuse-gueules que sont les augmentations du SMIC local, le recrutement de nouveaux fonctionnaires pour remplacer ceux qui avaient été virés. Je n’évoque pas non plus les déceptions infligées aux Chinois qui rêvaient du Pirée. N’est pas Sparte qui veut.
Je ne dirai rien sur les commentaires irradiant de bonheur des «envoyés spéciaux » des chaines de télé à Athènes. On avait l’impression qu’ils étaient tous membres de l’extrême gauche Grecque!
Je veux parler de ce que les Grecs ont fait d’un seul coup et qui ne l’avait pas été en trois années d’intervention française en Afrique : tuer plus d’une dizaine de soldats Français et bousiller plusieurs avions. On ne fera pas de comparaisons avec d’autres tueries. Les Grecs le mériteraient pourtant.
Et maintenant, voilà qu’ils se baladent tout heureux de leur grand coup. On a même entendu des gamins courir dans les rues et réclamer de la poudre (pas pour la jeter aux yeux) et des balles (pas pour faire balle au chasseur). Ils criaient aussi «On a eu les Français! On aura les autres!».
La Grèce, clairement ne sait plus où elle met les pieds. Le Président Français va recevoir ses représentants? On lui recommandera de leur faire déposer leurs avions au vestiaire. On lui rappellera que les Grecs sont atteints de graves troubles de la personnalité : certains se prennent pour Périclès, d’autres se croient en Europe. Ce n’est pas rassurant. On lui rapportera qu’un observateur de ce peuple étrange en était venu à conclure que : «les Grecs, ce sont des Turcs qui se prennent pour des Italiens».
Vous voulez rafraîchir vos idées sur les dettes souveraines (les Grecs doivent de l’argent)? Suivez ce lien.
Vous voulez revenir sur l’attitude des Allemands en face des «Européens du Sud» ? Suivez cet autre lien.
La Cour des comptes va s’intéresser au commerce des poussettes pour enfants. L’explosion des vols et trafics associés à ce moyen
de transport ternit la belle image de notre démographie. Ajoutons, pour insister sur l’urgence qui a motivé la saisine de la Cour des Comptes, que certains voleurs de poussettes n’hésitent pas à
vider leur contenu sur le trottoir. Or la Cour vient à (dans un autre rapport) de dénoncer le manque de techniciens de surface (les balayeurs). Elle en appelait à un peu plus de courage dans
l’action réformatrice.
Réformer ? En France ? N’est-il pourtant pas acquis qu’en France la Réforme n’est pas en odeur de sainteté ! (Je sais, facile, mais n’est-il pas Français justement de risquer sa peau pour un bon mot?) N’est-ce pas dans son ADN (comme on dit maintenant au lieu de l’antique formule «est-ce ma faute à moi si je suis faite comme ça ?»). Pourquoi se bander les yeux: le célèbre «qui t’a fait Comte, qui t’a fait Roi ?» (en français moderne : « Qui es-tu toi qui veut me changer que je peux changer comme je veux ? ») dit à lui seul pourquoi toute tentative de changer les Français est périlleuse.
Heureusement, la France a inventé un type d’institutions particulières. Celles-ci, la Cour des Comptes en l’occurrence, au lieu d’exercer les missions pour lesquelles elles ont été conçues, s’attachent à réclamer des changements dans des domaines qui ne les concernent pas. C’est ainsi que le changement arrive, sans crier gare et par des voies inattendues. C’est ainsi que les Français, surpris et ne sachant comment réagir, se laissent gagner par le changement (ils ne savent pas à qui adresser le « qui t’a fait roi »).
Au hasard des rapports de ladite Cour, on relève qu’elle est devenue une sorte de couteau suisse pour gouvernement réformateur mais prudent. Par exemple, est-il du métier de la Cour des Comptes de recommander la fermeture de maternités ? «Pas du tout !» réagirez-vous si vous êtes normaux. Imaginez un commissaire aux comptes qui prônerait l’introduction de la bigamie dans le personnel ouvrier d’une entreprise au nom des gains de productivité qui y seraient prétendument attachés. La Cour des comptes qui estime que rien ne doit lui échapper s’est donc saisi de la question des maternités. Elle a fait le lien avec les poussettes volées. Elle a très logiquement déduit qu’on volerait moins les poussettes s’il y avait moins de maternités. Elle a donc recommandé des fermetures de maternités.
Au politique d’agir maintenant, s’il en a le courage.
Cette affaire des maternités et des vols de poussettes m’a fait penser à un texte que j’avais écrit sur l’émergence de l’Humain. Je vous le recommande de le lire en cette période incertaine.
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