L’information n’est-elle qu’éternité, néant, passé, sombres abîmes ?
Informer, s’informer, ici, maintenant, tout de suite. Rester en prise avec le monde d’aujourd’hui, avec les faits « Actually ». C’est une injonction de plus en plus pressante. L’actualité est un fardeau incontournable. Pour rester actuel, pour ne pas se retrouver, perdu, dans le fossé le long de la route, nous devons nous soumettre à l’exigence du moment qui court et que nous ne pouvons pas ne pas suivre.
L’actualité n’est pas un foisonnement de faits, d’idées, d’évènements, ni une pluie de tweets, ni un déversement de données truquées ou vraies. L’actualité, parce qu’elle parle d’aujourd’hui et pas d’hier, et pas davantage de demain, ne peut contextualiser ou, dit autrement, mettre les faits, les idées et les évènements en perspective.
Les perspectives de l’actualité ? Des faits, des idées, des évènements du passé déversés dans l’instant de l’actualité comme il faut bien, dans la soupe, jeter du sel, du poivre et quelques piments pour en relever le goût. Juste des ingrédients qu’on pioche un peu au hasard. Parfois c’est pour faire joli. Reliques du passé posées sur une commode, extraites d’un vieux coffre aux serrures rouillées, au cuir poussiéreux.
En vérité, « du passé faisons table rase » : il est encombrant. Il est exigeant. Pour être utile au service de l’actualité, il faut le connaître, l’apprendre, le débusquer et accepter de le faire sortir des oubliettes où il avait été soigneusement remisé. Apprendre, chercher, travailler ? On ne va quand même pas s’encombrer l’esprit des vieux faits, des idées vieilles et des vieux évènements. Pire encore, voilà bien une idée farfelue d’inconscients empêtrés que celle qui prétendrait jauger et filtrer l’actualité avec les vieilles routines et les instruments du passé.
Mais surtout l’actualité nous dit que c’est bien beau de penser, peser et croiser les informations, les pensées et les évènements alors que le monde avance ! Si on ne veut pas prendre du retard, on ne peut pas prendre son temps. Les « cailloux blancs », qui jonchent les cheminements passés, sont des ralentisseurs et comme on ne reviendra jamais en arrière, ils gêneront une marche agile et libérée.
Cela ne veut pas dire que l’actualité ne sait pas ses limites. Faire foisonner les faits, les idées, les évènements, c’est un pur idéal, qui rencontre très vite ses limites sur le plan pratique. Foisonnement n’est-il pas synonyme de dispersion, de fouillis, d’accumulation désordonnée ? Foisonner, c’est distraire, et, faute de concentration, c’est s’ouvrir à l’informe et au vide.
L’actualité pour marquer son tempo, doit frapper. Pas question d’administrer en goutte à goutte une distillation de faits ou d’idées. Ce serait un contre-sens. L’actualité se survit à elle-même et à l’instant dans lequel elle s’inscrit, à condition de frapper les esprits, vite et fort.
L’actualité est parente du coup de poing, du coup de bourse, du coup de force… c’est un coup donné et en cela, il doit être précis pour aboutir, ciblé pour bien toucher, concentré pour mieux s’enfoncer. Elle doit assourdir, aveugler, sidérer. Il faut qu’elle s’inscruste. Car demain, l’actualité d’aujourd’hui sera menacée d’effacement. Elle aura quitté l’instant présent pour commencer à s’enfoncer dans l’abime sans retour du passé.
Alors s’engage une lutte terrible pour la survie. C’est étrange, n’est-ce pas, que ce qui est d’aujourd’hui et qui le proclame haut et fort, s’efforce de perdurer et de continuer à briller le lendemain ! et de faire passer pour un aujourd’hui ce qui était un fait d’hier… L’actualité, lutte sans cesse pour ne pas couler, pour transcender l’instant et lui donner davantage de chair, c’est-à-dire, ralentir la course du temps… L’actualité cherche par tous moyens à s’attribuer un petit morceau d’éternité.
Si cette recherche n’avait pas de sens, alors, l’exigence d’actualité, la mise sur piédestal de l’instant n’auraient pas de sens et toute une quantité de petits métiers et de grands bouleversements technologiques seraient inutiles.
Jeux de mots que tout cela. Jeux de temps, jeux avec le temps.
L’actualité est un temps opérationnel quand le passé est un temps confessionnel et l’avenir un temps confusionnel.
Dans le monde crypto, digital, blockchain, il ne se passe pas un trimestre, que dis-je un mois, voire une semaine sans qu’une nouveauté émerge, sans que des starts-ups surgissent, sans que des milliards de dollars changent de mains. Dans le monde crypto, digital, blockchain, il ne se passe pas une seconde sans que, le temps, le monde, la réalité soient insensiblement abolis.
Rappelez-vous la « promesse internet ». Rappelez vous comme elle a pu paraître une version laïque de la croyance religieuse en monde pour tous, avec tous, entre tous. Ce monde nouveau, c’était celui de l’abolition des frontières imposées au discours, aux messages et aux échanges. Abolition des interdits imposés à la parole, abolition du temps qui la freinait et permettait de la refreiner. Internet ne disait pas « il est interdit d’interdire » injonction de cohortes soixante huitardes de gamins gâtés et mal élevés. Internet n'avait besoin que de sa seule existence technologique pour qu’il ne soit plus utile ni efficace d’interdire la circulation de la parole, des idées et des débats. Internet ou « tout, tout de suite », allait trop vite pour le censeur et de plus en plus vite pour le penseur.
Belle promesse qui, accélérant le temps et son déroulement, détachait sapiens de ses adhérences mentales. Autrefois, hésitant entre une incantation « rien de nouveau sous le soleil » qui en appelait à faire du temps une donnée superflue et cette autre « le temps s’enfuit » qui trahissait son excessive importance, sapiens n’avait trouvé rien de mieux pour y faire face que d’inventer les religions et de leur donner une dimension universelle. Aujourd’hui, il y a quelques années, internet nous libérait de ces chaînes et nous permettait de rêver d’un autre monde.
Plus près de nous encore, sont venus les enfants de l’internet. On sait tout ça, : les messageries, l’internet des objets, les réseaux… qui rapprochent les esprits et les pensées, qui ouvrent le monde au travers de milliards d’images, qui annulent les distances entre parents et enfants, dirigeants et dirigés, amis et ennemis et qui font sauter les préventions, les précautions et toutes les réticences issues de la lenteur du temps et de l’impérium du passé. Nous savons tout ça et en même temps nous l’oublions : nous vivons avec et nous ne savons déjà plus ce qui était vrai avant dans une autre vie, dans un autre monde, quand il y avait de l’écriture et du papier et besoin de beaucoup de temps pour déplacer la pensée.
Avons-nous atteint des limites ? Bien sûr que non ! les monnaies cryptées ont ouvert le ban. Elles nous ont apporté l’accomplissement du vieux rêve de sapiens : la richesse sans la contrainte du temps, c’est-à-dire sans l’injection de ce qu’il faut de temps pour que la réalité prenne corps. Elles permettent que la valeur naisse sans contrainte et sans qu’il soit nécessaire de la mettre au défi de la réalité. Les crypto-monnaies sont les brouillards mentaux qui effacent les aspérités du monde et les fondrières du temps. Mieux encore, les nouvelles copies de la réalité, les non fungible tokens, dissolvent le réel en le démultipliant. Ils le déploient sous forme de multiples offrant des images du réel fabriquées à la chaîne et laissant à la surface des choses la tâche de nous informer sur leur totalité.
La promesse d’internet est en passe de s’accomplir absolument dans le sens religieux qu’on a décrit plus haut. Les nouvelles cathédrales s’érigent délivrées du souci de tenir debout. Les nouvelles vies ne répondent plus « aux dures réalités ». Les métavers viennent de surgir promettant une vie-expérience à ceux qui usent de brouillards de valeur pour acquérir des fantasmes de monde. Le temps n’y sera qu’une boucle à la mesure de la vérité de l’expérience, faite, à refaire, recommencée et sans cesse changée pour être améliorée. La vie-expérience utilisera le temps comme un outil dont les contraintes anciennes auront été effacées. La flèche du temps s’inscrira dans toutes les dimensions et dans toutes les directions. Elle atteindra toujours sa cible qui n’aura pas plus de réalité que l’expérience dont elle sera issue.
Sapiens s’éteindra lentement à force d’avoir pris ses rêves pour des réalités.
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