Soliloques sur le vaste monde, décembre 2017

Existe-t-il un management à la Française?

Faut-il, gérer les Français « à la française » ? Ce serait une originalité parmi les nombreuses «exceptions françaises » dont l'intérêt économique et social est loin d'être prouvé.

 

Pour certains, le management « à la française » entraverait les transitions vers les nouveaux mondes de l'entreprise et de la société, par exemple, la transition numérique.

 

Le management français seul contre la science du management ?

 

Si le management à la française existe, il n'y aurait pas lieu d'en être fier : "Le management à la française est vivement critiqué par les étrangers".

 

La question du management à la Française fait partie des nombreuses manifestations nombrilistes de vieilles élites qui s'obstinent à faire de la France un « événement exceptionnel en même temps qu'une exception culturelle ». A quoi serviraient les fameux échanges de type « Erasmus » qui exposent la jeunesse française aux cultures économiques et sociales des autres pays ? Comment un management « à la française » peut-il se concevoir quand les générations qui se suivent sont de plus en plus profondément frottées de culture américaine, anglaise, allemande ou japonaise. Pensons à toutes les incitations si ce n'est aux obligations imposées aux jeunes Français à poursuivre à l'étranger une part de plus en plus importante de leurs études supérieures.

 

Comment imaginer que, revenant de sa formation managériale à Harvard, Wharton, Cambridge ou Berlin le jeune manageur français s'adonnerait sans hésiter à un vrai et solide «management à la française» ? Quant aux « Ecoles françaises de management », les HEC, Essec, Sup de Co, et autres Sciences-po, Dauphine etc. elles enseignent le management « tout court » et non un management «à la française » !

 

En fait, la question porte sur le fonctionnement des Français à l'égard de leur management. Je me souviens d'un patron anglais de très haut niveau, formé à l'anglaise et travaillant en France à la tête de la filiale française d'une entreprise anglaise à implantation mondiale. Sur son bureau, un cartoon représentait un manageur anglais désignant à un de ses cadres français les objectifs à atteindre et lançant cette objurgation : « just do it, don't ask 'pourquoi' » !

 

« Just do it, don't ask 'pourquoi' »

 

Au travers de cette remarque, c'est la façon dont les Français se voient par rapport à l'entreprise qui importe.

 

Si à chaque ordre les Français opposent leur « pourquoi », le manageur doit s'organiser, c'est-à-dire ne pas s'attendre à une exécution immédiate, rencontrer des critiques, les surpasser, accommoder l'ordre et ses instructions pour au moins donner le sentiment que « pourquoi ?» a été correctement traité. Le manageur «à la française» serait un pédagogue doté d'une patience infinie face à l'enchaînement des « pourquoi ? » lancés par ses subordonnés.

 

Au fil de la discussion, on est passé du management « en soi » au « manageur » en chair et en os. Ce manageur, on le trouve partout, différent et original, dans les grandes entreprises, en couches plus ou moins nombreuses, on le trouve dans les entreprises moyennes où il fait penser aux hommes de la dunette sur un bateau de commerce ou un chalutier et parmi les petits entrepreneurs qui rament tout en tenant le gouvernail et en écopant. On voit mal, pour quelles raisons, parmi tous ces manageurs, les uns seraient enclins au management « à la française » et les autres en seraient écartés.

 

Le management à la française n'est-il pas surtout le reflet du «travail à la française» ? Il est temps d'abandonner la fable de la créativité « à la française » où la faiblesse managériale est soi-disant compensée par les qualités intuitives, imaginatives voire émotionnelles de manageurs humanistes « à la française » ; abandonner les fantasmes de l'intelligence élégante et synthétique qui va droit à la solution grâce à la combinaison exceptionnelle des talents mathématiques et des belles lettres dans l'enseignement « à la française ». Tous talents qui n'ont pas empêché que la France se soit désindustrialisée durant les 20 dernières années.

 

Le « management à la française » a comme terreau le rapport entretenu entre les Français et l'entreprise. Il se déroule dans un milieu psycho-sociologique bien particulier. Dans la pesée des pouvoirs qui animent la société française, le pouvoir entrepreneurial est à la traîne en termes de légitimité, notoriété, respectabilité conduisant à renoncer à l'universalisme des leçons de management international et à inventer un mode national de management.

 

Si la vision de l'entreprise est dévalorisée et perçue comme une source d'oppression et de détournement d'argent et de compétences au détriment des salariés. Si la loi appelle explicitement ou implicitement à distinguer entre l'entreprise (c'est-à-dire ses salariés) qui est bonne et son management (encadrement compris) qui est mauvais, n'est-il pas évident que la façon de manager s'en ressentira ? Le management aura une allure très particulière si les licenciements sont compliqués à mettre en oeuvre. On ne s'étonnera pas que dans un univers très « encadré » le manageur se transforme en comptable pointilleux des ratés des collaborateurs au lieu d'encourager ou de récompenser !

 

La façon française de manager est la conséquence d'une idéologie sociale dominante.

C'est donc une erreur de traiter la question du management « à la Française » comme le font les commentateurs qui multiplient les observations du type : hiérarchie autoritaire, manque d'écoute, pas d'esprit d'équipe, individualisme, pas de sens de l'analyse etc. Comme c'est une erreur de s'enthousiasmer sur les prétendues souplesses intellectuelles, créativité et débrouillardises en tous genres!

 

Le management est « à la française » parce l'entreprise n'est pas valorisée en France à l'opposé de la plupart des autres pays du monde occidental.

 

Ce soi-disant management « à la française » disparaîtra du jour où les manageurs et les entreprises seront considérés comme des acteurs essentiels de la vie sociale économique et culturelle en France.

 

Progrès de productivité

A Roissy pour enregistrer des bagages des machines à enregistrer. Grâce aux machines et à l’informatique etc. des gains de productivité et des services intelligents (smart) Et puis ça patauge. On va de machines en machines. Heureusement, on est arrivé bien avant l’heure.

 

C’est cela la nouvelle économie : les gains en productivité des entreprises ont pour contrepartie, les pertes en productivité des consommateurs. Grâce à internet, vous prenez vos billets à une vitesse folle ?  Sauf que vous avez eu envie de balancer l’ordinateur par la fenêtre, après une bonne heure d’allers et retours sur le « site interactif ». Vous avez perdu votre temps. Vous allez le perdre à nouveau à de multiples reprises. Le livre commandé sur internet. Il faut aller le chercher. Mais attention pas à n’importe quelle heure. Productivité oblige. Au théâtre avec la réservation en ligne…. Trois jours plus tard, la carte n’a finalement pas été acceptée… et il n’y a plus de place pour le théâtre.

 

Interrogeons notre pratique des commandes en ligne et constatons que le personnel qui a disparu, licencié ou non remplacé, nous en sommes la contrepartie : temps perdu à se promener sur internet, heures passées à chercher le produit qui vous avait été annoncé « personnellement », sans compte le livreur qui n’est pas passé !!! Errements dans un aéroport ou dans un grand magasin à la recherche de la « machine » et de son mode d’emploi.

 

 

Le travail dont les entreprises ne veulent plus… a été transmis aux consommateurs.

La formidable opération du docteur Nakamoto

 

 

L’introuvable inventeur du bitcoin, Satochi Nakamoto, est un génie à deux points de vue.

 

Premier point de vue : il a réussi à rendre la Blockchain incontournable et à lancer une révolution dans le domaine social au sens le plus général du terme. L’innovation que constitue la blockchain aura des effets au moins aussi importants que l’introduction de l’informatique dans les années 70 et la naissance d’internet dans les années 90. Cela devrait faire du bon docteur Nakamoto un candidat solide pour un futur prix Nobel.

 

Deuxième point de vue : il a réussi à monter une des plus fantastiques chaines de Ponzi du monde. Dès le lancement du bitcoin, il s’en était attribué quelques centaines de milliers. Il n'avait plus qu'à attendre. Si ça ne marchait pas, tant pis ! Si cela marchait, il n’aurait plus qu’à compter, comme Panurge, les moutons, petits épargnants et spéculateurs, qui se précipiteraient derrière le mirage d’une fortune sans se fatiguer. Rêve millénaire de l’Homme de Neandertal quand les chasseurs-cueilleurs fantasmaient une nature généreuse.

 

Détenant environ 5,88% de la masse totale de cette crypto-monnaie, le cours montant sans cesse grâce aux milliers de moutons, il est devenu la 44ème plus grosse fortune du monde avec 19 milliards de dollars. Suivant le bon Docteur et sa bonne fortune, quelques chasseurs-cueilleurs malins comme les frères Winklevoss ont aussi accumulé un beau patrimoine.

 

Ces belles fortunes ne « valent » que si le marché du bitcoin est suffisamment liquide pour en absorber la vente, qu'il s'agisse de quelques centaines de milliers de bitcoin ou moins. A en lâcher trop vite sur le marché, un krach monumental s'ensuivrait.

 

Mais ça c’est pour les autres, les petits, qui minent sans se soucier du prix de l’électricité. Ils achètent des bitcoins avec leurs économies et quelques prêts personnels et ils s’endorment tous les soirs en se disant qu’à 50 000 euros le bout, leurs dix bitcoins vont « faire » 500 000. Plus encore, si on est patient: certains prévisionnistes n’annoncent-ils pas 500 000 ? Ils n’imaginent pas qu’ils sont à la merci d’une vente un peu "exubérante" de Satochi ou des frères Vinklevoss.

 

Satochi a lancé cette pyramide en faisant bien mieux que Ponzi ou Madoff. Il n’a pas promis des rendements fabuleux. Il a attiré les bitcoiners en leur annonçant qu’ils allaient se rendre plus libres et plus indépendants ; leur argent ne serait plus sous le contrôle d’intermédiaires sans scrupules, mais sous la protection de communautés bienveillantes, codeuses, mineuses et développeuses. Qui ne casserait pas sa tirelire au son d’une pareille musique ?

 

Finalement, ce n’est pas aux moutons de Panurge qu’il faut penser mais au joueur de flûte de Hamelin. Bientôt les bitcoiners disparaîtront dans la montagne de Keynes. On creusera avec acharnement pour les retrouver vivants. Cette recherche, impliquant hommes et matériels, provoquera un sursaut de l’économie, la vraie, celle où on fabrique de la valeur avec de l’imagination et du travail.

 

En vérité on ne les retrouvera jamais : on ne court pas impunément après le vent.

 

 


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