Photo-reportage

Quelques choses que j’ai notées sur le « Photo-reportage » 

 étant membre du jury de la Bourse du Talent #69 Reportage 

 

Reportage. Reporter. Le reporter n’est pas chroniqueur. Il ne dit pas ce que nous connaissons déjà ou un peu. Il n’est pas là pour augmenter notre réalité. Ce qui n’est pas connu, vu, senti appartient à son univers rêvé. Faire venir à la conscience avant même que de faire venir à la connaissance. Trouver les questions, plutôt que les solutions au risque que les solutions soient franchement inattendues. Comme le chercheur tout court, scientifique ou non, il s’agit de mettre à jour des faits, les faire venir au jour. Les faire naître à notre pensée.

 

Goya, est-il suffisant dans ses images pour parler des horreurs de la guerre ? Est-il besoin d’un texte ? Dans ses séries sur la société espagnole, ne s’agit-il que d’horribles caricatures ou plus simplement des images qui lui sont venues pour faire venir au regard cette société dont il avait gravé les agissements, les comportements et les attitudes. Que dire de plus ? Ce dire est accompli par le fait de l’image. Quand Stanley Greene bâtit un livre sur la guerre en Tchétchénie, ses images ne font-elles pas émerger ce dire et avec lui les faits qu’il dévoile. L’un et l’autre ont « reporté » par la gravure et par la photographie.

Le photographe, ici, est l’instrument qui fait surgir ce qui est à voir. Il voit tout court et révèle ce qui n’était pas vu, par déni, par paresse, par habitude. « On ne voit pas ce qu’on ne nous a pas montré ». Le reportage photographique, comme le graveur autrefois, arrache les images « invues » au monde et les propulse devant les regardeurs, les citoyens, pour qu’une façon différente de la réalité, une forme, une idée leur devienne visible puis ensuite familière. Pour que cela soit devenu visible et acquis.

Juger d’un reportage photographique c’est être pris entre le marteau et l’enclume : entre le « dit » du reportage et la « montre » du photographe. Le plus dur est de pondérer justement ces deux ingrédients. Ils doivent s’unir pour un propos précis et ne doivent pas tirer à « hue et à dia ». Pour formuler un jugement, il faut être clair avec ce qu’on attend d’un reportage photographique. Et puis, il faut être clair sur ce qu’on attend de la photo dans un reportage ; sur ce qu’on attend de l’image ; sur ce que l’image véhicule de plus fort ou de moins fort.

 

Le reportage photographique et le « dire » de l’image font tomber des formules sympathiques et jolies mais creuses : l’essentiel, contrairement à ce qui est trop souvent répété après Saint Saint-Exupéry, est visible pour les yeux, sauf pour ceux qui s’organisent pour ne pas voir ou pour ceux qui sont trop bridés par leurs façons de voir, héritées, adoptées et immuables. C’est un mot étrange que le mot « œillère » puisqu’il est dit d’un moyen d’abolir l’œil et sa mission, la vue ! Et c’est bien là que réside le défi qui s’impose aux montreurs d’image que sont les photographes. L’essentiel n’est visible pour les yeux qu’à raison de leur talent et de leur conscience. L’enjeu du photo-reportage est tout là.

 

Il y a des écueils dans ce travail de mise au jour. On ne perdra pas trop de temps avec celui qui se heurte au fait que les images n’y peuvent parfois pas grand-chose. Il est des thèmes que l’image peine autant à montrer qu’à dire. A moins d’user de péri-images dont la subtilité et la complexité syntaxiques et logiques en réservent l’accès à certains privilégiés, à des aficionados ou des complices. Comme il est parfois difficile de trouver des mots pour certaines réalités, il peut être difficile de trouver des images. Il advient aussi que cette « impossibilité » dise beaucoup sur la formulation du sujet. Mal posé, il en résulte que tout est embarrassé par le fameux « garbage in, garbage out » !

 

Il faut pourtant aborder un des écueils les plus délicats pour les amoureux de l’image que sont les photographes. « Le beau » est le plus redoutable qui risque de saboter la meilleure intention. Résonne alors cette belle phrase, dont je ne sais qui l’a prononcée au sujet de l’Art Français : « rien de trop ». La force d’une démonstration, tiendrait-elle dans ce « rien de trop » ? La belle image est-elle ce « trop » ? Le beau photographique ne risque-t-il pas de troubler le reportage ?

 

Considérant une série d’images très bien prises, je me suis surpris un jour à me répéter ce qu’un spécialiste de l’enseignement des langues m’avait dit : « préférez-la radio pour apprendre une langue, elle parle à votre oreille ; évitez la télévision, elle parle à vos yeux, or vous ne parlerez jamais une langue avec vos yeux ». En langage photo-reportage, je le transposerais en ces termes : méfiez-vous du beau style, de l’image élégante, des cadrages subtiles et des étalonnages bien équilibrés. Gardez au fond de vous que le beau n’est que le registre des formes qui nous ont domestiqués, qui nous satisfont et nous reposent. Elles nous sont connues, nous les reconnaissons et leurs en sommes reconnaissants.

 

Hésitations classiques depuis que le reportage est fait pour les grands nombres entre « balancer des coups de poing » et « chatouiller des rétines ». 

 

Ce sont des principes ? Il faut s’appuyer dessus pour les voir céder ? Il est vrai que lorsqu’un photo-reportage traite du beau, il ne faudra pas s’étonner de voir surgir ce dernier et s’il détourne à son profit la pensée du regardeur, on dira que l’objectif du reportage est atteint !!!

 

 

Ce sont ces considérations qui m’ont guidé dans la compréhension et l’appréciation des séries de photos qui m’ont été confiées. Je voudrais dans les lignes qui suivent, en faire application sur quatre photographes qui m’ont impressionné.

 Comprendre le Métavers en 20 questions

 

 

 

 

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