« Vous qui entrez ici, vous avez choisi les rêves et l’espérance », ces quelques mots éhontément détournés de Dante, auraient pu orner l’entrée de la galerie animée par le sympathique Philippe Ageon .
Ces prochaines semaines, il expose Claudie Laks. On parle beaucoup, à tort et à travers de metavers, de trois « D » et de parcours dans des univers cryptés ou virtuels. Claudie Laks propose chez BOA, une promenade dans le charme bien "réel", dans des supports à rêveries, dans des clés « 3D » pour ouvrir sur des « beyond the looking glass ».
Il s’agit ici de montages en papiers et peintures avec aussi un peu de colle pour que tout ceci tienne bien. De filaments de papiers multicolores, elle fait des objets d’art. Et pour mieux illustrer les images qu’elle crée en de multiples dimensions, elle leur donne des noms. Et ça c’est étrange parce que ce qu’elle montre ne ressemble à rien d’autre qu’à des rêves en l’état futur d’achèvement, à des pensées en cours d’élaboration ou des espérances qui, telles qu’elle les exprime, ne seront jamais déçues.
Alors une brassée de papiers multicolores est intitulée « follement », à raison, se dit-on, en considérant cette œuvre qui foisonne et dégringole accrochée comme on l’aurait fait d’une pelote mal fagotée. C’est surtout très gai.
Et ce serait savant si on voulait insister sur le concept de sculpture du vent, de la couleur du vide et de la transformation des pleins en déliés. Ecritures ?
Elle invente aussi de nouveaux langages en créant de nouvelles typographies : « laissez parler les petits papiers » fait penser à un langage que des enfants auraient dessiné avec des ailes de papillon. Parfois, un doute se glisse dans la création d’une de ces sculptures de la couleur et du vide. L’œuvre s’intitulera « Pourtant ». Et ce sera en noir et blanc, ombre et lumière et propos en forme d’écriture chinoise qui aurait été froissée.
A la fin (s’il est possible d’en imaginer une) il faut peut-être penser à des rêves aboutis que l’artiste aurait saisis au vol et qu’elle aurait épinglés précautionneusement, sans en abîmer les couleurs ni le temps du réveil.
Charles Ray
Bourse de commerce Pinault Collection
J’ai un grand respect pour les gens qui sont capables de prendre des risques, pour les entrepreneurs par exemple, et plus encore pour les entrepreneurs capables de créer des empires, Gates, Musk, Bezos, Arnaud et Pinault . Je leurs suis reconnaissant quand, plutôt que de collectionner les soldes en banques, ils investissent leurs biens privés dans des biens communs.
Fin du premier ban !
La Bourse de commerce restaurée par M.Pinault en est un très bel exemple. Même si j’ai à redire. Mais, comme je ne veux pas me contredire, je ne redirai pas. Le bâtiment est très bien à l’extérieur, moins bien à l’intérieur. Heureusement, on voit encore la coupole et les fresques remises à neuf qui la décorent. Touche naturelle dans cet ensemble : les pigeons. Ils sont tellement bien faits. Ils ont l’air vivants. Entre béton et murs d’origine, ils viennent nous dire que la nature ne perd jamais ses droits.
Fin du deuxième ban !
Quand on restaure un bâtiment, on remet d’aplomb un contenant. Ceci ne préjuge pas du contenu. Dans le cas précis, c’est heureux. Au fond, M.Pinault, dont le goût pour l’art contemporain est de notoriété publique à le droit d’user du contenant pour y mettre le contenu qu’il veut. Il a le droit d’ouvrir le contenant à tous les regardeurs d’art prés à payer pour voir.
Fin du troisième ban
Donc, rien ne lui interdisait d’installer les œuvres de Charles Ray dans les espaces généreux du la Bourse du commerce. Et comme rien ne le lui interdisait, il l’a fait et ainsi, les regardeurs peuvent satisfaire leurs instincts artistiques en contemplant les œuvres de ce très important artiste américain.
Les commentaires qui accompagnent cette exposition insistent sur sa profonde connaissance de l’art universel. Il l’a à ce point assimilé, qu’on a droit à des réinterprétations des grandes œuvres du passé : Praxitèle, l’Apollon sauroctone, Carpeaux, Canova. Charles Ray réinvente des œuvres essentiellement classiques. C’est un artiste rassurant. Son Christ en papier mâché qui ressemble à un Christ en marbre fait un beau pendant avec d’autres œuvres où le marbre fait papier mâché.
Fin du quatrième ban
Il n’y en aura pas d’autres… tout ceci, n’a strictement pas davantage d’intérêt que les insectes architecturaux de M. Gehry. On peut toutefois se rassurer : par opposition aux œuvres de ce dernier, celles de Charles Ray sont amovibles et quitteront bientôt la bourse de commerce pour honorer d’autres lieux de leur présence.
Collection Morosov, Musée Louis Vuiton, jardin d’acclimatation Neuilly/seine
Flaubert est définitif, dans son dictionnaire des idées reçues, il écrit : « Collection Mort au Zof :il faut y aller absolument. Il y a un peu de peinture Russe et beaucoup de vodka ».
On sait que ses critiques pouvaient être injustes, il convient donc de rectifier : tout d’abord il n’y a pas de vodka. Ensuite, on peut voir des Russes. Il y en a. Pas trop. Ils ne gênent pas et laissent les promeneurs contempler quelques artistes français: Cézanne, Bonnard, quelques impressionnistes dont Monet et même Renoir. On y voit des Gauguin aussi et si Chagall avait été représenté, on aurait dit qu’il y avait de chagaux. Heureusement, il n’y a pas de Chagall.
Donc, il faut y aller avant que les sanctions qui vont pleuvoir sur la Russie ne conduisent le gouvernement français à enfermer la collection Morosov dans la cage aux singes du Jardin d’Acclimations (notons qu’entre cette dernière et l’œuvre de l’architecte Gehry, il n’y a pas grande différence).
Pour ceux qui ne veulent pas se compromettre avec le régime poutinien, je suggère une longue visite au musée d’Orsay. Là aussi, on trouve des Cézanne, des Bonnard, des Maurice Denis etc . En cherchant bien, je suis sûr qu’on y trouve des peintres russes. Mais c’est sans importance, surtout en ce moment.
Magdalena Lamri
Chez Galerie Sabine Bayasli
99 rue du Temple
75003 Paris
Une nouvelle galerie dans le Marais ? Installée depuis deux ans. Pas de bol, tout était opérationnel en début 2020 ! Finalement, la preuve a été fournie que le temps n’est pas entre nos mains !
Toujours selon la même façon de procéder, je me promène, je regarde les devantures des galeries quelles qu’elles soient et… je stoppe et je reviens en arrière et à la fin si mon premier sentiment était le bon, je rentre dans la galerie et passe au scanner les œuvres de l’artiste qui a provoqué la mise en mouvement de la « procédure ».
Et, c’était une bonne idée car sont exposés dans cette galerie, les œuvres d’une jeune femme, une artiste française, qui peint et dessine essentiellement. Les œuvres exposées sont des dessins. Regarder un dessin est très différent du regard qu’on porte sur une peinture. Les dessins sont apparentés aux livres. On ne peut s’empêcher de les regarder comme s’il y avait à lire en eux. Ajoutons que quelle que soit la perfection qui accompagne le geste du dessinateur, il y a toujours dans un dessin une part d’hésitation, un tracé qui n’est pas uniforme, un trait qui n’a rien d’assuré. C’est probablement ce qui en fait à la fois la séduction mais aussi qui lui confère une impression d’inachevé !
En d’autres temps, un autre dessinateur m’avait complètement subjugué : Zonder que la Maison Rouge avec exposé de façon magistrale. Les rapports entre les deux dessinateurs sont frappants. Certains thèmes sont communs.
Les dessins de Magdalena Lamri sont de cette sorte et ils le sont d’autant plus qu’ils ont très souvent pour thème l’inachevé, l’inabouti, la dislocation ou mieux encore la dissolution, du monde, de ce qui nous entoure. Ils le portent dans leur intitulé. « A petit feu » est le titre d’un dessin montrant la combustion d’un fauteuil et la vraie fragilité de la vie.
« Dans la nuit, nos contes déchus » est une merveille de dessin « fantastique » et de poésie sur la vie qui s’efface et se dissout.
Magdalena Lamri a l’âme d’une conteuse qui ne livrera pas la fin de l’histoire, car le charme ou l’inquiétude, ou encore le vrai sens de celle-ci résident justement en ce que le conte continue son existence dans la tête et les rêves du regardeur. L’achever serait l’appauvrir.
Très beau travail
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