Baselitz, Kirkeby, (pas allemand), Immendorf, Polke, Lupertz
Très belle exposition « allemande ». La galériste a toujours porté haut la flamme de la nouvelle peinture allemande, Baselitz, Lûpertz, Immendorf, Polke, Kirkeby. Elle a rassemblé un bel ensemble de leurs œuvres.
A voir absolument : 7 rue pastourelle.
Jean-Michel Jaudel
Très belle exposition chez BOA
11 rue d'Artois,
75008 Paris
Je m’en tiens, lorsque je commente des œuvres d’art, à ce principe en vertu duquel, l’œuvre seule compte et l’artiste ne vient que très loin derrière.
S’il vient.
Faire venir l’artiste au milieu de ses œuvres, ce serait comme dévoiler le fameux « making of » des anglo-saxons. Et je tiens pour certain que la belle, la grande œuvre a, au mieux utilisé l’artiste, au pire l’a exploité. Il était là. Elle s’est saisie de lui et quand elle s’est sentie achevée, elle a renvoyé dans le fin fond de l’oubli celui qui se rêvait auteur. Un peu dure, j’en conviens, mais je suis soutenu dans cette thèse par Marcel Proust et Martin Heidegger. Je ferme le ban.
Et pourtant, comme l’aurait dit Talleyrand, il suffit de s’appuyer sur les principes pour les voir s’effondrer. Tentons l’expérience. Laissons s’effondrer les principes et, une fois la poussière retombée, revenons vers Jaudel, Jean-Michel.
Au passage, ce n’est pas parce que celui, qu’on nommera dans les lignes qui suivent « l ’artiste », va devenir le héros de notre chronique, qu’on s’obligera à le raconter. On lui inventera, pour jouer, une biographie sévère. Né au mitan du siècle dernier, dans une contrée reculée de l’Algérie, encore française, il a pour toute étude primaire, gardé les moutons. Ayant avancé en âge, il fut commis à la récolte de matériaux divers. Plus tard encore, alors qu’il venait de s’installer en France, il continua ses récoltes. La force de l’habitude, probablement. Mais la crise frappa et le trouva à la tête de quantité d’invendus en toutes sortes et formes.
Alors, il les contempla et découvrit que toutes ces choses, métaux, plastiques, bois et papiers canson, toutes ces formes, étoiles de David, croix de crucifixion, tôles rongées par la rouille qui en avait fait de la dentelle, presses à froid pour les fruits des pays chauds, presses à chaud pour les glaçons des pays froids, moules à biberons, bouteilles pour biberonner dotées pour ce faire d’une anche à gradation qui permet d’aspirer plus ou moins de liquide selon l’ouverture, exactement contraire à l’anche de la clarinette dans laquelle on souffle plus ou moins d’air.
Il lui vint qu’il les connaissait tous, même la tôle en forme de jupons prenant des allures de jurons dans la taule. Même la cornemuse qui rougissait devant le trophée du buffle. Il savait d’où ils venaient, ils savaient les lieux où il s’en était saisi, contraint parfois d’opérer nuitamment et, mais c’était plus rare, de les bâillonner pour que saisis de paniques, ils ne se mettent pas à carillonner. Il sourit. Ses souvenirs les plus comiques se télescopaient avec les plus tendres. Un encensoir se mit à fumer contre toute attente, réveillant par miracle un hibou bouffeur de curé. Pour chacun, il avait une histoire. Là-bas, ce médaillon rouge, il l’avait soustrait aux sbires de Poutine : il avait prétendu qu’il s’agissait d’un bouclier de centurion, les sbires ignares et imbibés de vodka avaient compris qu’il s’agissait d’une boucle de ceinturon. Et justement, cette étiquette de vodka, il l’avait tout simplement volée dans la poche d’un sbire imbibé.
A ce point du souvenir, submergé par l’émotion qui nous vient toujours des belles histoires d’antan, il ne put s’empêcher de considérer l’état dans lequel il se trouvait. Plus d’argent. Plus de passé, l’Algérie n’étant plus française. Pas d’avenir, puisque pas encore tout à fait français. Sans autre métier que celui de courtier en choses inutiles. Décidément, il était mal barré. Regardant, hagard, la ligne d’horizon posée devant lui et prête à reculer dès qu’il s’en approcherait, il en vint à plaindre toutes ces choses qu’il avait amassées. Elles étaient perdues. Il fallait accepter le fatal décret des dieux. Elles avaient eu un passé, trop peut-être : résultat, elles avaient bouffé leur temps et n’avait pratiquement plus d’avenir disponible. Et puis, en toute franchise, elles n’avaient plus l’air de la prime jeunesse. Allez ! Il lâcha le mot : « Elles font vieilles. Un bon coup de covid et c’en serait fini ».
Les miracles existent. L’artiste ne les avait jamais rencontrés dans sa vie antérieure. Il ne les connaissait que par l’entremise des Saintes écritures qu’il n’avait jamais lues ou par le moyen des contes de fées qui sont pleins de tristesses et de cauchemars (Grimm grince des grimoires). Aussi, ne réagit-il pas lorsqu’une des choses le poussa du coude. Il fallut qu’elle lui flanque un grand coup de pied dans le tibia pour qu’il redescende sur terre. Un grand Christ, tout nu sans sa croix (Laissez-moi vous dire comme il est triste le cri du christ qui a perdu sa croix), voulait lui montrer un tour qu’il avait appris. L’artiste était si mal en point qu’il ne réagit même pas. Il ne pensa même pas à lui trouver une petite croix sympathique pour qu’il se couvrit et ne prit pas froid. Il considéra comme dans le vague, la forme bronzée du Christ qui s’élançait élégamment dans une sorte d’entrechat, les pieds solidement joints, les bras tendus vers une balle tout en haut, planant au-dessus de la scène, comme s’il l’avait lancée dans les airs.
L’artiste, doucement sourit au Christ. « C’est très bien ce que tu as fait. Il faut t’accrocher et continuer ». Jusqu’au moment où il s’aperçut que le Christ et la balle avaient migré dans une boîte dont ils avaient refermé le couvercle de verre. Ils ne bougeaient plus. L’artiste, coi dans un premier temps, se tint devant la boîte et il la trouva jolie. Le fond de la boîte était rose vif. C’était criard. Alors, il ouvrit la boîte et prit un vieux pot de graisse de bagnole. Le fond devint d’une couleur indéfinissable. C’était mieux. Les choses inutiles ne peuvent avoir que des couleurs mornes, pensa-t-il. Il était content. Quelque chose de sympathique venait de se passer. Il n’était donc pas si seul que ça ? Gaiement, cette fois-ci, il se tourna vers les vieilleries entassées autour de lui. Il laissa traîner son regard, comme le pêcheur attentif et travailleur laisse traîner des lignes pour attraper des bars. Et, comme le pêcheur patient qui sait se garder des pécheurs impénitents, il vint à son regard des choses qu’il avait sûrement attendues toute sa vie durant.
Une collection entière de moules à tétine se mit en mouvement. Ils étaient suffisamment nombreux pour se saisir et transporter un bouclier romain, en fait une réclame à gouvernement totalitaire. Elles s’installèrent dans une boîte ad hoc et, prenant la pose façon garde impériale, s’installèrent en bon ordre devant le bouclier qu’elles avaient huché pour qu’on le voit mieux.
C’est à ce moment-là, à ce moment précis, que les principes s’effondrèrent. L’Artiste ne put pas s’empêcher de redevenir Jaudel. Il aurait pu laisser les œuvres d’art s’ériger toutes seules et toutes seules se choisir des cadres, des compagnons ou des décors. Alors, on n’aurait pas eu à parler de l’artiste puisqu’il n’aurait contribué aux œuvres que par une négligente accumulation d’objets disparates. Mais voilà que Jaudel, considérant ces choses qui se choisissaient des vies sans lui demander son opinion, se rebiffa. « C’est moi l’artiste » lança-t-il aux choses sur un ton comminatoire et menaçant. « A partir de d’ores et déjà, c’est moi qui dirai où vous allez. C’est moi qui choisirai les boîtes ». Et devant quelques mouvements de protestations, il leur lança : « et c’est moi qui nommerai les œuvres ». Ce fut le coup fatal. Les choses savaient qu’au début était le verbe. Celui qui donne les noms est celui qui gouverne.
C’est ainsi qu’une sorte de modus vivendi se mit en place : Jaudel, en fin politique ne voulut pas imposer, contraindre, ni ordonner. Il procédait par suggestion, s’efforçant de satisfaire les ambitions refoulées, les sentiments secrets, les enthousiasmes discrets de toutes ces choses. Il avait remarqué comme étaient moroses certains couverts, couteaux, fourchettes, cuillères. Il sut que tout ceci avait appartenu à un obèse qui avait un sacré coup de fourchette. Hélas, le glouton était mort de faim. Alors, il rassembla les objets dans un projet cathartique : Diet. Il les disposa en sorte qu’ils ne puissent plus jamais servir à baffrer. Il faut aussi narrer cette tendre histoire d’un couple d’amoureux, (les embauchoirs vont toujours par deux) sous une lune de plomb (elle se vengeait du soleil). Même la mort dût se faire toute petite sous l’effet d’une plume, d’un certificat de décès et de quelques petites choses assez amusantes qu’il avait trouvées dans un plumier d’enfant.
Je m’aperçois à cet instant, que j’aurais dû évoquer les chants de Maldoror, j’aurais dû aussi me placer sous l’autorité bretonnienne et, surtout, surtout, rendre à Duchamp ce qui revient à Duchamp (je ne me souviens plus très bien ce qui revient à Duchamp). J’aurais dû, à raison des titres autant que des images, user de quelques citations tirées directement des œuvres de Magritte. On aurait aussi convoqué Houellebecq et on aurait cité « Locus solus ». J’aurais dû…. Cela aurait installé Jaudel au sein des étoiles du firmament surréaliste.
Last but not least, j’aurais dû penser à Yasmina Reza.
Mais, Jaudel l’avait installée dans une jolie boîte de sa confection au titre si juste : « un conte de fées ».
Elle était devenue une œuvre et Jaudel, Jean-Michel, en était l’artiste.
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