- Land Art au Château Lacoste ou le domaine de l'Art
- Palais de Tokyo 1, Acquaalta de Céleste Boursier-Mougenot
- Palais de Tokyo 2, Palais de Mémoire
- Palais de Tokyo 3, Jesper Just
La chronique qui suit ne propose pas un commentaire pour chaque artiste exposé ou présenté ou ancré dans le sol du Château La Coste. Chaque oeuvre aurait dû être détaillée et appréciée sur des pages et des pages car les auteurs sont, dit-on, les génies de leur temps. Seront-ils des génies pour les temps à venir? Ne retrouvera-t-on plus tard, dans cinquante ans ou cent ans, que des décombres ruinés, des carcasses rouillées ou des bâtiments effondrés? Evidemment, personne ne peut le dire.
Certaines de ces œuvres, impies, mécréantes et/ou blasphématoires, auront peut-être été dynamitées. Un premier passage d'explosions basiques aura été conduit par les sous-développés d'un Califat malingre. Des groupuscules d'extrémistes chrétiens poussés comme des plantes grasses sur des terreaux pour obèses auront rasé le restant des ruines et des œuvres.
Donc pas de commentaires sur les œuvres. Pas de nom, non plus. Sauf deux ou trois.
Par exemple, on n'a pas dit un mot sur le travail de Frank Gehry. A dessein. Ce monsieur est un sculpteur en crustacés qui se fait passer pour un architecte. Imaginez le Facteur Cheval qui aurait été recruté par une société d'ACHE-ELEME. Cette fois-ci, il a planté un crabe sous le prétexte d'une salle de musique en plein air. Un crabe-tambour peut-être.
J'ai cité Tadao Ando. A raison. Tous ceux qui se rendront au château seront sous le charme d'un événement exceptionnel. Pureté des formes. Respect d'un environnement magnifique. Perspectives dont le classicisme plonge dans les racines les plus belles de la culture grecque. Portiques qui rythment les bâtiments d'accueil et introduisent les visiteurs dans ce domaine de l'art qui, si on comprend bien l'intention de son propriétaire, ne cessera de s'enrichir.
On s'interrogera sur ce propriétaire pour se demander si ce n'est pas lui le vrai artiste de ces lieux, auteur d'une oeuvre colossale faite de vignobles alignés comme en Toscane et de chefs d'oeuvre comme autrefois rois et princes aimaient à en commander pour décorer leurs jardins.
PS: les photos sont miennes et bien inférieures aux magnifiques photos qu'on peut trouver sur le site du Château La Coste.
Cela serait-il devenu un must ou une mode ou une attitude ? Les espaces s’ouvrent à l’art, lui offrant des centaines d’hectares, des kilomètres de sentiers, des milliers de marches, des rivières, des ruisseaux, des mares et des centaines de milliers de plans de vigne. Ces espaces étaient autrefois cantonnés en Provence, on les voit remonter vers le Nord, là où toujours poussent les vignes mais aussi où on trouvera des arbres fruitiers.
Sur ces immenses domaines, le plus souvent à l’écart des grands flux touristiques, loin des villes-musées, des plages à parasols et des villages peuplés d’indigènes en costume local parcourus par des touristes en marcel et en shorts, on voit s’ériger des œuvres monumentales, telles qu’on n’en verrait qu’aux abords des aéroports, des grands stades olympiques ou à proximité des nouvelles gares modernes pour train ultra-rapides.
Quelle folie des grandeurs, des tailles maxi, des sculptures gigantesques et des constructions insensées a pu s’abattre sur les propriétaires, souvent étrangers, de ces domaines? Quelle nouvelle expression d’altruisme artistique trouve là à s’exprimer? Ces domaines sont des propriétés privées. S’agirait-il alors de la forme moderne des expiations qui ont fait autrefois les chapelles Brancacci, les vitraux des grandes cathédrales et les Bibles richement enluminées. Sommes-nous dans un de ces moments rares de l’histoire de la civilisation quand les riches, les Médicis, les Rothschild, les Fugger, les Jacques-Cœur, se mettent en tête de laisser quelque chose de beau, de grand, de sublime à leurs contemporains et aux générations futures ?
Quelque chose de beau… ou bien ne nous offre-t-on pas une pensée indécidée, une méditation sur l’art, une question sur ce que peut être une œuvre. La visite que j’ai faite à ce domaine du vin et de l’art qu’est le château La Coste en bordure du Lubéron, non loin d’Aix en Provence, n’a pas apporté de réponses très précises à ces questions en formes multiples.
Œuvre d’art, le Domaine ? Des œuvres d’art dans le domaine ? Un domaine pour les œuvres d’art ??? Un domaine qui offre à ses visiteurs un peu plus de trois kilomètres de chemins et de sentiers pour conduire cette réflexion, la frotter aux œuvres qui y ont été installées comme un géant aurait pu les jeter à poignées, ici et là, semant les bâtiments, les sculptures, les formes au hasard du geste du semeur. Tout au long du parcours, le regard plonge dans la nature dominée des vignobles qui se donnent à voir comme les vedute d'un tableau italien et se dessinent en paysages dont l’élégance lointaine fait un écrin à un univers d’œuvres d'art.
Des œuvres dans le domaine ? Les images parleront pour elles: décrire des images d’architecture ou de sculptures est souvent aussi délicat que de commenter une symphonie ou un aria. C’est si difficile que, par jeu ou par provocation, on a cherché à troubler la vision, à déranger l’ordonnancement artistique et à mélanger les genres.
Des œuvres réparties tout au long d’un cheminement dans le domaine qui se donnent à voir, les unes après les autres, bien isolées, comme toute œuvre jalouse de sa beauté ou de sa notoriété ? Ou bien des œuvres parsemées dans la nature pour faire corps avec elle et pour montrer qu’elle peut être complice de la création artistique ou bien, fausse servante, qu’elle peut faire montre de créativité et troubler l’esprit des regardeurs, les obligeant à s’interroger. Car, il peut arriver que le regardeur s’extasie devant un morceau de caillou qu’il prend pour une œuvre et passe à côté d’une œuvre qu’il prend pour un tas de caillou. Les regardeurs sont incorrigibles, si on ne leur donne pas une carte pour se retrouver et des cartouches pour comprendre, ils sont capables de considérer avec intérêt, avec passion, avec des transports amoureux, des lunettes de WC, des roues de bicyclettes dépareillées et des hérissons pour le séchage des bouteilles. Ils peuvent se plonger en méditations devant des chiffres qui se déroulent pendant des années sur des milliers de tableaux. Ils peuvent aussi ne pas s’arrêter devant une sculpture monumentale de Dubuffet, ils peuvent la rejeter voire en souhaiter la destruction. Dans ces conditions prendre une motte de terre pour l’œuvre d’un moderne méconnu est un moindre mal.
On ne s’étonnera pas donc que des photos de "rien". des photos d'objets bruts, directement issus de la nature, pas encore signés, pas encore transfigurés par la culture, viennent ici ou là perturber le discours « land-artien » du Château La Coste. Jouer et rire au milieu des chefs d’œuvre vaut mille fois mieux que d’avancer l’air compassé, les mains derrière le dos et le regard à moitié chaviré, tout en s’inquiétant d’avoir raté l’œuvre marqué 4B sur le plan remis à l’entrée du Domaine.
Domaine de l’art, domaine de la lutte, il faudrait les étendre… tous les domaines où l’art est semé pourront-ils un jour, se rejoignant comme les nénuphars sur une mare, recouvrir tout le territoire ?
Revenons à Lacoste pour dire deux choses: être accueilli par une gigantesque araignée de Louise Bourgeois est évidemment emblématique. Nous entrons dans un lieu où l’art se tisse et où se crée un réseau mystérieux. Depuis peu l'araignée nous est devenue sympathique, c'est d'elle que nous tenons la toile (à moins que ce soit la toile qui nous tienne!); entrer dans le domaine par un bâtiment qui hésite entre péristyle et leçon de géométrie, nous renvoie à nos origines toujours si présentes: «O récompense après une pensée, qu’un long regard sur le calme des dieux ». Tando Andao a créé une porte sublime pour un passage "au delà".
Au fait, je ne l’ai pas encore écrit : il faut absolument y aller.
Drôle d’univers que celui qui germe dans les entrailles du Palais de Tokyo ! un des espaces museaux les plus considérables de France. Une demie colline entière creusée et bétonnée. Qu’en faire ? quelles expositions dans un espace aussi considérable doté de volumes non moins exceptionnels ?
Ce qui est mis en œuvre, aujourd’hui, parait aller de soi tout en étant en rupture totale avec les traditionnelles mises au mur ou sur les planchers des œuvres d’art, définitives ou temporaires, mobiles ou figées, lumineuses ou massives. Dans cet espace qui plonge dans des tréfonds par encore totalement ouverts au public, des volumes, des morceaux de bâtiments entiers sont confiés à des artistes en tous genres , de toutes nationalité pour qu’ils installent, bâtissent, mettent en forme.
Tout est permis, tout est possible, tout se fait, tout est proposé aux regardeurs y compris d’être les acteurs d’une œuvre, d’être les objets d’une manipulation ou d’être les vecteurs d’une communication. Peut-on en quelques lignes tout dire de la programmation qui est proposée jusqu’au 13 septembre. Ce serait réduire certaines œuvres à une ligne et d’autres à deux ou trois mots. Ici, on se contentera de quelques artistes, quitte à retourner au Palais de Tokyo et à rédiger une autre chronique.
On a compris que s’agissant d’un volume de taille très importante, on passe son temps à monter et à descendre de niveaux à niveaux, trois au minimum, sans compter les installations qui produisent de la déambulation en trois dimensions ! la chronique ne suivra ni mouvement ascensionnel, ni plongeon, mais ce que j’ai trouvé frappant, étonnant, intéressant.
Parmi les œuvres marquantes, qui appellent à la déambulation mystique, on trouve cette installation de Jesper Just qui conduit par des escaliers métalliques, des passerelles, des murs-écrans vers des films projetés sur des surfaces géantes.
Et enfin, mais pourtant au tout début de cette visite, un ensemble de poutraison mute en arbres ou branches et quitte le bel ordonnancement orthogonal où l’espace se trouvait rationnellement rythmé et organisé pour revenir vers des nœuds et des courbes aléatoires et naturelles.
Ou bien, Prévert aurait été pris en flagrant délire: la craie ne redevient pas falaise, ni l'encre houx, les poutres ne mute pas en branches.... c'est tout l'inverse: les branches deviennent les belles poutres régulières et sages dont elles rêvaient depuis qu'elles avaient poussé sur les arbres.
Rapidement, un mot sur Acquaalta de céleste Boursier-Mougenot. Bien sûr, la référence est Venise. Donc, des eaux, des bateaux légers pas trop gondoles, de grandes perches pour pousser les bateaux dans des directions aléatoires. Il ne s’agit pas d’aller quelque part mais de louvoyer dans une atmosphère de plus en plus sombre, éclairée par l’ouverture sur le hall d’entrée du Palais ou par l’apparition de silhouettes lumineuses sur les parois de l’installation. Elles sont le contraire exact des ombres qui émanent d’une source lumineuse puisqu’elles semblent se comporter comme des apparitions en halo émanant d’une source d’obscurité nocturne.
On peut faire du bateau ou rôder autour du plan d’eau et des bateaux qui s’y déplacent. Ce faisant on franchit des corridors, des espaces fermés, des portes, on longe des colonnes et on marche sur des sols couverts de dessins, d’inscriptions, d’invocations ou de menaces. Et par moment on pense sérieusement à Jérôme Zonder et ses dessins à la Maison Rouge.
Au fait de Maison Rouge, une installation qu’on aurait pu y voir est proposée par Korakrit Arunanondchai. Incroyable univers où se télescopent les violences mentales et physiques, auditives et visuelles. L’installation est une plongée dans un monde de couleurs qui giclent, inondent, dégoulinent, au sein duquel déambulent des mannequins pareils à des personnages de films gore ou à des elfes aériens venus tout droit de dessins animés hollywoodiens. L’impression que laissent ces personnages est d’autant plus forte que par moment, vient le sentiment que ce sont des regardeurs, comme vous en êtes, immobile et saisis par la force, la violence et la stridence de cet univers impossible. C’est en progressant vers eux que la vérité se dévoile. Ceux que vous preniez pour des regardeurs en état de fascination hypnotique, ce sont des mannequins couverts de rouge vermillon, de jaunes souffre et de vêtements déchirés. Des walking deads ou des personnages issus d’un théâtre pour le monde de demain.
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