Soliloques sur l'Art 2012-2013

Titres des soliloques 

 

- Philippe Flavier

- Fleischer

- Yu Hiraï

- Gagosian

- Perrotin. Othoniel. Creten.

- Le Louisiana est-il un anti-bilbao

- Une exposition de patronage à la Bibliothéque Nationale

- Le Tibet redescendu

 

Promenades 5: Flavier et Fleischer à la MEP

A la Maison Européenne de la Photographie

Jusqu’au 16 juin.

 

Lire les images…

Certains artistes ne veulent pas d’autre attitude de la part des regardeurs que celle de la lecture. Il est des auteurs qui dessinent comme on écrit, qui peignent comme on conte et photographient comme on lit. C’est ainsi que j’ai perçu le travail d’Alain Fleischer et de Philippe Favier, exposé par la Maison Européenne de la Photographie : Objets de lecture, de contemplation intime, de fors intérieur, photographie-écriture ou glissement de l’écriture vers la photographie, les œuvres d’Alain Fleischer et Philippe Favier sont bien différentes et pourtant appellent le regard de la même façon.

 

Alain Fleischer

Alain Fleischer montre quelques photographies sur le thème de la transparence. Surimpression de lettres, d’écrits, de missives et d’autographes qui illustrent ou sont portées par des images. Décalque d’écrit sur portrait. Voyages dans un œil. Architectures poétiques. Images amoureuses. Les mots qui viennent au secours des images. Images qui apportent du sens aux textes.

 

Philippe Favier

Les photos de Philippe Favier sont des images objets ou des objets construits à partir d’images, collages d’images, de photographies, de portraits. Communiantes, mariées, témoins en jaquettes, petits enfants habillés en dimanche, sont sortis de leurs cadres et réinstallés dans d’autres, plus ordonnés peut-être ? Ministres ou présidents soigneusement découpés et placés sur fond noir ou blanc posent à nouveau. Ce sont des assemblées nouvelles qui se nouent. Des rassemblements au hasard des collages. Des familles recomposées au sens fort du terme, à partir de souvenirs qui n’avaient rien de commun, des photos d’inconnus qui se retrouvent et de portraits de cartes postales qui s’approprient des histoires ou des noms de nulle part. Photographies d’événements justifiant que les noms soient marqués et que les histoires soient, sobrement, commentées.

 

Pour qu’il soit bien clair qu’il ne s’agit pas de banals collages, comme en font tous les artistes « colleurs », Philippe Favier fige certaines compositions au moyen d’un cloutage délicat et argenté. Il ne s’agit pas d’encadrement mais de l’ancrage de toutes ces images irréelles dans la vie de tous les jours anciens ou d’aujourd’hui, si on veut bien rêver.

Promenades 4: "Archi" tagué

C'est le propre même de la balade à Paris quand vous avez eu le malheur de lui assigner un objectif précis. Tout est à revoir au dernier moment.

 

Ce jour-là, L'objectif? la fameuse exposition qui fait déplacer tout Paris à la Fondation Cartier bd Raspail. De fait, vacances de Pâques ou pas, peu importe, tout Paris s'y était donné rendez-vous, sous la forme d'une longue queue serpentant le long d'une bonne part d'un boulevard.

 

Donc, totalement exclu de voir l'expo. Je déteste faire la queue. Je ne peux pas m'empêcher, lorsque j'en vois une, de penser à ces photographes soviétiques qui, à Noël, filmaient et photographiaient les queues devant Dalloyau et autres Hédiard pour illustrer l'état de pénurie alimentaire chronique des pays bourgeois!!!

 

Mais alors, que faire si pas d'exposition accessible normalement?

Regarder autour de soi.

 

Face à la Fondation, une des galeries "photo" les plus solides et intelligentes de Paris. Ligne "artistique" forte.

 

Mais aussi face à la Fondation, l'art dans la rue, une fresque incroyable illustrant un mur entier, celui de l'Ecole Spéciale D'architecture, "Archi", ou mitoyen à ladite et à la non-moins célèbre Ecole Camondo.

 

Peu importait finalement, le mur, quel qu'en fût le propriètaire et quelque proprièté qu'il enfermât, était là, tagué. Ce n'est pas la bonne expression: il était recouvert d'une fresque "street art", "Art Mural" entre tag et pop. Très longue, très colorée. Alors, j'ai traversé le boulevard Raspail et j'ai pris des photos. Je n'avais pas beaucoup de recul. J'ai fait comme j'ai pu.  La fresque doit bien faire cinquante mêtres, j'ai procédé en plusieurs étapes. Vous verrez bien. Ce n'est pas toujours bien jointif, mais ça roule à peu prés.

 

J'ai beaucoup aimé cette manifestation de "City art" ou "Street art" , on le nommera comme on voudra. En général, je trouve que ces fresques, petites ou grandes, sont d'un style répétitif, convenu, presque conventionnel, suivant des formules qui ne se sont pas rénouvelées depuis plus d'un quart de Siècle. Celle-ci détonne. Sa thématique est inspirée. Elle fait réver. En tout cas, elle sait faire chanter un mur qui ne serait sans elle qu'un très vilain morceau de moellons sous enduit.

Promenade 2

Perrotin. Othoniel. Creten.

« Promenade » sera dédié aux expositions passées. Celles si courtes ou si tardivement vues qu'il n'est même plus possible de dire; "foncez! Courez! Il est encore temps." pour celles-là, il ne sera plus temps. Toutefois ces expositions ont existé. Je les aimées. Alors ce serait trop bête. Il faut en parler. On ne sait jamais. Un peu plus tard, un des artistes sera à nouveau exposé.

 

Fevrier 2013. Le troisième arrondissement a bien de la chance, animé, rénové et bourré de galeries en tous genres. S’y promener, c’est être assuré de trouver quelque chose qui mérite un arrêt, un retour en arrière, de détourner son chemin. Il m’arrive de partir dans Paris doté d’un emploi du temps strict. L’anti-flâneur par excellence. Planifier les moments où on n’a rien à faire. Organiser les temps inoccupés. Le comble de la promenade. Et j’essaie ensuite de suivre le programme que je me suis défini…et c’est précisément ainsi que je vois des tas de choses nouvelles et qui n’ont rien à voir avec le fameux programme. C’est exactement comme cela que je suis arrivé dans cet espace considérable et étonnant qu’est la Galerie Perrotin. C’est ainsi que j’y ai passé près de trois heures (mais j’y suis revenu serait-il juste de dire).

 

Les expositions sont finies. Dommage. Elles ne duraient que fort peu de temps. Un mois pour Othoniel comme pour Johan Creten.

 

Etonnantes expositions, surprenantes thématiques. Ombre et lumière, chair et transparence, fatalité et rires tout opposait les œuvres de Johan Creten et de Jean-Michel Othoniel.

Le premier artiste ouvrait la visite, en entrant par la rue de Turenne : Johan Creten, céramiste.

 

Surprenantes et riches sculptures en céramique. Quatre oiseaux hiératiques, venant de très loin sûrement, résonnance égyptienne, de cette époque où les animaux pouvaient bien être aussi des dieux ou des humains et où l’humanité s’emparait des animaux divins. « Father », « the vivisector », « fatigue » et « the nose » sont placés face à face, hiboux au visage d’homme parfois, présences lourdes, loin des envols, à l’affut. La matière, un grés émaillé est colorée de coulures monotones, terreuses et ancrent les animaux davantage encore dans un sol de roc, de terres et d’argile.

 

Plus loin, dans deux autres salles, l’oiseau double, coloré et inquiétant, penché bec tendu vers le sol puis, c’est une grande sculpture, femme assise traversée de rouge. Aux murs, des organes ? Ou des morceaux de chairs ? Des « reliefs » pour reprendre le vrai titre du travail de Johan Creten. Des plis, en anneaux, contenant des boules, des ganglions ou des protubérances maladives. Figures inquiétantes dont la glaçure renforcent à la fois la sombre apparence et le rendu d’un objet imaginaire, informe et pas encore éclos.

 

La dernière salle aurait pu avoir Moébius, l’homme de l’anneau, pour parrain ou justification. Objet dits « fortuna grande », d’une parfaite élégance, déploiement pur, alternant la matière pure dont elles sont issues et des glaçures de couleurs fortes ou stridentes qui toutes répondent les unes aux autres.

 

Univers mystérieux qui ne se laisse pas facilement saisir, le travail de Johan Creten est tout sauf frivole et s’il conduit à une pensée, c’est d’un retour sur soi qu’il s’agit bien plus que d’une pure ouverture au monde.

 

 

A l’inverse de Jean-Michel Othoniel.

 

Pour le coup, celui-ci, prend vos pensées et les envoie promener ailleurs. Vous qui venez dans ces lieux, oubliez vos idées, vos nuages, vos drames et vos faux enthousiasmes. Laissez-vous dissoudre dans la lumière. Laissez-vous vous démultiplier dans des centaines de reflets. Venez, approchez-vous de la couleur pure, de la transparence absolue et perdez-vous dans la contemplation des matières à éclats de soleil que sont mes sculptures de verres.

 

Je n’ai jamais, devant une œuvre, une sculpture ou une peinture, tant éprouvé de plaisir joyeux. Cette œuvre-là est un appel à la légèreté d’être et de pensée, toute faite de ces entrelacements de boules de verre, assemblées en colliers gigantesques, colorées, noires, blanches, transparentes, oranges.

 

Colliers ou formes mathématiques, encerclant rien ou formant par la combinaison des lumières démultipliées des ombres à venir, des êtres à faire émerger. Et aussi nœuds suspendus ou posés, serpents qui se ferment sur eux-mêmes ou paradoxes physiques.

 

Le vide radieux que ces colliers définissent aspire la pensée et la conscience, l’extrait des têtes où elles sont enfermées et les invitent à rejoindre un univers de vibrations, d’ondes et de particules.

 

Aux murs, sombres et pesants, sont accrochés des « precious stonewall » entre vitraux et pierres précieuses. Venus ici pour dire qu’à l’ouvert des nœuds répond la fermeture d’une matière à la luminosité ombreuse.

 

Le Louisiana est-il un anti-Bilbao?

Pas très loin de Copenhague, sur la côte face à la Suède, un musée qui fait son boulot de musée. Le Louisiana ne se voit pratiquement pas de l’extérieur. Les pavillons destinés à la billetterie sont à la limite du « samsuffit » de banlieue parisienne en meulière. Autour, des sortes de hangars blancs. Dans les pavillons, rien qui accroche le regard, ils donnent sur un grand espace intérieur, une sorte de môle, une surface de supermarché avec des tables couvertes d’objets inutiles mais design à vendre pour les enfants et les « grandes personnes ». Au fond, une vitrine gigantesque ouvre sur la mer et laisse deviner tout au fond que la ligne d’horizon toute noire en face, ce sont en fait les côtes suédoises. L’architecture ? On ne la voit pas ! Y-a-t-il même architecture ? A l'origine, une bâtisse nommée la Louisiane (ce qui en danois donne: la Louisiana) et un peu plus tard, un musée qui s'est creusé tout autour, partant de la bâtisse transformée en hall d'entrée.

 

Le Louisiana est donc un musée qui s’efface complétement devant sa pure fonction de présentation et de conservation des œuvres, peintures, mais aussi des sculptures réparties dans la nature tout autour. Celles-ci sont positionnées en sorte que depuis les coursives, couloirs, passages dont le musée est constitué, on puisse contempler les œuvres exposées au dehors, parfaitement mises en scène pour les regardeurs déambulant à l’intérieur. Le Louisiana est un musée qui ne se prend pas pour une cathédrale  et qui ne prétend pas délivrer un message de rédemption à l’humanité souffrante, ni faire acte de glorification à l'art, tout l'Art.

 

Ce musée, c’est un « anti-Gehry » ! Un « anti-Bilbao » ! Le contraire du monstrueux, de l’excès, du show-off. Le Louisiana, se dissimule dans la nature. Comme si un amoureux de la nature et de la culture avait creusé dans la terre et le rocher non loin du rivage et de la rencontre entre mer du Nord et mer Baltique, des couloirs, des cheminements, des tranchées pour bien organiser la présentation des œuvres et faciliter les cheminements des regardeurs. Un musée doit-il être une œuvre d’art érigé à la gloire des œuvres d’art comme une cathédrale est érigée dans sa majesté, ses audaces architecturales et la dentelle de ses façades à la gloire de Dieu ? Un musée doit-il se constituer en un défi esthétique ou en un cri d’artiste, un barrissement de culture, lancés dans la nature, indépendamment des œuvres qu’il contient et expose, qui n’ont peut-être pas dans leur programme d’œuvres d’art ni le cri, ni l’indignation ou la revendication.

 

Ce que je sais, c’est que les cathédrales, peuvent, si on suit une image étonnante d’un dessinateur de bandes dessinées, P. Druillet, passer pour des fusées prêtes à s’envoler pour rejoindre le firmament, ses étoiles et le fin fond de la Création. Ce que je vois, c’est que le musée de Bilbao fait penser à un de ces monstres que la Science-fiction fait débarquer en vagues régulières sur notre planète, sous des formes diverses y compris celles de Hannetons géants, puces monstrueuses et araignées gigantesques. Ils pourraient aussi prendre des airs de navires sans hublots pour croisières aveugles ou de vaisseaux de guerre du futur emportant la mort et la terreur dans leurs flancs.

 

Le Louisiana met l’art en scène, le présente et l’offre aux regards sans prétendre rivaliser rivaliser avec lui.

La Maison Européenne de la Photographie se relâcherait-elle?

Tosani
Tosani

C’est ici un vrai billet d’humeur que je vous propose. J’avais pensé à un périple sympathique, passant par la Cité Internationale des Arts, pour y aller voir une exposition sur un artiste, Jacques Grinberg, que je connaissais très mal. L’affiche m’avait plu. La présentation qui en était faite par les organisateurs aussi. De fait, j’ai aimé cet artiste « passeur » d’idées et de styles. Je ferai une chronique sur lui. Et puis ensuite, la MEP dont je n’attendais que du bien.

 

Pas de chance ! Trois dans le mille ! C’est-à-dire dans le zéro ! De la méchanceté pure et simple ? Sûrement ! Mais aussi du réalisme ! Et une confrontation que je n’ai pas trouvée enthousiasmante, l’accumulation du banal comme technique de création artistique. C’est une autre histoire dont on fera une autre critique.

 

Commençons par le commencement : la grande exposition de la MEP sur la «  photographie en France, 1950-2000 ». L’introduction littéraire à l’évènement nous apprend qu’il s’agit là d’un demi-siècle qui verra la photo, si ce n’est la France, changer du tout au tout. Elle va se glisser partout, dire n’importe quoi à n’importe qui, mais aussi dire des choses efficaces et pour cela prendre des dimensions américaines. La photo qu’on regardait à la loupe disparaît et les grandes filles du grand Helmut peuvent passer à poil devant nous, la réalité est que leurs regards déshabillés déshabillent le monde. Et puis, il y a la couleur qui fait le plus. Et puis, il y aura les photographes qui, au début, se montrent timidement avec l’air un peu gauche du type qui donne dans un art second, mais qui donne à voir comme parfois les « vrais artistes »  n’y arrivent pas. Après eux, amoureux de Paris, amoureux des manèges de Paris et des baisers des amoureux à Paris, surviendront les « grands photographes ». Il y aura Helmut qui photographie pour Saint Laurent. Goude qui réinvente la photo de la mode et de la femme. Il y aura les photographes de pub’ qui en donner plein à voir et en mettre plein les yeux. 

 

Tout change, tout a changé, il y a même des photo-journalistes et des photos sur les journaux. On voit des photos de mai 1968, à Paris. Un peu plus tôt, il y a les photos de Prague en révolte ou de Budapest dix ans avant. On fait de la politique et chouettement. La photo du Général est une petite merveille en contre-plongée absolue. Si le photographe avait été Escher, il aurait réussi à faire disparaître le grand homme sous son Képi. Auparavant on a nous a donné à voir un évènement qui a fait vibrer l’île d’Yeu, et représente une avancée déterminante en matière de photo-journalisme : la mort du Maréchal ! Donc, la photo à l’ile d’Yeu pour Pétain, un peu à Alger pour le Général…1950, 1952, 1957. Il y a aussi la photo de la DS 19.

Mais pas de photos du Vietnam, ni de photos d’Algérie. C’est à ce moment-là que j’ai décroché.

 

Je me suis dit que cette exposition n’était peut-être là que parce qu’il faut bien accrocher quelque chose sur les cimaises au moment des fêtes quand tout le monde est parti. C’était aussi une occasion de montrer quelque chose des réserves de la MEP ?

 

Il n’y a pas rien sur les cimaises. Il y a Izis et des photos fabuleuses des jardins de Paris sous la neige et des manèges de chevaux de bois. Il y a Boubat.  Il y a des merveilles : Jeanine Niepce et « son chat de la concierge ». Ils côtoient (c’est comme ça dans les récapitulations !) les photographes qui ont liquidé les grands affichistes et qui ont su nous faire languir : « tu crois vraiment qu’elle va retirer le bas la semaine prochaine ? » Un chef d’œuvre en trois photographies ? On verra aussi Gould et Grace Jones. Et attristé devant un mélange « au hasard » de photos en tous genres on finit par se demander : pourquoi cette accumulation d’œuvres ! Quel dommage de ne pas avoir plus de photos de Claude Dityvon auteur d’une admirable image d’une manifestation en faveur de Lip (rappelez-vous les Lip !).

 

Donc l’accumulation comme méthode d’exposition, comme il y a de l’accumulation ailleurs pour faire des œuvres d’art. De l’accumulation au risque d’aller folâtrer à droite et à gauche. Aux photos que les Français prennent à l’étranger répondent les photos que les étrangers viennent prendre en France ?  Les Klein, Hamilton et autres américains qui photographient à Paris font-ils vraiment de la «  photographie en France » ?

 

Je sais que je suis injuste. Dans le lot comme on a envie de dire, il y a beaucoup de photos admirables : masses de couleurs de John Batho « parasols » et puis Tosani et sa gigantesque photo de pluie et tous les autres…

 

Donc je devais être de mauvaise humeur.

 

Je crois que cela tenait aussi à une œuvre de Boltanski !

Qui répondait, par hasard, par chance ou par pure mégarde à deux autres expositions dans les mêmes locaux : l’une consacrée au travail de Susan Paulsen, l’autre à Sarah N.

L’accumulation, c’est sûrement le moyen de se distraire du banal. Finalement, le photographe au lieu de s’énerver à trouver des visions nouvelles, à découvrir un réel qui ne demandait que l’arrivée soudaine d’un génie pour éclore, ne devrait-il pas se contenter de photographier ce qui se passe autour de lui ? N’est-ce pas cette réalité de tous les jours qui constitue « la vraie réalité » ?

 

On en débattra dans la suite de cette visite à la Maison Européenne de la photographie.

 

Comme on débattra de cette photo exceptionnelle qu’est la photographie de François Mitterrand, Président de la République par Gisèle Freund. Ce sera la troisième partie de la visite. 

 

Promenades 3: Yu Hiraï

Passage des Gravilliers (attention, pour parvenir au 8, il faut passer par le 10 rue Chapon énonce un petit prospectus de la Galerie Sator… sauf qu’on peut aussi y arriver par la rue des Gravilliers)… je l’aime bien cette impasse, un, deux petits cafés, protégés du bruit et puis, une galerie, celle de Christian Berst, dédiée à l’art brut.

Sur la droite, la galerie Sator. Je vais la dépasser quand, une photo exposée bloque ma course. Et voilà, le processus s’enclenche… et je rentre dans la galerie Sator.

 

Y est exposée, une artiste japonaise : Yu Hirai, photographe. Humeurs et atmosphères sombres et souffrantes ; beaucoup de rouge. Des personnages pris en mouvement, dans des fins de soirée, la nuit ou le matin, au moment où les lumières deviennent artificielles, c’est-à-dire humaines, ou moment où elles se réduisent à peu de choses et transforment davantage qu’elles n’éclairent. Personnages lointains, comme séparés par des brouillards, parfois blafards, parfois d’un bleu profond, glacé et dur ou, tout à l’inverse, cette photo d’une femme perdue dans un déferlement de lumières et d’éclaboussures de couleurs rouges, roses, orangées, jaunes, femme feu d’artifice ou désirs de femmes qui déferlent.

 

Toute une série de photos est étrange qui, dans la nuit, présente en premier plan, des silhouettes rouge intense se détachant sur fond de villes endormies, de rues désertes ou de forêts sombres. Comme si les ombres avaient refusé d’être obscures. Comme si on leur avait octroyé de continuer leur existence en rouge à condition de rester des ombres dont les traits ne sont pas discernables, dont les contours sont flous, dont l’existence n’est pas si sûre. Rouges, comme le sang qui palpite, comme le corps qui frémit, les ombres sont stables et immobiles et imposent comme une méditation au monde d’ailleurs, au monde vrai, celui qu’on habite, de l’autre côté.

 

Et d’autres photographies de paysages plongés dans la nuit.

Belle expo. Encore quelques jours.

Elle se tient jusqu’au 11 mai.

Le Tibet redescendu...

Avenue Marceau, un de mes lieux préférés.

 La Fondation Pierre Bergé Yves Saint-Laurent.

Une exposition sur l' « Art sacré du Tibet ».

 

Immédiatement, on sait que ce sera austère. Les religions qui se pratiquent aux alentours de quatre mille mètres (et a fortiori au-dessus) ont-elles un avantage compétitif par rapport à celles qui se trainent au niveau de la mer ? Ne voit-on pas que ces dernières, sans cesse tentées par la conquête du ciel, se dépensent en sauts de puce? Ne sont-ils pas dérisoires ces bâtiments en forme de pyramides, en tours de Babel ou de mastaba, en arbres sacrés et en grands totems ? Les savants chaldéens rejoignant les dieux depuis leurs tours d’observation et lisant le langage des cieux ne nous renvoient-ils pas aux muezzins que leurs minarets rehaussent et qui s’efforcent de faire croire à une parole Divine qui serait descendue ? Que ce soit dans le sens de la montée et dans celui de la descente, un manque de hauteur défie les hommes des basses terres, pendant que ceux des montagnes, familiers des gouffres et des sommets, installent le clos et posent un toit sur le Monde.

 

Le Tibet et ses gigantesques plateaux battus par les vents, à l’horizon rythmé par les sommets titanesques, font-ils partie de ces mondes élus où les Dieux toléreraient l’intimité des Hommes ?

 

J’aurais aimé dans cette exposition trouver le vent qui fait tourner les moulins à prière, le froid qui saisit tout jusque dans le Potala sacré, le bleu du ciel, inaltérable métal, ou les brumes glacées au sein desquelles respirer peut-être mortel. Mais il est vrai que les religions sont aussi des pratiques humaines. Qu’il faut se plier à la loi des représentations. Des autels en pierre, des tabernacles en bronze et des oratoires portatifs. Les Dieux, fort heureusement pour l’Homme, ne descendent que rarement et jamais sous leurs formes célestes. Le croyant, pense avoir des yeux pour voir et rêve qu’ils sont aussi utiles pour considérer les Dieux. Alors, il les représente.

 

Peut-on voir l’invisible et dire l’indicible ? Qui saura saisir l’insaisissable et tracer des limites à l’infini ? Si ce n’est le poète ou son parent dans les siècles, le prophète ? Pour rassurer les croyants, ils leurs inventeront des rêves ou des cauchemars. On pourra en tirer les outils et les couverts de la dévotion de tous les jours, les gris-gris, les statuettes, les cuillères sacrées, les grils divins et les clefs de tous les ostensoirs de toutes les religions.

 

C’est de ces petits objets et de ces représentations humaines de la religion que traite l’exposition. Son charme vient exactement à l’encontre du romantisme des grands espaces étoilés et glacés. Elle invite à l’intimité, à l’obscur des salles de prières qu’un flambeau ou une lampe à huile éclairent de lueurs timides et fragiles. Les objets de la dévotion intime sont là. Statuettes du Bouddha sous toutes ses formes et sous tous ses langages. Oratoires personnels ou sanctuaires infimes. Les divinités sont là, bronze ou laiton, les maîtres à penser aussi et quelques savants. Répétant par-delà les siècles, les mêmes poses, les mêmes gestes, de leurs bras et de leurs mains par dizaines. Ne s’autorisant que de rares et infimes variations. Les Dieux ne sont-ils pas éternels ou inscrits dans des temps surhumains ? Où l’Homme trouverait-il matière à changement, lui qui n’est qu’un instant infinitésimal dans la rêverie d’un Dieu ? Alors, se répètent les représentations, sont donnés pour toujours les mouvements des doigts et la pliure des jambes et sont identiques à eux-mêmes les bras multiples de la divinité.

 

Dans l’obscurité que quelques lampes par endroit dispersent, on peut voir les manuscrits ornés d’enluminures savantes, de dessins rituels et de théogonies.

Il est bien dommage qu’aucune psalmodie ne résonne comme dans le clos d’un temple ni qu’au loin, aucune trompe ne réponde aux vents.

Il manque à cette exposition les bruits que font toutes les religions pour attirer l’attention des dieux et les sortir de leur torpeur indifférente. Il manque le mouvement des lèvres des fidèles et des prêtres, le froissement des robes et des chasubles, le tintement d’un vase sacrificiel et les phrases assourdies qui répètent les prières séculaires.

 

Nous autres occidentaux qui ne cessons de bouger, de changer, de projeter, avons bien du mal avec ces statues inchangées pendant des siècles et ce rouge qui envahit tous textes ou dessins pendant des millénaires.

Nous avons bien mal quand les psalmodies se sont tues ; quand les objets enfermés dans des cages sont livrés au regard ; quand tout ce qui était plein des Dieux a été soigneusement vidé. Il ne reste que le flacon et cela importe peu.

Promenades. Gagosian.

Qu’est-ce qu’une promenade ? Imaginons qu’il s’agisse d’aller à la rencontre de gens, de choses ou d’évènements qu’on ne connait pas ? Nécessairement, les promenades sont légères et superficielles. Comme on ne sait qui va se trouver sur le chemin, comme on ne connait pas les gens qu’on va rencontrer, il n’est pas question de s’arrêter dans sa course sous prétexte qu’on a enfin rencontré les choses ou les gens qu’on ne connaissait pas. C’est cette idée là que j’ai envie de tenter.

 

Dans les lignes qui suivent on va penser que je n’aime pas F.Gehry, le gigantesque Frank, l’Architecte (Ah ! si on pouvait écrire ce mot avec trois A ! comme une bonne note sur une bonne dette d’un bon débiteur !). On aura raison. Je ne peux pas voir le truc qu’il a installé à Bilbao autrement que comme un gigantesque insecte qui s’est posé là sans demander son avis à personne. Les quelques amis à qui j’ai confié l’impression de malaise que j’éprouve vis-à-vis de cet OVNI, m’ont fait remarquer qu’il est beau en soi. (« Schönheit an sich »). Quand je leur ai demandé ce qu’ils entendaient par-là (c’est un grand classique, quand on veut embêter les gens, il faut leur dire « qu’entendez-vous par là ? »), la plupart m’ont répondu « il faut voir où on l’a mis ». le sous-entendu de cette réponse étant que « vu, Bilbao, le truc de Frank ne pouvait qu’améliore l’esthétique du lieu ». Je ne connais pas Bilbao. Donc, honnéte intellectuellement, je laisserai ce propos dans la bouche de ceux qui l’ont prononcé.

 

Cessons un instant cette promenade mental et vaticinatoire. Bougeons, par Dieu, Bougeons!

Parlons de Gagosian, à Paris. Rue de Ponthieu.

Où j’ai vu des Photographies d’Inez et Vinooh

Et des Lampes-Poissons en cartons(ou en je ne sais quoi d’autre) de Frank Gehry.

 

Même au mois de février quelque chose de chaleureux et de sympathique peut surgir au détour d’une galerie, dans une vitrine, au milieu de quelques œuvres, simplement, sans « prise de tête ». Comme, à l’occasion d’une promenade, on s’en va rencontrer les statues, installations, sculptures qui ont été éparpillées dans le jardin des Tuileries.

 

On pousse la porte, vitrée, lourde, contrôlée par un gardien fort aimable et on se trouve chez Gagosian. Au rez-de-chaussée, des photographies. Belles, bien prises, très « pro ». Un peu mode, un peu pub, mais, il n’y a là rien que de très normal, les auteurs, un duo d’artistes : Inez et Vinoodh, ont un passé de photographes de mode, de pub, de people. Ils connaissent tous les canons du genre et, en plus, un portefeuille d’images dont on nous dit qu’il est considérable.

 

Les photos sont (naturellement) de très grande taille. C’est le lot de la photo de nos jours que d’occuper les cimaises et les murs depuis le haut jusqu’en bas. Ici les formats sont d’autant plus impressionnants qu’ils sont assemblés trois par trois en une sorte de triptyque profane. Chaque série de trois est différente. Il n’y a pas entre les œuvres de discours subliminal.

 

Bien photographié. Belles photos. Ce matin-là, je n’ai pas rencontré le monde en train de se refaire.

 

Sur l’invitation aimable du portier, je grimpe au premier étage, il y a quelque chose d’autre à voir: des œuvrettes du célébrissime architecte Frank Gehry. L’homme qui construit en prenant du papier qu’il compacte, déchire, plie, ploie, plante et livre, une fois la forme survenue à sa vision, à ses assistants, à ses aides, aux programmeurs et aux calculateurs sur logiciels intégrés, pour faire un peu de tout , des musées, des stades, des bureaux, des présidences, des ministères…

 

Les assistants se saisissent de la « forme » apparue au Maître, prennent d’autres bouts de papier, du ruban adhésif, des morceaux de carton, un peu de la sucette de la petite fille du deuxième assistant et commencent à construire une maquette.

 

Et voilà que, construisant une maquette avec des feuilles de contreplaqué découpées en écaille, ils la font tomber. Le Maître, s’en venant à passer, voit la maquette chue et s’aperçoit que quelques écailles échappées sont allées se nicher sous une lampe, sur, ou à côté (je ne me souviens plus, mais cela n’a de toute façon aucun intérêt). Et là, stupéfaction, la lumière en se faufilant dans les interstices du contreplaqué, le traversant, car les feuilles en question n’étaient pas bien épaisses, donne une lumière… une de ces lumières…une lumière enfin, qui vous enchante l’âme et réjouit le cœur.

 

Le Maître félicite ses assistants pour lui avoir fait venir à la vue une forme in-vue.

 

Et il décide de signer et de produire, en modèle réduit, des sortes de poissons en écailles de contreplaqué et qui, éclairés de l’intérieur, font une lumière…une de ces lumières…une lumière enfin qui vous enchante l’âme et réjouit le cœur. Le Maître a aussi décidé d’en faire des modèles plus grands, puis de grands modèles. Outre la taille, la différence tient au prix. On peut imaginer qu’un jour, un de ces poissons à écaille de contreplaqué sera assez grand pour pouvoir accueillir des musées, des stades, des bureaux, des présidences, des ministères…

 

Je me souviens, (C’est une promenade ne l’oublions pas !) il y a très longtemps. Dans ma chambre, il y avait une lampe-Poisson. C’était le grand truc de la déco pour enfants à l’époque. On prenait un poisson des iles. Un de ces poissons qui gonflent pour n’importe quelle raison. Quand il avait bien gonflé, on lui donnait à bouffer une ampoule. On faisait sécher le tout. On mettait un abat-jour au-dessus pour que les enfants ne soient pas éblouis. On allumait. Et le poisson-lampe éclairait un petit bout de la chambre. C’était très joli. Frank aussi a dû avoir des choses de ce genre dans sa chambre quand il était un petit enfant. Il est resté un petit enfant. Quelle chance pour ceux qui, un jour, auront un musée qui ressemblera à une lampe-Poisson !

 

Comme c’était en plein mois de février. Très froid. D’un gris sinistre. Avec une sale de tête de temps de neige qui n’arrive pas à se décider. J’ai apprécié, on s’en doute, de voir mon âme enchantée et mon cœur réjoui.

Et j’ai continué mes déambulations en pensant aux écailles de papier, si lumineuses et si légères !

Une exposition de patronage à la Bibliothéque Nationale

Les Rothschild en France au XIXème Siècle.

 

 

Quand la BNF se livre à des expositions de patronage.

 

 

On aime les fêtes de patronage ou non ne les aime pas. On peut aimer le côté pacotille, inachevé, trop vite enlevé ou superficiel d’une fête de patronage. Ce sont les bonnes intentions qui comptent, là-dedans. N’allez pas chercher midi à 14 heures. On est entre nous. Une fête de patronage n’est pas conçue pour lutter contre les grandes fêtes professionnelles. C’est évident. Il s’agit d’être ensemble. De se retrouver ensemble…. Tout ça est très vrai.

 

D’ailleurs, bien souvent dans une fête de patronage, se multiplient les stands où on vend des choses sans valeur mais à qui on donne quand même un prix. Un prix de convenance qui fait que les convenances sont respectées. On trouve des animations tenues par des animateurs de bonne volonté. Ce n’est pas ce qu’ils font qui nous intéresse, c’est l’esprit qui les anime, les animateurs, le bon esprit. Et si nous rions de leurs plaisanteries maladroites et de leurs bouffonneries éculées, ce n’est pas pour nous moquer, mais parce que nous avons décidé de les trouver drôles. Ils se donnent du mal n’est-ce pas ? Tout le monde n’en fait pas autant ! ils donnent sa vraie tenue à la fête. C’est bien parce qu’ils sont maladroits que nous les aimons bien. C’est parce qu’ils ne sont pas très professionnels que nous pouvons rester entre nous. Ils sont nous, nous sommes eux.

 

Même chose pour les expositions de patronage. On choisit un thème. On le propose aux familles du patronage. Et puis, vogue la galère. Ceux qui peuvent sortir de leurs armoires, des tiroirs à secret des vieux bureaux ou des penderies, des choses charmantes, ou rares et instructives, sont les bienvenus. On n’est pas exigeant dans une exposition de patronage ! Evidemment qu’on ne va demander le Picasso de la baronne, ni le charmant petit Fragonard qu’ils se passent d’héritages en héritages. Une exposition de patronage n’expose pas, ni Picasso, ni Fragonard, ni Hopper… on expose ce qu’on peut. On choisit un thème amusant. Pas trop compliqué, car il y a un peu tout le monde dans un patronage et aussi des enfants.

 

Le plus amusant, il faut le reconnaître dans une exposition de patronage, c’est de rassembler les choses qu’on veut exposer. Une lettre de Baudelaire à son tailleur. Un ticket de première pour Saint-germain au départ de la gare d’Orsay en 1830. Une lettre de change, endossée 99 fois. « tu vois, c’était ça la banque, mon petit ». Le château d’un riche banquier et la tenue d’académicien de son fils, voué aux lettres puisque son père s’était largement voué à l’usure.

 

Le plus charmant ? Les dames bien sûr ! Même celles de 1920 qui ressemblent à des garçons. Le plus instructif ? Tous ces gens qui vivaient à la même époque et qui étaient riches et, de façon assez surprenante, qui se connaissaient tous alors qu’ils n’étaient même pas amis d’enfance. Il y a les photos de mariage, un peu jaunies, où on voit les enfants des riches convoler.

 

Dans les expositions de patronage, on peut faire les blagues qu’on n’oserait pas ailleurs : considérant la photo du banquet de noce de deux jeunes gens issus de riches familles, j’entends un monsieur un peu sentencieux, une lumière dans les yeux : « tu vois mon enfant, Aristote disait que l’argent ne fait pas de petits, eh bien il se trompait ». On entend, dans un murmure une voix douce, une femme évidemment : « arrête, tu vas l’égarer. Et tu t’étonneras qu’il ne veuille pas faire du grec plus tard ! »

 

Et, on va de jetons de présence en pièces d’orfèvrerie, de plumes de paon en plumes d’oie (devine ma chérie avec lesquelles on écrivait ?). D’actions du PLM en plan du Baron Haussmann. C’est un bon bric-à-brac sympathique, une exposition de patronage. Ça ne prend pas la tête. Et quand c’est dans un lieu aussi charmant et tranquille que la Bibliothèque nationale, rue Vivienne, on se dit, que la République est bonne fille d’ouvrir aussi gentiment ses locaux aux patronages et aux bonnes intentions.

Dieux, modes d’emplo

Dieux, modes d’emploi

Petit palais

Jusqu’au 3 février 2012

  

8 novembre 2012

Voilà bien une curieuse idée : mettre en place une espèce de résumé, de mémento ou de « les dieux en cent mots ou idées ou sculptures… ce qu’on veut ! Autre curieuse idée : les Dieux mode d’emploi. Ce n’est pas que cela me chagrine. J’ai souvent dit que certaines mises en scènes de « matériels religieux » avaient autant de rapport avec l’art et une vision artistique, qu’une fourchette, une casserole ou une salière avec la sculpture, la peinture et le théâtre. S’agissait-il d’occuper quelques salles immenses? Un entrepreneur en exposition muséale aura-t-il été convaincant et astucieux ?

 

J’aime trop le Petit Palais pour penser tout ce mal là.

 

Mais quand même ! Quelle drôle d’idée que cette exposition ! Car pour un sujet aussi vaste voilà bien du riquiqui ! Songez qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de passer en revue « toutes les religions », qu’elles soient monothéistes ou non, naturelles, mythologiques, chamaniques, telluriques…Il y aurait presqu’autant de manifestation du sacré dans l’histoire de l’homme qu’il y a eu de langages ? Eh bien cette exposition c’est l’équivalent d’un dictionnaire de poche pour l’usage et la pratique de toutes les langues ! Ici, on a une expo de poche pour raconter des milliers d’années d’histoire de récits religieux, de croyances et de cérémonies : c’est du Speed-Praying !

 

Qu’en tire-t-on ?

 

Rien d’autres que ce qu’on a apporté ! On constate que ce qu’on aime dans ce capharnaüm de représentations divines, ce sont les choses, les représentations, les peintures et les sculptures qu’on aimait avant. Ce ne sont pas les représentations proposées qui vous font changer d’avis. Je ne suis pas un passionné (c’est un moindre mot) des masques et différentes expressions du sacré Africains. Je suis sorti de l’exposition conforté dans cette distance, voire cette indifférence. Ce n’est pas parce que c’est fabriqué avec du raphia, des plantes médicinales et des racines de mandragore, comme on peut le voir en s’approchant, que ça m’émeut davantage…

 

Donc, l’exposition n’a pas changé, chez moi, le cours de mes goûts et de mes idées.

 

Mais alors, quoi ?

Qu’y avait-il à voir qui méritait d’être vu ?

 

D’abord des mots…Il y avait des mots. Acherotyte : il m’a fait rêver. Tout le monde de l’icône a brutalement déferlé. « Non fait de la main de l'homme ». Mais, « fait » pourtant ?  Et puis ce mot, tout tissu d’images légères : Mandylion, qui nous vient de Mandil, voile en Arabe… (Si j’avais mauvais esprit : ancêtre de la photographie). Et ces mots « Même une simple pierre les bonzes ne la déplacent pas sans y réfléchir longuement. Pourquoi? Parce que tout se trouve déjà à la place qui lui convient ».

Les dieux ou les divinités… Un masque Bolivien représentant Lucifer, très contemporain puisque datant de 1995, coloré et serpentesque, effrayant et magnifique,. Non loin, un coup au cœur : Keith Haring séraphique. Ses petits bonshommes tout en blanc et en or. Un triptyque aérien et joyeux d’un artiste chrétien ? Je ne connaissais pas l’américain sous cet aspect. Son triptyque est beau. Comme est beau, étrange, mystérieux, le Boli zoomorphe du Mali, obus en position fœtale. Enfin, une Vierge de l'Annonciation attribuée à Giovanni di Turino ( Sienne 1420). Fin du Moyen-âge, élégance de ce qui deviendra le Gothique International, réminiscence du culte marial venu tout droit du duocento mais aussi Renaissance en gestation dans la douceur et la délicatesse siennoise.

On me dira que je n’ai rien vu de musulman ou d’asiatique…. difficile pour l’art musulman de se faire remarquer dans un univers de statues !… qui constitue l’essentiel de l’exposition. Une très belle œuvre de Rachid Koraichi  « Tu manques même à mon ombre » (2000) : 49 figures de bronze prises parmi les 99 noms d'Allah qui se projettent en autant d’ombres sur le mur qui les porte. Mais aussi, Diva sous son aspect Lingobhavamurti (vers 900) simple, droit, pilier et divinité.

 

En marge de l’exposition, ou partie intégrante, d’autres expressions du Divin, des films sur la façon qu’ont les grandes religions d’accueillir la vie, d’accompagner la mort etc. …

Et surtout, des maquettes de lieux de cultes en cours de construction en Europe et dans le monde, qui vont du minimalisme le plus total, au japon, au kitschissime temple de Martin Luther King en Autriche.

Pour sauver le goût, il faut s’arrêter devant la chapelle de Villaceron Ciadad en Espagne…

 

Quelle drôle d’idée que cette exposition !


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