Exposition de Francine Van Hove
16 rue Guénégaud, 75006
Jean Marie Oger
Jusqu’au 23 septembre
Etranges œuvres que celles, qui, lisses et claires, sont véritablement fermées sur elles-mêmes. Des œuvres ouvertes/fermées. Les jeunes femmes de Francine van hove n’ont absolument rien à faire des regardeurs. Ne seraient-ils pas, purement et simplement des voyeurs, venus ici parce qu’enfin, ils peuvent voir en grand ce qu’ils avaient du mal à visionner par des trous de serrrure ? Etranges œuvres que celles qui paraissent exhiber et qui opposent la pureté et la netteté du dessin à toute envie d’autres choses que celles qui consistent, regardant, à s’interroger sur la raison d’être de ce qu’on voit.
Il semble pourtant qu’on puisse essayer de suivre un fil. Celui du dessin d’abord. Ne parait-il pas que cette technique, maîtrisée, qui consiste en un rapport de domination entre le cerveau et la main, souvent dérive et s’inverse ? Ne parait-il pas que la technique l’emporte et devenant impérieuse conduise le cerveau et lui refuse toute autorité ? Cela n’expliquerait-il pas que les œuvres des grands dessinateurs ou plus précisément les grands œuvres dessinées traversent les siècles littéralement, viennent et reviennent depuis que la Renaissance a réinventé le regard. Francine van hove, par ses dessins, ses sanguines renvoie aux ancétres du dessin. Ils sont là, réinventés. Ils n’auraient pas trop bougé. Doit-on comprendre que le dessin ayant « pris le contrôle », il impose sa façon de tracer , de regarder, un appel à la forme, un impérium de la surface. Les dessins de Francine van Hove, ses peintures qui sont une autre façon de dessiner renvoient à certaines œuvres, des dessins naturellement, des peintures aussi mais des photographies.
Suivons le fil. Pour comprendre le discours de l’œuvre, il est parfois tentant de mobiliser les « consoeurs » et d’écouter leurs points de vue, ou, leurs propres discours sur elles-mêmes. On pourrait en appeler à Ernest-Pignon-Ernest dont les critiques ne cessent de proclamer le classicisme, pour souvent le lui reprocher. Ou bien à d’autres qui ne sont pas si célèbres, je pense à Peter Sorrell dont le dessin renvoie directement, bien que sur d’autres thématiques à cet impérium de la technique qu’on a évoquée précédemment. Mais, il faut aussi mobiliser le travail, si proche du dessin et de ses exigences, de ce photographe exceptionnel, Erwin Olaf dont les personnages qu’ils soient en noir, en gris ou en couleur, paraissent strictement dessinés.
Il faut aussi penser à Escher et à cette image d’une main dessinée alors qu’elle dessine la main qui la dessine. Mais si on pense à Escher doit-on chercher dans les œuvres de Francine Van Hove d’autres formes des constructions ou de destructions logiques ? Si on trouve des accointances avec Erwin Olaf, faut-il s’interroger sur un désarroi caché, une impudeur honteuse, une souffrance née du regard des regardeurs ? Si on invoque Ernest Pignon Ernest et ses incroyables reminiscences du dessin de la renaissance, ne doit-on pas accepter que la perfection technique du dessin est au service des orages les plus intimes, ceux de la foi et du doute.
C’est alors qu’il faut revenir au départ de ce texte et du fil qu’on suit: les images lisses n’offrent-elles vraiment aucune prise ? Formulons-le autrement, il faut lisser les sujets des œuvres pour qu’elles ne risquent pas de donner prise. Lisser ou effacer ? Ces corps ne sont-ils que des bustes ? « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » a dit un célèbre philosophe. Ce qu’on ne veut pas montrer, il faut aussi le taire et tuer l’envie du dire par la répétition de ce qui n’est pas dit : une image sans cesse refermée sur un futur refusé.
Parfois, les jeunes femmes représentées donnent l’impression qu’elles brisent la consigne et s’adressent aux regardeurs, créant une connivence, par laquelle un curieux pourrait s’essayer à pénétrer pour chercher des mystères, de lourds secrets ou les effrois anathémisés par la répétition obsessionnelle d’œuvres claires, de jeunes femmes limpides dans leur distance obstinée.
Il y a cette joueuse de carte qui se détourne du jeu qu’elle tient dans sa main comme pour interroger. Qui ? Le fameux « nous » qu’affectionnent les critiques d'art ( l’auteur nous emporte… etc) ? Ou bien, tout simplement, ne se tourne-t-elle par vers quelqu’un que le dessin n’a pu atteindre et qui est en vérité dans le dessin, mais derrière. Toutes les odalisques s’adressent à un personnage qui est là et n’est pas là. Certaines d’entre elles s’adressent à leurs miroirs.
C’est un personnage récurrent que le miroir dans les dessins et peintures de Francine Van Hove. Ce n’est pas le miroir d’Alice, qu’on traverserait. Les miroirs ici ne font que renvoyer les images de ces jeunes femmes qui s’y mirent. Ne seraient-ils pas ces miroirs de vrais interlocuteurs dans un monde où rien ne se dit ? C’est en effet une constante que d’observer des scènes de deux ou trois personnages qui ne s’interpellent pas, ni paraissent rien échanger hormis un verre, un petit déjeuner ou une tranche de pain. Donc pas d’échanges autres que ceux qu’on obtient en face d’un miroir ou dans la lecture d’un livre.
Elles sont nombreuses ces scènes de lecture ou de contemplation. Elles sont toujours claires sans être nécessairement éclairées. La nuit aurait donc été exclue. De même finalement que le soleil. Le sombre et l’ombre tuent les couleurs et les peaux ne peuvent prendre leur douceur nacrée que par le miracle d’une luminosité ambiante, sans origine, sans direction. Abstraite. Indifférente. Ces jeunes femmes ne se meuvent pas et restent immobiles dans un monde sans mouvement, sans rupture, sans contraste. Où bien fallait-il le figer pour qu’une recherche incessante puisse s’y exercer :
Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée !
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Quête incessante de la femme, mais aussi, son enfermement faute de mots. Distance ruinée par la neutralité des miroirs. Les jeux ne sont pas sont joués ni pour ceux qui regardent. Visibles aux yeux des regardeurs, ces jeunes femmes n’ont pas de regards ou les simulent en faisant semblant de fixer des riens en attente de pas grand-chose.
Au fait, il n’y a pas d’hommes dans cette histoire ! Mais, franchement, depuis que Barbie est passée par là, les hommes, ne sont que des « kens »! Alors… ?
Il faut aller voir cette exposition pour en scruter les mystères à défaut d’y rechercher des motifs.
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