- Art Paris Art Fair 2016
Vous pouvez éviter
Marquet au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
Peintre du temps suspendu
De deux choses l’une, ou bien le Musée n’avait ni les moyens, ni l’entregent lui permettant de rassembler de belles œuvres « significatives » de Marquet, ou bien Marquet n’est pas ce peintre essentiel à la création française de l’entre-deux guerres que prétend la notice introductive à l’exposition.
La réponse est à mon sens dans la deuxième branche de l’alternative ! Je me sens d’autant plus conforté dans cette approche que ladite notice s’étend sur la remarquable virtuosité de Marquet en dessin. Quand on éprouve le besoin dans une exposition sur la peinture, de parler de dessin pour en exalter l’excellence, c’est en général qu’il faut que quelque chose vienne au secours d’une panne, d’une défaillance ou d’un raté. Un peu comme l’armée de réserve qu’on lance quand il faut retarder la défaite !
On peut supposer que s’agissant d’une rétrospective, les commissaires, curateurs, administrateurs, inspecteurs gérant l’opération ont mobilisé le ban et l’arrière-ban des œuvres de Marquet. Donc, on n’en discutera ni la qualité « muséale », ni la pertinence dans le cadre d’une rétrospective.
Dans ces conditions, on peut remarquer que dans la vie de Marquet, il y a eu un beau moment : lorsqu’il fut élève du grand Gustave Moreau. Il apprend là, à dessiner et à peindre. Et on a de belles pièces.
Puis il fait moderne, un peu fauve mais pas trop. On nous explique en effet qu’il n’était pas trop à l’aise avec la couleur. En tant que fauve ce qu’il avait le mieux retenu était l’inutilité des détails. Donc, au bout d’un certain temps, plus de couleur et pas de détail. Si on ajoute un goût marqué pour le brouillard, on arrive tout droit aux multiples versions de Notre-Dame que Marquet a commises depuis la fenêtre de son appartement qui donnait sur la Seine : dans le brouillard, toujours dans le brouillard, avec un camaïeu de gris de brouillard qui évite les couleurs et qui permet de se passer des détails.
Il n’y a pas que Notre-Dame dans la vie de Marquet, aussi il y a les péniches sur la Seine : il lui suffit de bouger son siège d’un huitième de tour et quittant la perspective de Notre-Dame, fantôme dans le lointain, le voilà qu’il plonge sur les péniches et sur les quais. Le dessin, on a beau dire, c’est une expression picturale au risque du détail. Heureusement, Marquet ne peint pas comme il dessine : du coup les péniches, comme les passants, comme les fiacres, comme tout, est tracé sous forme de filaments plus ou moins longs de peinture noire. Des notations diront les observateurs, des signes diront ceux qui pensent à la modernité de Marquet.
Bien sûr, Marquet s’est déplacé en dehors de Paris : il aimait la Méditerranée. On ne sait pas si c’est pour les couleurs… et Naples. A Naples, il a réussi le coup de Notre-Dame avec le Vésuve, on voit bien qu’il y a une masse grisâtre au fond de ce qui pourrait être une baie. Pas davantage. Lamartine descendant les pentes du Vésuve de Marquet se serait certainement cassé la figure. Marquet a réussi un autre coup : on ne reconnait aucun des lieux qu’il a peints (sauf Notre-Dame). Quand il peint un port à tel endroit, il ressemble à un port à un autre endroit. On dira alors avec les commissaires, les curateurs, les inspecteurs que Marquet a su prendre le train de l’abstraction en marche. Tout est pareil. Un port est un port et pas autre chose. Il a aussi inventé la peinture conceptuelle. Peindre un port, c’est peindre une fonction. Cette fonction vaut pour tous les ports à tous les endroits. Donc, il peint une fonction.
Peut-on être plus désagréable? Oui: on se demande ce que peut bien faire dans un musée d’art moderne l’exposition d’un peintre qui a raté à peu près tous les mouvements « modernes » qui ont fait la gloire de la scène artistique parisienne de son temps. J’attends avec impatience la prochaine rétrospective de peinture moderne : Domergue ?
Tel ami collectionne des peintures dont le motif dominant est la barre. Certains tableaux, des barres verticales ; d’autres, horizontales ; parfois, en diagonales. Il est des tableaux monochromes dont on ne fait que deviner les barres. D’autres sont très colorés. Les barres flashent. Certains sont monobarres, d’autres sont polybarres.
Dans cet univers de barres, je me sens un peu chaviré. Crainte d’enfermement? L’espace Schengen qui serait menacé ?
Pas facile de dire quelque chose de censé sur l’art « qui se fait faute » de références, faute de pouvoir se raccrocher aux chromos de l’oncle Gaston ou aux vieilles gravures dont Greuze avait inondé les campagnes. En défaut de points de comparaison, on lâche, définitif et nerveux, un « Gemme » ou un «J’héme po» qui, comme noir et blanc, oui et non, 0 et 1, cadrent la pensée artistique selon le mode binaire.
Exactement ce que j’ai éprouvé dans une récente exposition au « Jeu de paume ».
Là, c’est clair : «j’hème po»! Je l’ai écrit. Avec méchanceté. J’ai ricané. Et j’ai essayé de mettre le plus de férocité possible parce que comble de la provocation (à mon égard) « l’artiste » n’avait pas pu résister au « bleu klein » que je déteste.
Pourquoi tant de violence à l’égard de quelque chose, l’exposition, ou de quelqu’un, l’artiste et même d’une couleur qui ne m’ont jamais voulu de mal ? Et voilà qu’à y penser, j’en viens à me dire que cette exposition se serait tenue dans un espace parfaitement privé, une galerie comme il y en a tant à Paris, je n’aurais pas surréagi de la sorte. Je serais entré, j’aurais regardé une œuvre. Je n’y aurais pas trouvé d’agrément ou d’intérêt. Vite, j’aurais scanné les autres. J’aurais cherché une idée, une couleur, un grain. Je me serais rapproché, puis éloigné. 10 minutes auraient suffi. Je n’aurais pas dit, ni « gemme », ni « j’héme po ». Je n’aurais rien dit en fait. J’aurais peut-être pensé que l’art est difficile puis, je serais passé à autre chose. Exactement comme pour les barres à foison dans la collection de mon ami.
La différence ici, c’est l’espace public. Helena Almeida, nous dit-on, questionne les supports, elle les agresse, les transmute. Elle a aussi questionné le corps au travers de son corps posé sur des supports préalablement questionnés.
Dans l’espace public d’un musée public, ces pensées ont reçu une sorte d’adoubement. Quelqu’un est monté en chaire et a déclamé une profession de foi au nom de l’art «work in process» ou de « l’art qui (se) cherche ». Il a choisi quoi montrer aux foules, quoi leur enseigner. Ce faisant, il l’a déclaré montrable, officiellement.
C’est probablement pour cette raison que je m’autorise un « j’héme pas ».
J’en ai le droit. Je suis dans un espace public. Un lieu où s’expriment les libertés publiques. Donc, les libertés d’opinion et d’expression. Donc, j’ai bien le droit de dire haut et fort que je n’aime pas.
Art Paris Air Fair
Grand palais, jusqu’au 3 avril
Vite ! vite ! vous n’avez plus de temps à perdre. Il faut y aller. La dernière édition de l’évènement était sympathique, celle-ci est très réussie. Résumons : de l’art de moins en moins conceptuel, de moins en moins d'osselets en pagaille, de sexes (masculins) surdimensionnés en plastique de toutes les couleurs, de moins en moins de détritus jetés ici ou là pour montrer qu’un artiste n’est pas un fabricant de beau mais un secoueur de consciences entre kamikase et destruction des monuments de Palmyre.
La figuration revient en force sous toutes ses formes, photos, dessins, peinture, techniques mixtes. Il y a des tâtonnements, des variations sur des thèmes anciens, des hésitations. L’abstraction qu’elle soit lyrique ou non n’a plus le vent en poupe. Il reste ici ou là des peintures courageusement monochromes. Quelques retardataires continuent à donner des coups de cutter dans la toile même. Sans compter un deux urinoirs parce que Duchamp inspire toujours les artistes en panne d’inspiration.
En deux heures de visite, après avoir regardé des centaines d’œuvres, déambulant le plus lentement possible pour me laisser le temps d’observer. Croisant à de certains moments « François » (oui, le Président) qui était venu lui aussi! Malgré la foule qui s’agglutinait tant et plus au fur et à mesure de la soirée, j’ai tiré de cette grande foire quelques noms que vous trouverez ci-dessous.
Ils ne vous seront probablement pas connus. En tout cas, pour ce qui me concerne, ils étaient nouveaux. Je vous les livre sans autres commentaires. J’ai associé à chaque nom le genre dans lequel ils opèrent, néanmoins c’est souvent un peu plus compliqué que peinture ou photo : il peut y avoir interférence entre les deux, des techniques mixtes, des surpeintures… Vous verrez bien...
Peinture. Ronan Barrot. B13. Galerie claude Bernard
Photo. zaghlouleh. B14. Galerie Claude Lemand
Peinture. Michel Mraz. B17. Galerie ALB
Peinture. Stéphane Erouanne Dumas. B18. Galerie Fred Lanzenberg
Peinture. Mohamed Lekleti. A21. Galerie D.X.
Peinture. Etienne Fouchet. A21. Galerie D.X
Peinture. Katinka lampe MP. Galerie Les Filles du Calvaire
Peinture. Min Jung Yeon. F1. Galerie Maria Lund
Photo. Jean François Lepage. F2. Galerie Madé
Peinture. Vincent Corpet. F7. Galerie Mazel
Peinture. Julien Spianti. G5. Galerie Valérie Delaunay
Photo. Dimitri Konradt. F13. School Gallery/O.Castaing
Galerie Envie d’Art,
24 rue Treilhard, 75008 Paris
Jusqu’au 23 avril
Envie d’art… Joli nom pour une galerie. Et un signal fort. Un art pour ceux qui ont envie d’acheter des œuvres d’art et non des supports de positionnement social, une galerie aussi pour tous ceux qui ne veulent pas épater la galerie ! Je lui avais vu présenter des œuvres de Zou dont le travail m’a inspiré quelques chroniques (suivre ce lien). Elle propose aujourd’hui deux artistes dont Benjamin Spark.
C’est un Belge à coloration française. Son travail est à mi-chemin entre l’humour de nos amis du côté de Bruxelles et les tendances manga de la bande dessinée Japonaise. Spark serait l’enfant joyeux et ludique de quelques artistes eux-mêmes joyeux et ludiques.
Il est très proche de la BD, très proche aussi de ceux qui en ont usé comme source d’inspiration : Lichtenstein, Erro… BD traditionnelles, des bulles, des gros plans et des héros bons ou mauvais qui l’animent. A l’inverse, toutefois, des auteurs mentionnés plus avant, Spark ne réorganise pas les images comme il les a trouvées. Il ne répète pas en l’agrandissant ou en la sublimant un dessin de bande dessinée et son phylactère, pleins de « boom, flac et go ». Il se livre à un tissage ou, autre technique textile, à un patchwork. Les images, les renvois à des personnages très connus ne sont pas systématiquement organisés autour d’une hiérarchie de Mickeys ou de Buck Dany, de Flash Gordon ou de Barbarella, elles sont souvent combinées les unes aux autres pour offrir une vision colorée bâtie autour de présences mémorielles emmêlées comme le seraient des fils sur un métier à tisser.
C’est ainsi qu’entre tissages, tissus, formes floues et ondulantes, les renvois à Murakami prennent un sens particulier et décalés : au lieu d’accumulations obsédantes, encombrantes même, les images inspirées de l’artiste japonais prennent une allure hilare et farfelue et se déroulent dans l’espace de la toile comme un voilage qui flotterait au gré des courants d’air !
Spark est-il un représentant de la street Pop ? Peut-être aime-t-il se définir ainsi. Peut-être ses personnages se sentiraient à l’aise installés sur de grands murs urbains, affrontant, la pluie, le froid et les tags des streetartists concurrents ? Je n’ai pas une très belle opinion du street art et encore moins des grapheurs dont le style me parait convenu, répétitif, redondant et qui n’en bougent pas depuis 25 ans (beaucoup plus si j’étais vraiment désagréable !).
Spark est plutôt le représentant d’un mouvement qui revient sur le devant de la scène artistique : celui qui veut que les choses, les êtres soient visibles, quitte à ce que cela soit pour s’en moquer, pour les tourner en dérision, pour exalter des sentiments et les faire apparaître chez les regardeurs.
Très bonne idée que d’avoir exposé cet artiste. Beaucoup de choses à attendre de ce qu’il entreprendra dans l’avenir. A voir et à suivre.
Œuvres solides et posées nécessaires pour un temps qui n’aimerait pas l’insaisissable et l’éphémère ? Des ballons gonflables en acier poli qui ne pètent, ni ne s’envolent et moins encore se perdent au loin ?
Ils sont loin du mystère des ballons qui aspiraient à toujours plus de hauteur et qu’il fallait retenir par des ficelles et qui, à la moindre distraction, s’échappaient. L’enfant, sans s’en rendre bien compte, lâcherait la ficelle ! Pourquoi donner la liberté au ballon ? Que pourrait mériter cette bulle étrange pour l’obtenir de l’enfant ? En fait, rien du tout !
Chose fragile et pleine de vide, un ballon ne mérite aucune liberté ! Ou bien, c’est une pensée d’enfant. C’est une bulle de vraie bande dessinée, car la vie d’un enfant flotte ainsi d’images en images. Alors, pourquoi le ballon ne s’échapperait-il pas ? Pourquoi l’enfant ne le laisserait-il pas aller aussi loin qu’une pensée ?
En s’échappant, le ballon emporte un peu des rêves de l’enfant, commode véhicule pour les trimballer dans le vaste monde : ainsi, les rêves parviendront loin, très loin, dans des pays de l’autre bout de la terre, entre les mains d’autres enfants. L’enfant, en pensées et en rêves, aura fait un long voyage. Un ballon qui s’échappe serait un rêve de liberté donnée. Donnée par l’enfant, donnée pour lui. Première expérience de la vraie liberté, celle qui consiste à s’élever. Curieuse expérience ! L’enfant sait bien qu’en laissant partir le ballon, il voit ses rêves le quitter !
Peut-on être triste d’avoir offert la liberté et d’avoir fait d’un ballon captif un ballon libre ? L’enfant, ne regrette pas la liberté offerte, il regrette seulement le ballon et le rêve que le ballon portait et qu’il a emporté si loin, comme il regrette chaque matin au réveil que s’effacent les rêves de la nuit.
Balloon dog n’est-il qu’un rêve enfin maîtrisé fait de ballons qui ne s’envoleront plus. Balloon dog, fait de ballons entremêlés et pourtant solidement attaché au sol, bêtement animal et attaché comme l’âne à son piquet. Devenu énorme, tu remplis l’espace. Tu es devenu solide. Et lourd. Donc grave. Plus arrimé au sol, qu’un stabile de Calder ou un panneau de Serra à peine sorti des hauts fourneaux.
Tu arbores la peau lisse et lumineuse, colorée, bleu, rouge, jaune des ballons fragiles qu’on donne aux enfants pour qu’ils y mettent leurs rêves et qu’ils lâcheront pour les voir s’envoler. Es-tu un rêve, toi qui ne t’élèves plus et demeures à terre, lourd et clinquant ?
Tu n’es plus que le rêve de gens qui ne rêvent plus : ils achètent le souvenir des rêves d’enfants qu’ils ne sont plus. Faute d’avoir jamais rêvé, ils achètent aussi les souvenirs des rêves d’autres enfants. Devenus riches, ils payent très, très cher des rêves qui ne valent plus grand-chose. Un rêve rivé au sol c’est pire qu’un piano sans corde ou que le plus beau des oiseaux dans la plus belle des cages.
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