Barbie
L’enjeu est bien loin
des centaines de milliers de morts suivant l’explosion des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki… et de l’impression des esprits par le moyen de la violence et de la
peur. Mais l’enjeu de « Barbie » n’est-il pas au moins aussi important, celui de la formation des esprits par le moyen du jeu.
Dans la psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim énonçait : « …Et les contes de fées ont pour caractéristiques de poser des problèmes
existentiels en termes brefs et précis. L'enfant peut ainsi affronter ses problèmes dans leur formes essentielles, alors qu'une intrigue plus élaborée lui
compliquerait les choses… Le conte de fées simplifie toutes les situations. Ses personnages sont nettement dessinés. Tous les personnages correspondent à un type,
ils n'ont rien d'unique. »
Avant tout, avant de tirer les leçons de ce film, il faut dire à quel point le scénario, la mise en scène et les acteurs « collent » admirablement avec
le propos et surtout avec « Barbie, le jeu, avec Ken, le compagnon de jeu de Barbie » et avec leurs interprètes tout simplement extraordinaires
d’intelligence et de finesse.
Donc, le film traite de Barbie et de ses (més)aventures dans le monde réel. En vérité, tout est réel dans ce film, à commencer par la vie de poupée pour terminer
par les poupées dans la vie. Barbie n’est pas réelle ? Allez donc dire ça aux petites filles ! Barbie n’a pas de personnalité ? Allez donc expliquer
qu’une femme médecin, présidente, ingénieure, infirmière, agent de surface n’est qu’un machin uniformément reproduit sans égard pour le regard des petites filles.
Barbie, habituant celles-ci à se projeter dans des métiers, des comportements, une vie moderne ne les a-t-elles par libérées de la représentation traditionnelle de
la femme et de sa soumission à cette représentation formatée depuis la plus tendre enfance.
Les premières images du film sont tout simplement fabuleuses et, empruntant (largement) à celles du film de Kubrick « 2001, l’Odyssée de l’Espace »,
montrent la révolution « Barbie » et sa contribution à la réforme mentale des petites filles. Le personnage de « Ken », quant à lui,
introduirait l’idée que les hommes sont fondamentalement prétentieux, fats et … puérils.
Ce serait donc là le principal message du film ? Pas du tout, Barbie, propulsée dans le monde « réel » se trouve confrontée à des petites filles qui
lui reprochent d’avoir tenté de leur imposer une vie de cliché, d’attentes impossibles à satisfaire et de soumission à des modèles artificiels. Barbie, n’est donc
pas la petite fille parfaite, comme avant elle le « poupon » n’était pas la poupée idéale. Tout s’écroulerait donc et Barbie, ne serait pas un mythe
fondateur mais une illusion collective manœuvrée par le grand capital et les forces d’oppression qui lui sont associées. La liberté des petites filles aura été
brimée et bridée. Leur esprit formaté pire que ce que pouvaient faire des gourous, pire que ce qu’ont fait les idéologies.
Comme les deux films précédents « Barbie » n’est pas une histoire qui finit tristement. Barbie, la poupée, finalement perdra en mythe, ce qu’elle gagnera
en idéal, devenant ainsi, un pont entre fragilité enfantine et liberté d’être de l’adulte.
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