On ne peut pas tout écrire, tout dire, tout montrer dans un livre sur Paris. Même en limitant le propos à un Paris oublié et, par conséquent, en circonscrivant strictement l’exposé à ces parties de Paris sur lesquelles peu d’auteurs se sont penchés, on est contraint à des choix cruels.
J’ai évoqué le Parc des Buttes Chaumont dans mon livre « Paris oublié, raconté par ses rues », j’aurais pu, (dû ?) étendre mon propos à la Butte Bergeyre. Elle en est une voisine « very next to kin ». Elle en a les mêmes origines et, pour tout, dire aurait bien mérité d’être incluse dans le périmètre du parc quand ce dernier fut « construit » (sur ce point, voir mon livre).
Rendons à César.
Je n’ai pas découvert la Butte en question, par hasard. Voilà l’histoire : je croisais rue de la villette venant de la rue de Belleville en direction de la butte Chaumont quand après avoir dépassé la rue des Solitaires, je me trouvais arrêté dans la contemplation d’une plaque étrange qui annonçait, sur fond blanc au lieu du fond bleu habituel, « la villa florentine ». Pour parvenir dans cette villa, il faut emprunter un étroit boyau, apparemment une cinquantaine de mètres sur un mètre de large. L’accès est réservé aux détenteurs d’un « sésame » digital.
C’est alors que jaillit (le mot est un peu fort) une résidente poussant une bicyclette qui, me voyant perplexe devant le panneau de la villa, me conseillât d’aller beaucoup plus loin, visiter la butte Bergeyre (« comment, vous ne connaissez pas la butte Bergeyre…. Mais dans le XIXème arrondissement, c’est le must etc… ». Voulait-elle gentiment m’éloigner de sa villa en me précipitant sur une autre ? Si stratagème il y avait, il réussit, j’y allai.
Pour les amateurs d’escaliers, je recommande, cette butte Bergeyre : comptez l’équivalent de sept à huit étages à gravir. (Mais si vous n’y tenez pas, on peut suivre une rue qui dessert le petit labyrinthe des voies de la butte). C’est un Paris, hors de Paris, un monde élevé, tout à l’écart. Imaginez une sorte de falaise de gypse. Elle a été creusée sur le côté Butte Chaumont. Et ses flancs sont vraiment abruptes. Sur cette falaise, accessible uniquement par un escalier et une rue qui sinue comme s’il s’agissait d’attaquer une forte côte de montagne, après moultes utilisations, on a fini par créer une sorte de village, qui domine Paris de très haut offrant ainsi une perspective assez impressionnante : le quartier de la Défense se découpe, clairement dans le lointain.
C’est un village civilisé : les constructions datent pour la plupart de l’entre deux guerres et offrent un beau registre des styles chics et élégants de l’époque. On n’est pas dans un ancien lotissement ouvrier. Songez que sur cette butte on trouve même une rue qui porte le nom d’un banquier anglais ancien dirigeant de la Lloyds Bank, Monsieur Barrelet de Ricou !!!! Wikipédia nous dit que l’homme était un résident suisse. Faisant partie de la Résistance, il aurait été arrêté en 1945.
La butte doit son nom à un joueur de Rugby qui s’illustra sur le lieu même qui avait été dédié aux spectacles. Sur les flancs de la butte on pouvait rassembler 15 000 spectateurs. Des compétitions sportives y furent longtemps données jusqu’au milieu du XXème siècle. Puis, la butte fut laissée aux promoteurs qui édifièrent sur des terrains peu sûrs (carrières de gypse essentiellement) tout une petite ville de maisons à deux étages, rarement plus, comme on en trouve dans le quartier de la Mouzaïa ou du côté de la Butte aux Cailles etc. Les maisons y charmantes, couvertes de verdure, de couleurs gaies, les unes très petites, les autres plus imposantes. Les enfants jouent au ballon dans les rues qui ne servent qu’aux riverains et aux camions de livraison (indispensables car on ne trouve ici aucune boutique).
Les rues sont dénommées Edgar Poe, Remy de Gourmont etc…
Ce n’est pas des pentes de la butte Bergeyre que les insurgés « roulaient dans le ravin ».
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