Il a lu dans d’histoires, tant de livres, tant de lettres, des poésies par milliers, des centaines de pièces de théâtre, des formulaires administratifs sans compter, un nombre incalculable de résumés, notices, de modes d’emploi et autant de publicités, à la télé, sur des affiches, des placards publicitaires… Des milliers, des dizaines de milliers de mots, des centaines de milliers et plus encore se sont accumulées, des millions peut-être. Les uns rôdent dans les replis les plus profonds de l’esprit, d’autres dorment dans quelque amas de neurones, à l’abri, comme en réserve pour le cas où ils seraient utiles, peut-être nécessaires, quelques-uns, les plus actifs, s’entraînent comme les danseuses à leur barre où le boxeur en face d’un sac de sable, et se montrent, pavanent parfois et surtout imposent leur présence, parfois un peu pesante, dans le discours, dans les répliques, dans les écrits, pour qu’on ne les oublie pas, pour qu’on ne pense pas qu’ils sont usés, éculés, radotés.
Parmi eux quelques ridicules, les « n’est-ce pas », les « clairement », ou encore les « je dirais » et encore les « si vous voulez bien », ou les « absolument, évidemment, certainement, accessoirement, délibérément » , toute les cohortes des adverbes, bien utiles pour ralentir le rythme du discours, ralentisseurs occupant le terrain de l’attention et de l’audition, ardent à ne pas laisser un espace libre à un contradicteur ou un interlocuteur, le temps, seulement le temps de rassembler des idées, de les constituer en cohortes légères, en francs-tireurs, en batteries à tir rapide, puis, ça y est, ils sont prêts, relâcher les mots après les avoirs retenus au moyen des adverbes, des « ce n’est pas que je veuille vous interrompre », et les laisser repartir à l’attaque et faire tomber les mots des autres dans des pièges améliorés, dans les feux croisés d’idées durcies, mots-balles, mot-obus, revampés, retouchés, durcis, propres à casser du mot tout venant, du mot délicat et ronronnant.
Les mots sont comme des animaux, rassemblés en phrase, ils peuvent prendre une dimension impressionnante, certains mots sont capables de cathédrales ! D’autres n’hésitent pas à dévaler les raisonnements et les images et se prennent pour des torrents. L’eau et les mots, pourquoi ne pas le répéter, ont tant de choses en commun, comme le vent aussi et le feu. Ils sont de même nature, ils coulent de source ou se répandent comme des trainées de poudre. Les mots ont pu se constituer en étendues marine. Combien de maladroit dans le maniement des mots ont-ils perdu pieds et ont été emportés par leurs idées, sans se rendre compte qu’ils n’en étaient plus les maîtres, qu’un mot jeté sans y penser, s’écartait de son locuteur à la vitesse du son pour aller signifier tout au loin des choses qu’on aurait préférées insignifiantes.
Animaux aussi, ridicules ou mal dégrossis, genre chiens galeux et chats de gouttière, genre puces et poux, « faite’zexcuses », « cé pas pour dire ». Ceux-là n’étaient pas davantage souhaités que les premiers. Ils leur faisaient barrage. Ils venaient d’une enfance modeste immergée dans des mots de rue et non des mots de boudoirs ou d’écoles bien fréquentées. Sans prendre garde, moments de fatigues, ou débats qui auraient mobilisé trop d’énergie, on aurait abandonné un instant l’effort de les maintenir en arrière, tous ces mots ou toutes ces phrases inopportunes, inadéquates, de trop modeste extraction.
Pour autant, ces mots-là ne parviennent que très rarement à survivre dans la jungle des conversations, des argumentations, des discours, des lettres et de toutes les formes de moyens de communication où des mots étaient nécessaires. Ils se font pousser sur le côté par d’autres, joyeux, qui aiment à faire de l’esprit, les fameux « mots », « bons » ou « d’esprit ». Les pires sont le « mot juste », « le mot précis » qui s’avancent comme les prédicateurs du grand Siècle et rejettent dans les ornières de l’esprit, les manants en particulier et le « vulgum pecus » en général. Ceux-là affectionnent la pose pédagogique, celle que l’on prend lorsqu’on lance un « pourquoi », immédiatement suivie d’un « parce que.. ». Immédiatement n’est ici pas un vain mot. Il ne faudrait pas se tromper de mot et laisser un interlocuteur s’emparer de ce qu’il fait semblant de prendre pour une question et qui n’était qu’un lien entre deux phrases.
On ne laissera pas dire que la morale est exclue des discours et qu’aucun automatisme n’est utilisable pour dire des choses que tout le monde doit comprendre. « nous nous devons à nous-mêmes » vient ici menacer les tièdes et les indécis. « Vous ne ferez pas dire » suit, bien vite, lorsque la pose est dénoncée comme une posture. Enfin, dernière arme à utiliser comme couteau de tranchée, difficile à manier parce qu’elle peut vous pêter entre les doigts et revenir un peu durement dans vos oreilles : « je ne vous permets pas de dire.. ». Les mots, alors, sont en danger.
Et ce n’est pas en les arrosant qu’on leur assurera une seconde vie ! Seul cas imaginable : les mots d’amour ; inoxydables, insubmersibles. Ils ont été baignés dans toutes les sortes de larmes ; eau chaude des amours qui s’avouent et se chantent ; eaux glaciales des douleurs qui surgissent, des amours qui sombrent et des vies brisées ; eaux brûlantes des haines naissantes et des vengeances qui se déploient. Ces mots-là, servent depuis la nuit des temps. Ils sont immémoriaux, ils sont là qui attendent les lendemains, les futurs, les bientôt, les « tu ne perds rien pour attendre ».
Tant de mots, si anciens.
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