Je n’étais pas un bon élève. J’étais même un mauvais élève. Avec mauvaise conscience : je me rendais bien compte que ne rien faire ne pouvait pas me conduire vers les sommets. Quand je me comparais, je me désolais vraiment et quand je me regardais, il n’y avait franchement rien pour me consoler. Je n’avais qu’à m’en prendre à moi-même. Je ne faisais rien. J’ai ce souvenir là, de ne rien faire. Alors, j’alignais les mauvaises notes. Pourtant, toujours avec l’espoir, quand le professeur énonçait les résultats, que peut-être, pour une obscure raison, je me retrouverais gratifié d’une bonne note. Je me délectais un instant de cette bonne nouvelle. J’avais une bonne note. Je rentrais chez moi, fier et modeste tout à la fois. Je n’irais certes pas tirer honneur d’une situation dont je sentais la fragilité intrinsèque. Mais quand même, les faits étant là, la bonne note étant inscrite en clair sur mon carnet de note, elle deviendrait incontournablement une bonne note. Les félicitations fuseraient avec d’autant plus de vigueur qu’elles fêteraient à la fois l’évènement et l’étonnement qu’il suscitait.
Fitch Ratings a annoncé qu'elle maintenait à la France son "AAA mais qu'elle l'assortissait d'une perspective "négative", contre "stable" jusqu'à présent.
"Cette perspective négative indique qu'il y a un peu plus de 50% de chance d'un abaissement de la note d'ici deux ans",
Dans la réalité, la bonne note dont je goûtais la douceur sucrée, ne survivait pas plus de quelques secondes. Ou bien les notes étaient rendues par le haut ou bien elles l’étaient par le bas. Cette dernière version achevait mon rêve en moins de vingt secondes. J’étais trop près de la dernière note pour que j’aie le temps de rapporter à la maison mentalement une bonne note virtuelle ! L’annonce des notes commençant pas le haut permettait au rêve de durer un peu plus longtemps. De renonciation en renonciation. On a le droit de rêver, mais il faut connaître ses limites, pensais-je certainement en constatant que je n’étais pas dans les dix premiers. On peut ne pas être mécontent d’être au milieu de tous ces camarades qui forment le centre de la classe. Tant qu’il ne m’était pas devenu évident que je n’étais même pas moyen, je pouvais poursuivre mon rêve sur le thème « ce n’est pas extraordinaire mais ce n’est pas dramatique ! On va dire que c’est un premier pas. Il faut aller progressivement ». Sauf qu’à un certain moment la liste basculait dans le vide, celui des derniers, ne laissant plus de place pour le rêve. Celui-ci se fracassait contre la réalité. Pourquoi la réalité a-t-elle toujours une allure de rocher escarpé et acéré ? Pourquoi, ne ressemblerait-elle pas un jour, à un édredon ou à une meule de foin fraîchement coupé et sentant bon les fleurs des champs.
Les rêves sont idiots, vides qu’ils sont de toute réalité.
Pourtant aujourd’hui. Toutes ces choses sont bien derrière moi. J’ai passé l’âge. C’est vrai que j’aurais tant aimé revenir avec une bonne note. C’est vrai que j’aurais aimé faire des efforts. Ils m’auraient sûrement permis d’atteindre cet idéal que je portais en moi, comme d’autres nourrissent un amour mystique ou des pensées salaces : être le premier en tout, partout, pour tout. Avais-je trop de désir, mettant par là même l’objectif hors de portée? Je ne sais pas. C’est derrière moi. Aujourd’hui, je suis le premier, en tout, pour tout, pas encore partout. Et il y a toujours des cons pour vouloir me donner des sales notes.
Sauf que maintenant on va y réfléchir sérieusement.
5 déc. 2011 – France : La France est en passe de perdre son triple AAA comme en témoigne les déclarations du gouvernement qui semble vouloir préparer la ...
Quand j’étais dernier. C’est clair, il n’y avait personne derrière moi. Tout le monde était devant. Je ne voyais plus rien. Ils me bouchaient le paysage. Le pire, c’était quand ils se retournaient. Alors je voyais bien que j’étais le dernier. Tout seul. Il n’y avait pas d’autre dernier. A quelques exceptions prés. Il m’est arrivé de n’être pas le seul dernier. Il y en avait un ou même deux autres, ou trois. Nous étions les derniers. Je faisais partie d’un groupe : « les derniers ». Je pouvais, cela m’était arrivé, à quelques reprises être un peu moins dernier que d’habitude, parce que d’autres m’avaient piqué la place. Ça permettait de faire de l’humour : j’étais le premier des derniers.
Aujourd’hui, je suis le premier dans un pays qui n’est pas dans les derniers... (à suivre).
Aujourd’hui, je suis le premier dans un pays qui n’est pas dans les derniers. Mais, on veut absolument me faire sentir et à mon pays, que je dirige, qu’il n’est plus question qu’il soit premier. On voudrait peut-être m’en attribuer la faute. Me faire revenir à mon état antérieur. Que je n’aurais pas dû quitter. Celui de dernier. Ce sont tous des salauds. Il faut que ces choses là changent. Il n’est pas imaginable que je continue à vivre avec tous ces minables qui me collent une étiquette sur le dos et dénoncent au monde entier que je suis le premier d’un pays qui va passer dernier au rythme où il avance.
Moody’s : Une sorte de tableau d'honneur des États et de leurs dettes, qui peut susciter des craintes. Bons élèves, le Royaume-Uni, la France, les États-Unis et l'Allemagne, titulaires de la meilleure note de crédit, AAA, n'ont, pour l'heure, pas à craindre de dégradation.
Ah !Ah ! Ah ! Je ne dors pourtant pas mais ce rire résonne comme dans un mauvais rêve. Je ne vois pas ce que tout ceci a de risible. Ils me disent cependant que ce n’est pas un rire méchant. Tant qu’il est modulé sur trois notes ascendantes portant les unes après les autres, la première voyelle de l’alphabet, je ne dois m’inquiéter que d’une chose. Le leur faire répéter. Aussi souvent qu’il le faudra. Alors, c’est la force de ce rire solide et vigoureux, le bleu du ciel ne s’assombrira pas, aucun nuage ne viendra s’interposer pour gêner la lumière du soleil et la clarté étant partout répandue, tout sera plus facile. Pour moi, pour les gens qui m’entourent et tous ceux qui aiment le soleil plus que tout.
Donc je me suis astreint à faire les choses qu’il faut pour que le rire revienne. Je m’y suis attelé de bon cœur. Le souvenir de ces bonnes notes dont je rêvais tant. Les bras croisés. Avec le professeur égrenant les notations devant moi. C’est d’ailleurs un peu le sentiment que j’ai quand ils viennent me voir. Ils viennent pour voir s’ils peuvent encore rire avec moi. Ah !ah ! Ah ! Quand ils le veulent bien, ils rient d’une autre façon. Ils rient des notations des autres. Il se peut qu’alors les rires soient moins convaincus. Ils me montrent d’abord leur livret. La partition en quelque sorte. Ils se réunissent en rond ou en demi-cercle, qu’ils nomment Agence. Et ils récitent toutes les notations, par cœur. Ils se tiennent debout. Devant moi. Et moi, j’ai mes bras bien serrés, croisés, comme autrefois. Mais je ne rêve plus. J’ai les yeux bien ouverts et les oreilles aussi.
Si Nicolas Sarkozy était battu en 2012, les agences de notation dégraderaient la note de la France immédiatement, la vouant au sort d’Athènes ou de Madrid.
A un certain moment je me suis aperçu qu’ils ne riaient plus que par une forme de hoquet. Ah ! Un silence ; Ah ! Un silence…. On m’a dit qu’un seul Ah ! C’était un monde sinistre qui était annoncé. J’ai demandé à qui ils pensaient quand ils se contentaient d’un Ah ! La réponse m’a fait froid dans le dos. Espace désertique balayé par des vents glacés. Pas beaucoup de monde. Ce n’était pas exactement le terme. Il y avait quand même des gens, ici et là. Mais pas un regard sympathique. Tout affuté, aiguisé, fil d’une lame de couteau. Et pourtant me dirent-ils, ils ne sont pas derniers.
De quel droit… je ne finis pas cette phrase qui aurait pu s’achever en une plainte. Il y aurait donc toujours des types pour assommer les autres avec leurs commentaires, leurs remarques, leurs notations. Non ! S’exclamèrent-ils aussitôt nous ne sommes pas des professeurs, ni des analystes financiers, ni des journalistes… nous sommes des agences de notation. Les pays, comme les autres, hommes, animaux, objets méritent d’être notés.
Il faut que je garde mes bras bien croisés. On me regarde sûrement.
Ils vont lire les notes.
On m’a dit qu’il y a des BBB. C’est drôle, on dirait un bruit d’enfant qui vient de naître. Mais ce n’est pas drôle car cela veut dire qu’on n’est pas loin de la phase terminale. Faire BB pour faire peur !? La société est devenue folle.
CCC, est-ce possible ? Autour de moi, ils ne savent pas. Ils me disent qu’il vaut mieux ne pas savoir. De toutes les façons, me disent-ils, il serait trop tard pour que ça serve à quelque chose.
Par curiosité, il faut parfois détendre l’atmosphère, j’ai posé la question. Y a-t-il pire que dernier ? Pire que CCC, pire que C. J’ai entendu leurs cris. On était bien loin de la musique de A. comme une sorte de cri sauvage. Primal. Au début, à la fin de tout.
La France a perdu sa note financière AAA, la meilleure possible, désormais abaissée d'un cran, à AA+, avec perspective négative, a confirmé, vendredi 13 janvier au soir, l'agence d'évaluation Standard and Poor's.
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