Paradoxes

Chicken game ou le paradoxe de la poule mouillée


La théorie des jeux est une des branches de la science mathématique qui s’assigne pour sujet d’étude le comportement humain en société, les interactions entre les membres de la société et les intérêts qui les guident. Elle a fait beaucoup pour la compréhension des mécanismes boursiers et du comportement des acteurs

Dans cette théorie, les jeux se classent en deux catégories : les jeux à somme nulle (voir ce terme), les jeux à somme non-nulle.  Le plus célèbre des jeux à somme non nulle est le « dilemme du Prisonnier ». Le jeu de la poule mouillée est une version de ce jeu, qui permet de comprendre bien des comportements économiques et leur traduction dans les méthodes qu’adoptent certains Etats pour négocier ou gérer leurs relations avec les autres.

Le principe est le suivant : deux automobilistes sont sur une route à une seule voie roulant l’un vers l’autre. S’ils ne cessent pas de rouler, ils vont se rentrer dedans. Dans ce cas, ils ont tous les deux tout perdu. Mais ils peuvent aussi chercher à s’éviter. Il suffit d’ailleurs qu’un seul d’entre eux décide de se mettre dans le fossé pour que les deux s’évitent un accident très grave. Mais on voit bien que dans ce cas, celui qui aura eu l’attitude la plus désinvolte, sera aussi bénéficiaire que celui  qui a pris l’initiative et assumé les coûts et les risques d’une sortie de route.

Ce type qui sort de la route, c’est la « Poule Mouillée ». Il a eu la trouille et a cherché à s’esquiver. Celui qui est resté obstinément sur sa trajectoire, c’est celui « qui en a… ».

On dira que la coopération des deux est profitable aux deux et surtout que la non-coopération, la trahison de l’un est, elle aussi, profitable aux deux ! on dira aussi, et c’est là que le jeu de la Poule Mouillée prend tout son sens, que celui qui a choisi l’attitude de coopération peut tolérer, voire reconnaître comme légitime l’attitude « désinvolte », de non-coopération, de trahison diront les théoriciens, de son partenaire.

Un bel exemple de ce jeu de la Poule Mouillée peut être trouvé dans la célèbre affirmation d’un responsable des finances américaines après que le dollar a été détaché de la référence Or : « le dollar est notre devise, mais c’est votre problème ». A ce moment, les Etats-Unis ont fait comprendre à leurs partenaires économiques et alliés qu’ils ne s’occuperaient pas de la tenue du dollar contre les autres monnaies. Ils suggéraient aux autres pays de le faire à leur place pour éviter de très graves désordres. C’est ce qu’ils ont fait, exactement comme le joueur américain désinvolte le prévoyait : ils se sont efforcés de maintenir leurs monnaies à l’intérieur d’une marge de fluctuation vis-à-vis du dollar, subissant ainsi les errements des politiques budgétaire, économique voire militaire des Etats-Unis. Et comme il s’agissait de fidèles alliés, ils se sont finalement bien accommodés du système. Il faudra attendre pas mal d’années avant qu’une monnaie « concurrente », l’Euro, émerge enfin.

Les exemples de ces situations où celui qu’on qualifie d’ « indélicat dominant » joue sa partie sur le dos des autres, abondent dans la vie sociale et dans la vie économique : les rapports entre copropriétaires pour le paiement de travaux d’intérêts communs, ceux entre fermiers pour des questions d’accès à l’eau, pour entretenir des voies d’accès, des canaux d’irrigation etc.…en sont des illustrations classiques et à la portée de tous. Il n’est pas besoin d’avoir fait des études de mathématiques très poussées.


Gilets jaunes et paradoxe du vitrier

 

Si on faisait la guerre pour donner un coup de fouet à l’économie ?

 

La guerre aurait des effets positifs sur l’économie au titre des dépenses qu’on expose et des coûts qu’on réduit.

 

La guerre se traduit par des dépenses d’investissement : construire des chars, des fusils, des avions et de consommation : produire massivement des cartouches, rockets, gaz. Les industries du transport, du bâtiment, de l’électronique etc. tournent à plein régime.

 

Beaucoup ambiguïtés planent sur la réduction des coûts. Les auteurs insistent beaucoup sur les coûts humains. Les morts, les blessés, les enfants qui ne sont pas faits ….il ne faut pas éluder. Ces coûts existent.

 

Mais il faut aussi penser à ce qui contribue à les réduire : l’innovation est accélérée et elle a des effets immédiats sur la productivité. Avec une bombe atomique on change d’échelle dans la production de la mort et des destructions. Il y a aussi la paix sociale : les gens qui se battent au front ne se soucient plus de faire le défilé du premier mai ou de réclamer une meilleure représentativité des syndicats. Il n’y a plus de chômage.

 

Si, plus simple que la guerre, on cassait les vitres ?

 

Les catastrophes naturelles font aussi augmenter le PIB.. C’est la même chose pour les embouteillages et la surconsommation d’essence qu’ils entraînent. Les voitures qui brûlent dans les banlieues à Noël ou au jour de l’an ? C’est une contribution à la progression du PIB.

 

 « Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitre ? »

 

Voilà une idée bonne idée neuve ? Hé, non ! C’est une mauvaise idée selon Bastiat, un des fondateurs du libéralisme à la française au début du XIXème siècle. Il le démontre dans le paradoxe du vitrier. « Si la vitre n'avait pas été brisée, on aurait pu consacrer l’argent pour la remplacer à l'achat d’outils, de vêtements ou de chaussures. Ainsi non seulement on aurait eu une vitre …mais aussi un outil, un vêtement etc.… !

 

Il en concluait que « la société perd la valeur des objets inutilement détruits » et résumait en un dicton « destruction n'est pas profit. »

 

Donc casser ? C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. On s’en doutait un peu…mais il n’est pas mauvais d’en voir la preuve rapportée.

 

Que faire s’il ne suffit pas de faire la guerre, de casser les vitres et de polluer partout ?

 

Et s’il y avait les rêves ?

 

Il y a des rêves d’enfants. Des rêves de lune, de mars et d’ailleurs qui s’accompagnent pour les réaliser de fantastiques dépenses dans des technologies qui ont changé la face du monde. Des rêves d’un seul monde où les continents sont sillonnés de routes maritimes, terrestres, aériennes…. Il y a le rêve d’un monde, riant et accueillant, pur et propre, celui d’une humanité plus juste.

 

 

Beaucoup de rêves sont disponibles. Il n’est pas même nécessaire de faire la guerre à la bêtise.  

Le paradoxe du vitrier




La catastrophe de Fukushima, s’est abondamment étalée dans les journaux sous son aspect nucléaire ce qui est rien moins que logique.  Le tsunami et ses méfaits est une chose, le risque de voir des centrales nucléaires de nature pacifique se transformer en bombes, exploser et répandre mort et désolation dans leur environnement immédiat légitime les priorités éditoriales. Maintenant que ce risque paraît moindre, que l’explosion redoutée est écartée et qu’il ne s’agit plus que de zones d’interdiction pendant quelques mois, on peut revenir à la cause première des désastres subis par les japonais : le tsunami. Il est vrai qu’il est à l’origine de tout, catastrophe nucléaire, catastrophe humanitaire, catastrophe économique. Les photos qui se multiplient maintenant sur la situation dans la zone du tsunami et qui montrent des millions de tonnes de déchets, détritus, décombres à déblayer pour espérer penser un jour à reconstruire conduisent à interroger quelques poncifs de l’économie de « café du commerce ».

«À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l'industrie».  Nous allons commencer à l’entendre cette petite phrase qui fleure bon son « il leur manque une guerre, à ces jeunes » et son « regardez les Allemands, c’était pain béni cette guerre (la seconde),  ils n’ont jamais été aussi riches » etc.  On est ici dans le raisonnement simpliste. On pourrait presque le pardonner tant il est vrai que les guerres récentes, menées par les américains se sont achevées dans des déluges de dollars !

C’est à l’économiste français Basquiat (1801- 1850) qu’on doit cette phrase de type « brèves de comptoirs ». Ce n’était surtout pas pour en défendre ni en illustrer la validité. Economiste libéral passionné de vulgarisation, il n’hésitait jamais à se répéter pour enfoncer le clou du libéralisme économique et politique et aussi pour démolir les idées convenues ou fausses parsemées un peu partout dans l’univers politique, social et journalistique.

C’est à l’occasion d’une de ses nombreuses batailles qu’il lança le paradoxe du Vitrier. La vitre cassée est le titre du chapitre I de Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas. Bastiat part d'une histoire, celle du fils de « Jacques Bonhomme » qui casse un carreau de vitre et de la réaction des badauds : « À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l'industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l'on ne cassait jamais de vitre? ».  C’est selon l’auteur « ce qu’on voit ». II est vrai écrit-il que grâce à cet accident, le vitrier va travailler, le fabricant de verre et de vitre va écouler sa production, les ouvriers de l’un et l’autre vont pouvoir profiter des effets de la loi des débouchés de Monsieur Say.  Donc, le dommage causé, le bris de vitre, toute destruction se traduit par une relance de la dépense.

Dans la réalité, c’est un paradoxe car « Si la vitre n'avait pas été brisée, on aurait pu consacrer l’argent pour la remplacer à l'achat d’outils, de vêtements ou de chaussures.  Ainsi non seulement on aurait eu une vitre …mais aussi un outil, un vêtement etc.… ! ». On n’aurait investi tout autant et peut-être mieux, puisque, somme toute, remplacer une vitre ne fait que maintenir l’économie au niveau qu’elle a atteint.

Il en concluait que « la société perd la valeur des objets inutilement détruits » et résumait en un dicton « destruction n'est pas profit. »

Alors, pour les japonais, le Tsunami, une bonne chose ? En suivant le paradoxe du vitrier on y réfléchira à deux fois avant de lancer qu’en économie comme en tout « à toute chose malheur est bon ». Il est utile de noter par exemple que les ravages subis par la Nouvelle-Orléans ne sont toujours pas effacés. Que les inondations catastrophiques dont le Pakistan a été victime ont toujours un impact désastreux sur son économie. Etc.

A fortiori, la guerre pour sortir de la crise ! Totalement contreproductif ! C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. On s’en doutait un peu…mais il n’est pas mauvais d’en voir la preuve rapportée. 

Le paradoxe du vitrier est plus riche que (ce qui n’est déjà pas mal) la simple condamnation des destructions qu’elles soient d’origine naturelle ou qu’elles résultent des comportements humains. Le mésusage des choses, des biens et des services est une forme de destruction de valeur alors même qu’elle peut se traduire par une progression statistique du PNB. Les indices ne disent pas toujours la vérité ! C’est le cas des embouteillages dont on démontra à une époque qu’ils pouvaient se traduire par une progression du PNB marchand du fait de l’augmentation de la consommation d’essence.  C’est le cas de la mauvaise utilisation de ressources communes, comme l’eau ou l’électricité. C’est aussi le cas de la multiplication des ordures ménagères. Se désintéresser de la question du sort des emballages, une fois les produits utilisés et consommés, revient à se désintéresser des coûts directs et indirects de leur élimination-destruction.

Le paradoxe du vitrier est aussi une invitation à ne pas se laisser-aller aux effets faciles et au déni de réalité.



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