Voudriez-vous avancer un peu plus vite... à grands pas!
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La monnaie ?
Qu’est-ce que c’est ?
Une question idiote, voilà ce que c’est : tout le monde connait la monnaie !
Eh bien non, la plupart des gens ne savent pas ce que c’est. Au surplus, ceux qui savent se trompent souvent et ceux qui pensent ne pas se tromper s'entre-tuent, car les uns et les autres ne se trompent pas mais ont des vérités différentes si ce n’est opposées.
Il faudrait commencer par le commencement et dire qu’avant de commencer il faudrait lire les livres. Dans ce domaine, on n’a pas à plaindre : la monnaie fait parler d’elle depuis des millénaires. Cela fait bien au moins 2500 ans que la question a point.
Et cela fait 2500 ans que personne n’est d’accord.
La meilleure technique pour s’en sortir consiste à entamer un exposé savant par ces mots : « il y a trois types de monnaies », et hop! c’est parti, on ne parlera pas de la monnaie « an sich » mais de la monnaie « für die anderen ».
Lorsqu’on veut faire « son classique », on en appelle à Aristote. Personne n’a lu ce qu’il avait écrit sur la monnaie, mais on a retenu qu’il lui avait attribué trois fonctions. Donc, à la question : qu’est-ce que la monnaie, la réponse vient comme si on avait appuyé sur un bouton, « c’est une chose qui a trois fonctions ».
Lorsqu’on veut ne pas répondre à la question, on prend un air lointain et désabusé et on laisse tomber : "la monnaie est un voile". Je n’oublierai pas évidemment le cas pathétique du gauchiste mélancolique et mélanchonien : la monnaie c’est la coke des riches et la mort des pauvres.
On est bien avancé.
Mais on sait déjà une chose : c’est un beau sujet de débats.
Donc si j’ai le courage et des lecteurs, je continuerai, un peu plus tard. C’est vraiment un beau sujet.
On va continuer à tourner autour du pot ! Pourquoi ne pas parler des cas où la monnaie, malgré la richesse des pays concernés, n’a pas été considérée comme un must.
On a signalé que la Perse et l’Egypte, les deux principaux empires de l’antiquité « ancienne » ne connaissaient pas la monnaie : dans la réalité, il faudrait dire qu’il savait bien de quoi il s’agissait mais que la pratique de l’émission, de la circulation et de la régulation monétaires n’était pas leur souci majeur.
Or, dans les deux cas, il s’agit d’empires extrêmement centralisés. Tout vient du pouvoir théocratique de Pharaon pour l’une et du roi des rois pour l’autre. Tout leur vient, et tout vient d’eux. On verra quel impact cela peut avoir sur le concept monétaire (mais on a déjà approché la question en évoquant l’idée d’une mégabanque unique et universelle qui rassemblerait tous les paiements faits à tous les agents économiques et qui expédierait tous les paiements faits aux mêmes).
Rappelons-nous que ces deux empires ont été très "papelardiers" qu’il s’agisse de morceaux d’argile ou de feuilles de papyrus!
Il faut essayer de passer à un niveau différent qui ne tient pas à l’organisation des hommes mais à leurs rapports avec les Dieux ou toutes puissances de ce genre.
Dans certaines cultures, la mainmise de l’homme sur le temps est non seulement inconcevable mais pire, c'est une infamie, un défi lancé à l’égard des dieux, de la nature, de l’idée même de la place de l’homme dans le monde. Dans pareils contextes, le temps peut exister, mais si on en constate l’existence, on ne lui confère aucune importance déterminante (pensons, pour le mouvement, au paradoxe de Zénon : il n’existe pas dit Zénon, bien que ce dernier sache parfaitement que son stylet court, et court, et court, sur le papyrus pour expliquer qu’Achille ne rattrapera pas la tortue).
Non seulement, il n’a pas d’importance mais il ne peut pas être ni manipulé, ni inventé, ni programmé : le temps n’appartient pas aux hommes qui ne peuvent prétendre ni échapper à son cours, ni l’utiliser.
Dans ces conditions que devient la chose monétaire ? Ou, même avant de penser à elle, comment peut-on dire à son cocontractant qu’on le paiera dans trois mois ? N’est-ce pas déjà faire montre d’une arrogance insupportable ? Dans le cours de ces trois mois, on peut avoir rejoint les cieux, l’enfer ou les ancêtres mille fois, selon leur bon vouloir. Et celui qui ose dire qu’il veut bien être payé 100 tout de suite, mais que ce sera 110, si c’est dans trois mois, n’est-il pas plus arrogant encore ?
Si donc, mentalement, culturellement, le temps ne peut être introduit dans le monde de tous les jours comme une donnée économique, un indicateur discriminant entre ceux qui doivent et ceux à qui on doit, comment assure-t-on la compensation des dettes et des créances ? A ce rythme, celui qui doit... devra toujours et celui à qui on doit, attendra. Ou plus exactement, celui qui doit, doit et celui à qui on doit a un droit. Cela se traduira dans des comportements culturels. A la limite, le paiement n’est plus l’enjeu. Il peut même être une rupture de lien et à ce titre être refusé. Le lien dette-créance est un lien plus important, un lien social, un lien qui crée de la société entre les membres de la cité … ! Alors, payer... Alors, la monnaie pour payer...
Mais où diable passerait la monnaie dans pareils univers?
On le saura peut-être plus tard….si on veut bien me suivre dans des méandres de pensée non-économique.
Depuis quand la monnaie?
Si on pense que la monnaie existe, il faut essayer de penser sa genèse. Aurait-elle existé depuis que l’homme est homme? Ce serait une élégante façon de dire qu’on va y réfléchir parce qu’on ne sait pas très bien depuis quand l’homme est homme !
Passons outre cette difficulté : imaginons simplement que la monnaie existe depuis un certain temps, assez lointain. Mais, si elle existe « depuis… » c’est qu’elle n’existait pas « avant… »!
A moins qu’un "big-bang" monétaire ait fait apparaître la monnaie comme le monde est venu aussi d’un "big-bang". Ce qui aboutirait à nouveau à une sorte d’impasse : avant la monnaie, rien de ce genre n'aurait existé.
De fait, pendant des milliers d'années, il fut de très puissants empires dont la richesse était colossale et qui ne connaissaient pourtant pas la monnaie. N’allons pas trop loin sur le plan géographique, même si les périodes de temps sont assez longues et retenons que l’Egypte pharaonique, sur des milliers d’années n’a pas eu l’usage de la monnaie ; retenons aussi que les Perses, au moins jusqu’à la conquête d’Alexandre, n’avaient pas non plus eu besoin de cet instrument des échanges commerciaux ou non commerciaux.
Pas de monnaie dans les empires les plus riches (colossalement) de l’antiquité ? Comment faisaient-ils donc pour acheter et pour vendre ? Pour dire la valeur des choses? et conserver cette valeur, comme d’autres stockent les céréales dans des greniers pour s’en servir plus tard?
Belle question, qui devrait ne pas se limiter aux temps très anciens. Pensez-vous qu’à la fin du XIXème siècle, les campagnes françaises étaient inondées de monnaie ? La réponse est « non ». La monnaie était rare.
Ceci renvoie à la question primordiale : pourquoi a-t-elle émergé et pourquoi n’a-t-elle pas émergé davantage…
C’est à ce moment qu’on va rencontrer le temps : le big-bang de la monnaie comme le big-bang du monde a eu pour effet d’introduire le temps dans ces univers apparemment différents.
A suivre….
on notera que les questions soulevées ici trouvent aussi des réponses en suivant ce lien.
On pourrait avancer que le dollar n'est que le reflet de la puissance et du statut du gouvernement américain, et qu'il n'y a pas de mécanisme fondamental et organique qui le lie à l'activité économique: c'est en résumé une construction pure et simple. Les programmes de QE que l'auteur semble balayer d'un simple revers de main sans se plonger en détail dans leur mécanisme et leur philosophie montrent au contraire la décorrélation de plus en plus grande entre l'activité économique des pays riches et l'acte de création de monnaie.
Hossein Adibi
C’est une remarque que beaucoup de gens qui refusent le dépassement de fonction des banques centrales font et faisaient avant même la création du bictoin ...
Il est toujours intéressant de noter qu’en général, les argumentations sur la non-valeur des monnaies souveraines prennent le dollar pour exemple. Au fond l’argument est la suivant :
- Le dollar ne vaut que parce qu’il est la monnaie d’une superpuissance protectrice, sa valeur est « politique »
- Le dollar ne vaut que parce que l’économie américaine est une économie monde
- Le dollar ne vaut que parce qu’il est investi par les citoyens du monde d’une crédibilité à laquelle aucune autre monnaie ne peut prétendre
- La preuve que le dollar ne repose sur aucune réalité économique : Si les Etats-Unis devaient rembourser leurs dettes, le dollar ne vaudrait pas grand-chose.
- Et parce qu’il ne repose sur rien alors, le quantitative easing est possible.
Donc le dollar en tant qu’objet économique n’existe pas (par opposition au pétrole, à l’or, au blé et autres matières premières) ou plus exactement, son existence ne dépend que de facteurs non économiques ! Sa valeur n’est qu’une conséquence de la puissance militaire des Etats-Unis qui confère une puissance économique qui confère une puissance monétaire.
C’est l’argumentation traditionnelle que les opposants à l’hyperpuissance américaine ont toujours avancée (à commencer par la France Gaulliste sous l’égide de Jacques Rueff).
Il vaut mieux s’en tenir à quelques notations sur la monnaie :
- L’universalité du dollar tient à l’universalité de son acceptation
- L’acceptation du dollar est universelle car le dollar est une créance sur l’économie américaine, son sous-jacent n’est rien d’autre que la première économie du monde.
- l’Union européenne, statistiquement, est la première économie du monde : l’Euro devrait avoir le même statut que le dollar. Mais elle est première statistiquement et non pas économiquement.
- La valeur du dollar, ne repose pas sur la puissance politique américaine au sens strict du terme : si la valeur des monnaies dépendait de la puissance politique des nations, l’Union soviétique aurait eu une des principales monnaies du monde.
Il en résulte que le dollar est recherché :
- Car il représente une créance, c’est-à-dire un actif conservateur de valeur, gagé sur la principale économie du monde.
- Car étant universellement accepté, il est l’instrument le plus efficace de règlement des transactions internationales y compris lorsque les partenaires ne sont pas américains (hors les banques américains qui sont par définition les éléments incontournables de l’utilisation du dollar, quelle que soit la raison de cette utilisation)
- Car aucune autre économie ne porte de concurrence significative à l’encontre de l’économie américaine et par conséquent à sa monnaie.
- L’exemple de la livre montre à l’envi que sans économie à valeur mondiale, il ne peut y avoir de monnaie de même valeur.
Le quantitative easing rompt-il avec les principes mentionnés plus haut?
- La rupture « conceptuelle » du QE est la suivante : les banques étaient « hors la banque » car l’intervention de la FED dans la gestion de la liquidité interbancaire avait été progressivement supprimée ; le système bancaire mondial pouvait gérer sa propre liquidité. La crise de 2008 est une crise de liquidité interbancaire ; les banques centrales se sont substituées aux banques pour assurer cette liquidité.
- La liquidité d’un système monétaire dépend de sa capacité à « effacer » les décalages dans les échéances des paiements sur un plan global, c’est-à-dire, sur un plan interbancaire, compenser les liquidités insuffisantes par les liquidités en excès. (en d’autres termes, s’il n’existait qu’une seule banque supramondiale, enregistrant toutes les transactions dans tout le monde pour tous les acteurs économiques, la question de la liquidité ne se poserait pas).
- Lorsque les systèmes bancaires sont stables et lorsqu’il n’existe par de fuites dans les systèmes, ils sont auto-liquides ou auto-financés. La crise de 2008 a rompu cet équilibre : les doutes portés sur les créances bancaires en raison de la mauvaise qualité de certains dérivés de crédit ont conduit à accentuer les fuites et donc à rompre l’auto-liquidité. Les banques centrales ont pris la place des systèmes bancaires : elles en ont assuré la liquidité en achetant les actifs détenus par les banques.
- Ont-elles produit de la monnaie ? En fait, elles ont substitué leurs bilans à ceux des banques et ont porté la liquidité : les banques qui étaient « hors la banque » sont revenues « dans la banque ».
Pour conclure:
La notion de décalage entre économie et monnaie n’a pas de sens hormis l’hypothèse où on poserait qu’il y a fabrication de monnaie ex-nihilo. On vient de montrer que ce n’est pas le cas. Il y a au contraire, corrélation très étroite en économie et monnaie.
Il faudrait admettre qu’il y a indépendance entre le processus économique et le processus monétaire et que l’un peut aller sans s’inquiéter de l’autre. C’est renvoyer la création monétaire aux affaires de la république de Weimar ou du Vénezuela contemporain.
La création monétaire ne peut être désincarnée : les tenants du « voile monétaire » (les tenants les plus stricts du libéralisme économique) ont pour descendants les défenseurs des crypto-monnaies. Tout ceci repose sur l’illusion que la richesse peut venir de rien comme l’or peut venir du plomb.
Cette erreur qui se manifesta très tôt dans l’usage de l’or est magnifiquement illustrée par deux formes de rapports étatiques à l’or, celui de la France et celui de l’Espagne, à peu près à la même époque, au XVIIème siècle.
Pour la France le chryso-hédonisme, l’amour de l’or, sanctionnait la valeur de la production : pour avoir de l’or, il fallait fabriquer de bons produits. Pour l’Espagne, l’or se ramassait au Pérou, il suffisait d’avoir de bons esclaves pour creuser.
Miner ? Cela ne vous dit pas quelque chose. De l'or ou du bitcoin?
Il vous suffira de tendre la main, vers les librairies du net,
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